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Une ouverture truite dans la neige en montagne, avec Cyrille Curioz

Une ouverture aux leurres en torrent de montagne n’est jamais gagnée d’avance, surtout quand la neige est présente et les eaux glacées. Il fallait convoquer un vrai champion pour relever le défi. Partie de pêche difficile mais pari réussi pour le Chambérien Cyrille Curioz sur l’un des plus beaux torrents de Tarentaise.

Cyrille Curioz est probablement aujourd’hui l’un des meilleurs pêcheurs de truites au leurre de l’Hexagone. Il l’a d’ailleurs prouvé en remportant deux fois le championnat de France en 2016 et en 2019. Un véritable surdoué qui maîtrise aussi bien la cuiller tournante que le poisson-nageur, l’ondulante ou le micro-souple. Polyvalent, il aime pratiquer dans les minuscules ruisseaux tout autant que dans les très grandes rivières ainsi qu’en réservoir ou dans les lacs d’altitude. Pour le week-end très particulier de l’ouverture, il a ses petites habitudes. Le samedi, il pêche les surdensitaires avec ses amis compétiteurs mais le dimanche il choisit toujours un très beau parcours patrimonial pour renouer avec les farios.

L’accès au torrent d’Eau Rousse n’est pas très aisé. Cela devrait garantir un parcours sans concurrent. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Un superbe torrent sauvage

En 2021, il avait jeté son dévolu sur le fameux torrent d’Eau Rousse, réputé en Savoie pour ses petites zébrées de souche et ses gouilles magnifiques. C’est un gros affluent direct de l’Isère qui prend sa source tout près du col de la Madeleine bien connu des cyclistes du tour de France, à presque 2000 m d’altitude. Il est très influencé par la fonte des neiges. Au printemps, les débits sont généralement hauts mais la première quinzaine de mars, si le temps est froid et sec, il y a parfois une fenêtre avec des niveaux plus bas. Le problème est que les eaux sont alors glaciales, ce qui est loin d’être les conditions les plus favorables pour le leurre. Pas de quoi démotiver Cyrille, toujours très optimiste. « Le parcours est assez sportif et, à cette époque, il faut être vraiment courageux pour descendre dans ce vallon hostile quasiment sans échappatoire. Nous allons donc être probablement les premiers de l’année à passer, ce qui peut faciliter la pêche. Une fois en bas nous aurons 7 heures de prospection devant nous. Les farios devraient bien se mettre à mordre à un moment ou un autre de la journée », m’explique-t-il tout en préparant son matériel.

Les têtes plombées, prévues pour les teignes artificielles sont fabriquées avec des billes tungstène de 3,5 mm à 6 mm. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Rose ou blanc ?

Après une petite demi-heure de descente sur un sentier à peine marqué, nous accédons enfin à la rivière. Il est 9 h juste passé, le cours d’eau est magnifique, l’excitation est là et la partie de pêche peut commencer. Cyrille, très confiant après avoir vu une petite truite détaler sous une pierre, attaque avec son leurre de base : une cuillère tournante de 4 g. Il veut voir si les poissons sont agressifs mais j’avoue être assez sceptique sur la capacité d’un leurre dur à déclencher des attaques dans une ambiance aussi polaire.

Une truite à la morphologie assez fine, caractéristique du début de saison. Le temps des agapes n’est pas encore venu. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Mes doutes sont confirmés : au bout de 15 minutes de prospection, pourtant sur de très beaux postes, il n’a toujours pas enregistré la moindre attaque. Un peu inquiet pour la réussite du reportage, je mesure la température de l’eau : le thermomètre affiche 5 degrés ! « C’est vraiment la limite pour prendre des poissons, il va falloir certainement gratter au micro-souple », me dit-il en changeant sa stratégie. Il opte alors pour une teigne artificielle rose de 2,5 cm montée sur une tête plombée de 1,5 g. La prospection peut alors reprendre beaucoup plus lentement qu’avec la cuillère. Mais la rivière semble complètement fermée. « Il y a des traces de pas, peut-être que quelqu’un est devant nous ? » lance Cyrille tout en modifiant à nouveau son leurre. Le volume de la proie proposée est augmenté avec une teigne de 3,5 cm de couleur blanche plus classique enfilée cette fois-ci sur une tête de 2 g. Le but est de pouvoir tenir encore davantage le fond, au risque de s’accrocher parfois.

