La Fédération de la Gironde (33) a créé une immense surprise l’automne dernier, en embauchant un pêcheur sportif de renom : David Dubreuil. David faisait pourtant partie des frondeurs depuis de nombreuses années, comme si le monde associatif commençait à mieux accepter et intégrer la critique… Est-ce alors le marqueur de temps nouveaux ?
Les pêcheurs aux leurres connaissent bien David Dubreuil. Depuis une bonne vingtaine d’année, cet acteur majeur de la scène halieutique s’est ingénié à tirer la pêche aux leurres vers le haut. Ce membre actif de Black-Bass France a rejoint dès sa création le légendaire magazine Predators, pour lequel il a abondamment écrit. Il a participé également avec son compère Numa Marengo à la création et au développement de ce qui fut un temps le plus grand circuit de compétition en Europe — le Défi Predators Ouest, — puis a créé France B.A.S.S Nation, un circuit de pêche du bass référencé par le circuit professionnel américain B.A.S.S. ! On l’a dernièrement vu sur le canapé du Fishing Club dont il était l’un des invités permanents, pour ne pas dire un piller. Tout ceci, il le fit parallèlement à sa carrière professionnelle, responsable des rayons pêche des établissements Roumaillac, une institution bordelaise de la chasse et la pêche. Depuis un peu plus d’un an, il collabore avec votre magazine préféré, via des articles synthétiques de très grande qualité, centrés sur la pêche du black-bass aux leurres.
David a donc rejoint la Fédération de Pêche de la Gironde. Actuellement responsable technique adjoint, il est en charge du développement du loisir-pêche et de la garderie. Nous sommes allés à sa rencontre et ce fut comme un choc !

« David indique d’emblée que son travail consiste à faire en sorte que les pêcheurs en aient pour leur argent »
David indique d’emblée que son travail consiste à faire en sorte que les pêcheurs en aient pour leur argent. Pour lui, l’augmentation du prix de la carte de pêche doit s’accompagner de temps de pêche supplémentaire. « Quand on paie plus, on doit en avoir plus, c’est logique non ? » fait-il remarquer. Durant toute l’entrevue, nous avons bien senti que David était hanté par un objectif : offrir plus de pêche aux pêcheurs, et plus de solutions aux AAPPMA, il nous l’a répété plusieurs fois. Pour lui le diagnostic de la pêche en France est sans appel : les pêcheurs français ne pêchent pas assez et vivent des frustrations qui mettent en péril la pratique.
Par exemple, selon lui la vente des cartes de pêche à partir du mois de janvier ne répond pas à l’attente des pêcheurs, nous annonce-t-il sans nuance. Il énumère ses six arguments en levant tour à tour ses doigts : « Il fait froid, il pleut, le poisson blanc mord mal, la carpe pas plus. Le carnassier va fermer dans quelques semaines et la truite l’est pour encore deux mois. Qui voudrait acheter un produit comme ça, qui n’existe pas ? (…) Si la météo est mauvaise et les niveaux d’eau trop hauts, l’ouverture de la truite en Gironde ne se fait pas (truites de lâcher essentiellement) et ça repousse les pêcheurs à fin avril pour l’ouverture du carnassier. De l’ouverture jusqu’aux vacances d’été, la période ne fait que 2 ou 3 mois… Les cartes journalières et hebdomadaires font alors le tampon. En fait, dit-il, je comprends la mécanique qu’adopte certains pêcheurs qui attendent le plus possible jusqu’au mois de septembre sans pêcher, ou pêchant peu, pour ensuite profiter de la carte automne à -50%. La preuve, elle est en augmentation chaque année. Les pêcheurs de carpes sont souvent tentés par le privé qui offre sécurité, quiétude et surtout efficacité. Seuls les pêcheurs au coup constituent un socle stable, mais l’effectif est en constante diminution. Il n’est pas normal que le nombre de pêcheurs évolue en fonction des fluctuations météorologiques. Cela dénote une pratique intermittente de la pêche. »

« un mouvement de dé-complexification de la règlementation pour simplifier la vie des pêcheurs »
Et il ajoute : « Un produit pêche qui fonctionne, c’est pour moi une hausse des cartes annuelles et une baisse des cartes promo de septembre. Ce sont ça, mes indicateurs. Je trouve néanmoins que la carte automne à -50% est une excellente chose, paradoxalement. Mais c’est un produit à proposer en dernier recours, un article placé en sortie de caisse, en aucun cas en tête de gondole. »