Cette fario n’est certes pas un monstre (28 cm) mais, vu la difficulté du jour, elle est assurée avec l’épuisette !
Crédit photo : Thierry Bruand

Chaque recoin y passe

Au bout de 50 minutes de pêche acharnée, c’est la libération : une première fario de 24 cm est enfin capturée dans une belle vasque, suivie assez rapidement par un second poisson modeste. L’hypothèse d’un pêcheur qui nous devancerait aujourd’hui est écartée et le leurre du jour semble trouvé. En confiance, notre champion peut maintenant se concentrer sur l’essentiel : la prospection. Son aisance technique et sa lecture de l’eau sont remarquables et c’est un vrai régal de le voir évoluer dans ces eaux impétueuses et limpides. Chaque cache potentielle et recoin de la rivière est passé au peigne fin avec une belle alternance de lancers : à distance sur les lisses de manière à privilégier la discrétion et plus courts quand les eaux sont bouillonnantes, pour être bien certain de passer vraiment creux. Parfois il n’hésite pas à pêcher carrément sous la canne en rentrant franchement dans l’eau de manière à pouvoir animer sa teigne quasiment à la verticale sous les caches. Il tient alors son fil à la main comme les pêcheurs au toc.

Teigne artificielle blanche volumineuse et petite tête plombée cuivre : le leurre du jour. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Mais la pêche est vraiment dure et seule une truitelle est capturée dans l’heure et demie qui a suivi les deux premiers poissons. La seconde fario maillée est finalement mise à l’épuisette un peu avant midi. Elle mesure 28 cm et ce sera la plus belle de la journée. « Je l’ai prise sur un coup moyen, ce sont souvent les meilleurs car la pression de pêche est moins forte. Regarde comme elle longue et maigre. C’est typiquement une truite de début de saison », me fait-il remarquer tout en la présentant à l’objectif avant de la remettre délicatement à l’eau.

Début mars, la neige peut être présente en altitude. Si elle ne fond pas, la réussite aux leurres est possible. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Trois degrés de plus

Le soleil fait petit à petit son apparition dans le vallon. L’ambiance se réchauffe, ce qui motive notre champion toujours ultra-concentré. Ses efforts payent puisqu’une troisième sauvage de taille respectable est piégée dans un embâcle. C’est après avoir prospecté longuement un joli plat sans succès que nous prenons une petite pause repas au soleil, juste au bord du poste. Alors que je ne l’aurais même pas tenté, un peu instinctivement, juste avant de repartir, Cyrille ratisse à nouveau le coup avec un poisson-nageur. Et là une belle fario surgit et attaque rageusement son minnow coulant, là où la teigne avait échoué il y a peine 10 minutes. Je suis d’autant plus surpris que nous n’avions pas été particulièrement discrets au bord de l’eau ! Un coup de génie comme il en a le secret et un quatrième poisson passant la maille comptabilisé. J’en profite pour prendre à nouveau la température de l’eau qui affiche alors 8°C. « Ceci explique peut-être cela. Trois degrés de plus que ce matin ce n’est pas rien, remarque Cyrille. C’est en tout cas le bon moment pour essayer de prendre des poissons aux leurres durs. »

Notre Savoyard a profité de ce reportage pour tester quelques-uns de ses prototypes d’ondulantes et de poissons-nageurs.
Crédit photo : Thierry Bruand

Retour à la tournante

Mais, début mars, rien n’est simple et aucune truite n’est capturée au poisson-nageur dans l’heure qui suit. Retour pragmatique et gagnant à la teigne rose: deux poissons corrects pris en une petite demi-heure. Cyrille ne renonce pas pour autant à piéger les farios de l’Eau Rousse avec des leurres plus agressifs. Son application est récompensée puisqu’il capture avec une cuillère palette cuivre deux nouvelles farios quasiment coup sur coup, laissant croire à un pic d’activité. Le secteur qui se profile maintenant est moins encombré et plus plat. La tournante est donc bien adaptée pour peigner rapidement des postes peu marqués. Mais c’est un nouvel échec et il faudra revenir finalement encore une fois au micro-souple pour enregistrer un autre poisson, hélas juste en dessous de la barre des 23 cm. Il est maintenant 16 heures passées et la luminosité commence lentement à baisser. Nous arrivons bientôt au niveau de la passerelle qui marque la fin de la session, il faut en effet prévoir une petite heure de marche pour revenir à la voiture.

La première fario de la saison prise au leurre dur. Elle s’est fait attendre !
Crédit photo : Thierry Bruand

La truite du pont

Mais, comme dans un match de foot qui se termine, il reste toujours une dernière action. Notre Savoyard repère un tout petit amorti juste à l’arrière d’un des blocs qui soutient l’édifice. Le coup n’est pas simple car la veine d’eau principale est très rapide. Petit lancer en cloche. La teigne tombe sur le rocher puis elle est basculée dans l’eau grâce à une légère tirette. Ploc. C’est la touche immédiate quasiment à l’impact. Ferrage réflexe, le coup est parfait... mais le poisson, a priori de belle taille, se décroche. Dommage ! Le compteur restera donc bloqué à sept poissons maillés, ce qui, pour un dimanche d’ouverture, aux leurres, sur un secteur visiblement pêché la veille, est très honorable. Merci champion !

Cyrille, qui a aussi beaucoup pêché au vairon, croit intensément au sens olfactogustatif des truites, surtout en début de saison. Il sature donc fortement ses teignes artificielles avec un attractant liquide qu’il élabore à partir d’un arôme calamar pour bouillettes, mélangé avec un cocktail d’acides aminés. Ça colle au doigt ainsi que dans la pochette plastique et l’odeur n’est pas vraiment agréable, mais les résultats sont là. Il a raté très peu de poissons pendant sa partie de pêche.
Crédit photo : Thierry Bruand

Un vrai bricoleur(re)

Cyrille touche à tout et ne peut pas s’empêcher de fabriquer les produits avec lesquels il pêche. Il a fini par monter sa micro-entreprise et développer sa marque Trout Essential qui propose des cuillères tournantes, des ondulantes, des teignes artificielles, des têtes plombées, des worms pour le réservoir et très prochainement des poissons-nageurs qu’il élabore depuis un an. Site Internet : troutessential.fr

Son matériel pour l'ouverture

  • Canne : fabrication maison, d’une longueur de 2,02 m et d’une puissance de 0,5 à 5 g. Un peu à contre-courant de la tendance actuelle qui privilégie les cannes nerveuses, Cyrille utilise une canne montée par ses soins à partir d’un blank polonais ultra-fin et dotée d’une action très modérée, quasi parabolique. Une habitude qu’il a prise en compétition, où chaque poisson compte, et qu’il a conservée en pêche de loisir. Il ajoute une longue pointe en Nylon, surtout pas de fluoro, pour compenser, là encore, le manque d’élasticité de la tresse.
  • Moulinet : Legalis LT 2000 SXH de Daiwa
  • Tresse : Dangan Braid 4 brins PE 0,4 de Major Craft
  • Nylon : Super Strong 17,5/100 de Toray

Les leurres de Cyrille, de haut en bas ; cuiller tournante 4,3 g, teigne de 3,5 cm avec une tête plombée de 2 grammes, teigne de 2,5 cm avec une tête plombée de 1,5 gramme et minnow coulant de 4 cm pour 4,4 grammes (prototype).
Crédit photo : Thierry Bruand

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