Son passé professionnel tourné vers le commerce lui a forgé une vision très pragmatique de ce qu’il appelle le « produit pêche » et que les autres fédérations nomment pudiquement le « loisir pêche ». Vision nouvelle et quelque peu déroutante… David s’explique : « ma vision du produit pêche va profiter aux pêcheurs, je n’ai aucun complexe à vous la dévoiler. Cette vision chiffrée est un outil de mesure. Elle me permet de voir des choses que d’autres ne voient pas. Je raisonne en chiffres, en progression, en produits et en objectifs. »
Pour proposer des produits pêche intéressants, David a déjà démarré la machine à pêcher, et l’a programmée sur : lavage intensif. Il souhaite proposer des « produits livrables de suite » comme il dit. En à peine trois mois, David avait déjà développé trois parcours spécifiques :deux carpodromes fédéraux ouverts à tous, et un étang en pêche aux leurres toute l’année (l’étang de Neuffons). Au même moment, la FD33 inaugurait un réservoir mouche qui était déjà dans les tuyaux avant son arrivée, ce qui montre bien que la fédération de Gironde avait identifié les mêmes axes d’amélioration que David.
Il y a à peine un mois, en concertation avec la DDTM et l’OFB, la fédération de Gironde a souhaité développer un ambitieux projet d’ouverture de la pêche aux leurres toute l’année sur certains secteurs (gravières et domaine public fluvial soumis à marées). Une telle mise à plat de la règlementation pêche dans ce département est inédite ! En effet, David nous explique que sur ces secteurs, se mêlent des enjeux brochet, des enjeux brochet aquitain et des enjeux concernant six espèces de migrateurs. « La Fédération est constamment dans l’état d’esprit de valoriser la pêche tout en conciliant la protection des milieux aquatiques. Cette double casquette fait partie non seulement de nos statuts mais constitue notre valeur ajoutée ! Sur ces bases solides, insiste-il, les négociations sont bien engagées dans les mois qui arrivent avec tous les partenaires institutionnels qui nous font confiance. »
David souhaite amorcer en parallèle un mouvement de dé-complexification de la règlementation pour simplifier la vie des pêcheurs, des gardes-pêche et des gardes de l’OFB car comme il nous le précise « la règlementation actuelle est devenue trop compliquée, notamment pour les gardes particuliers, il faut la rendre plus lisible (…) Dans le fond, j’en ai marre qu’on « embête » les pêcheurs avec des règlementations liberticides et contraignantes alors qu’ils ne sont pas responsables de la raréfaction des espèces. C’est toujours la même chose : les pêcheurs sont structurés, ils ont donc des élus accessibles que les représentants de structures étatiques peuvent convoquer facilement et punir. On leur explique qu’ils ne peuvent plus pêcher car il y a eu un dépôt sauvage de déchets et que dans ces déchets on a retrouvé une bobine de fil. On leur dit qu’ils font peur aux oiseaux, dérangent les tortues, piétinent la végétation, coupent des branches, font effondrer les berges, polluent l’eau, etc. C’est inaudible car si tous ces accusateurs peuvent profiter aujourd’hui des milieux aquatiques c’est parce que justement les pêcheurs les ont en grande partie protégés jusqu’à présent ; il est inconcevable de s’en faire déposséder. »

Et David de continuer : « Bien sûr il y a des adversaires identifiables comme PAZ, mais ils ne représentent que 700 personnes peu crédibles. Nos pires ennemis sont parfois ceux de l’intérieur, notamment les pêcheurs égoïstes ». Il relate les divisions chez les pêcheurs, notamment ceux qui se plaignent sur les réseaux des lâchers de truites et qui ont tout oublié de leurs débuts, enfants, avec ces nuits blanches passées à attendre impatiemment que le réveil d’une ouverture réglé pourtant très tôt, ne sonne toujours pas, ces moments partagés avec son père et son grand-père. « Ce lien filial est fondamental, dit-il, et ces mecs voudraient nous faire croire que lâcher des truites c’est mal ? On a tous la même passion, mais pas le même maillot visiblement » dit-il en souriant.
Sans transition, David nous parle des alevinages. Sitôt arrivé, il a mis fin à la politique de saupoudrage, comme il l’appelle. Plutôt que de répartir le budget de manière équivalente ou proportionnée, il a choisi l’hétérogénéité et introduit la notion de « vocation halieutique ». Dans les plans d’eau fréquentés par une majorité de pêcheurs au coup, il a préféré déverser beaucoup de gardons ou de carpeaux, sans aucun carnassier. Dans les plans d’eau pêchables en float-tube, il a opté pour du 100% carnassiers, et aucun poisson blanc. Il s’explique : « on se plaint de la présence de nuisibles comme les calicobas (perche-soleils), d’écrevisses de Louisiane, de poissons-chats, de pseudorasboras, mais on livre chaque année du poisson fourrage sur un plateau à nos carnassiers. Ce que je dis aux AAPPMA c’est : ne vous inquiétez pas. Chasser, c’est leur métier, ils trouveront leurs proies tous seuls. Arrêtons de gaspiller des poissons blancs dans des plans d’eau à vocation carnassiers ! »
Concernant les cormorans, c’est le Président de la Fédération Daniel Bourdie qui intervient pour prendre la parole : « Ce qui est incroyable c’est qu’on autorise le tir par Arrêté Ministériel, mais on nous demande des dossiers ultra-ficelés, des études au niveau du département pour justifier l’impact du cormoran sur nos eaux libres. Mais ce travail a déjà été fait au niveau national ! On nous demande donc de faire deux fois le même travail. Pendant ce temps, les cormorans font le leur : 500 grammes de poissons par cormoran, envolés ! »
Quand nous demandons ce qui fait la spécificité des pêcheurs de la Gironde par rapport aux autres départements, le Président répond sans hésiter : « les jeunes ! » La Fédération de Gironde est en effet la seconde fédération concernant les moins de douze ans et dans le top cinq concernant les moins de dix-huit ans. On sait que la truite est un produit plutôt destiné aux anciens, et nous ne sommes pas dans un département de première catégorie. Chez nous les très jeunes pêchent les calicobas (perches-soleil), du bord les ados pêchent le black-bass entre potes. Avec leur père, ils pêchent en bateau le brochet sur les lacs médocain. Ils pêchent aussi au coup et la carpe, comme dans tous les autres départements d’ailleurs. Mais le bass et le brochet, ça marche fort ici pour nos jeunes. »
Concernant la carpe, le Président conclut qu’avoir ouvert à la pêche de nuit l’intégralité du domaine public fluvial (DPF) a vraiment été bien accueilli chez les jeunes carpistes qui ont pu démultiplier leur terrain de jeu sur la Garonne, la Dordogne et l’Isle. Des kilomètres de berges rendus accessibles d’un coup à tous ceux qui souhaitent tenter l’aventure en terrain quasi-vierge avec des carpes plus petites certes, mais ô combien combattives !
Nous aurions pu parler encore des heures avec David tellement sa passion est communicative et enthousiasmante, mais nous avions déjà bien assez de contenu. Si l’activité de la fédération de Gironde et celle de David vous intéresse, nous vous invitons à rejoindre leurs réseaux sociaux et aller voir leurs dernières vidéos sur leur chaine YouTube. La fédération y est très active et comme nous l’a dit David : « nous devons une totale transparence à nos pêcheurs sur la partie de notre travail qui les intéresse. Nos réseaux, c’est surtout de l’actu utile en temps réel. »
