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Pierre Kuntz, le benjamin de l'équipe de France

Découvrons cette fois le benjamin de l’équipe de France championne du monde, Pierre Kuntz. Nous nous sommes rencontrés deux fois pour cette interview et du haut de ses 26 ans, Pierre en impose. Il a déjà dix ans de compétition derrière lui, dont la plupart au plus haut niveau. Sa maîtrise technique est parfaite et il est très posé et minutieux dans son approche comme dans la vie.

Cette ascension fulgurante est due premièrement à une tête bien faite. Pierre vient de soutenir sa thèse avec succès et, avant de commencer sa vie professionnelle, il a pris quelques semaines bien méritées pour profiter de sa passion. Il m’a suffi de voir ses boîtes à mouches pour comprendre qu’il ne laisse rien au hasard. Tout est réfléchi, optimisé même ! Une citation de Corneille dit que « La valeur n’attend pas le nombre des années », Pierre en est le parfait exemple. Un surdoué que l’on va voir longtemps au plus haut niveau, à n’en pas douter, l’avenir de notre équipe de France !

Les boîtes de Pierre sont impressionnantes ! Remplies à ras bord et extrêmement bien rangées. Comme je vous l’ai dit, rien n’est laissé au hasard.
Crédit photo : Herlé Hamon

COMMENT, OÙ ET À QUEL ÂGE AVEZ-VOUS COMMENCÉ LA PÊCHE À LA MOUCHE ?
Pierre Kuntz
: Je suis pêcheur depuis mes 7/8 ans. J’ai fait mes débuts en pêchant la perche au leurre et aux appâts naturels sur les berges du lac Léman avec mon père, pendant les vacances scolaires, puisque j’ai la chance d’avoir une partie de ma famille là-bas. Mais c’est en 2005, à 10 ans, que j’ai découvert la pêche au fouet lors de vacances en famille à Argentat, au bord de la Dordogne. L’observation de nombreux pêcheurs à la mouche sur cette superbe rivière a attisé ma curiosité. J’ai alors pris 2h de cours de lancer, accompagné de mon père, avec un guide local et c’était parti ! Les deux premières années furent plutôt compliquées. Apprendre seul à 10 ans les bases de la pêche à la mouche, ce n’est pas une mince affaire ! J’ai vraiment commencé à prendre du poisson, suite à la rencontre d’un pêcheur alsacien, Alexandre Dalon, sur les rives de la Bruche. Il avait eu la gentillesse de prendre quelques heures pour me transmettre les bases de la pêche en rivière : sèche, sèche/nymphe et nymphe au fil. Ensuite, les prises se succédèrent régulièrement et j’ai fait mes premières armes en Alsace, sur la Bruche, et pendant l’été en Haute-Savoie, sur les Dranses.

QUAND ET POURQUOI AVEZ-VOUS COMMENCÉ LA COMPÉTITION ?
P. K. :
C’est lors du Salon de pêche de la Roche-sur-Foron en 2010 que j’ai découvert l’existence de la compétition et eu mes premiers contacts avec des compétiteurs. Au cours de ce salon, j’ai assisté à une démonstration de pêche de Bertrand Jacquemin. Après avoir fait connaissance, il m’a prêté sa canne quelques minutes et m’a donné des conseils de pêche. C’est en discutant avec mon père qu’il m’a orienté vers un club de pêche à la mouche pour continuer de progresser. Je suis donc arrivé au club mouche Vallée de la Thur, qui était à l’époque un très bon club de formation des jeunes, dans lequel on m’a proposé de participer aux compétitions en 2011, même si je n’étais pas venu pour ça à la base. Je me suis très vite pris au jeu de la compétition, mon envie de comprendre et de progresser dans la pêche a été mon principal moteur. De plus, j’ai eu la chance d’être sélectionné en Équipe de France des Jeunes dès ma première année de compétition et donc de participer aux Championnats du monde des Jeunes en Italie (2011), en France (2012) et en Irlande (2013). L’équipe de France des Jeunes était alors encadrée par Grégoire Juglaret et Frédéric Desfait, qui m’ont fait progresser de façon considérable et surtout prendre goût à la compétition internationale.

Pierre a enchaîné de belles prises lors de notre sortie sur l’Aude avec de jolies truites sauvages qui font plaisir à voir
Crédit photo : Herlé Hamon

QUELS SONT VOTRE PALMARÈS ET VOTRE ÉVOLUTION EN COMPÉTITION ?
P. K.
: Comme dit précédemment, j’ai démarré la compétition en 2011 à 16 ans. J’ai donc commencé à évoluer dans la catégorie Jeunes dans laquelle j’ai remporté en particulier un titre de Champion de France des Jeunes en 2013 et une troisième place par équipe au Championnat du monde des Jeunes en 2012. En parallèle des compétitions Jeunes, j’ai également participé au championnat de France Senior et je suis rapidement monté dans les divisions puisqu’à ma sortie de la catégorie Jeune en 2013, j’avais gagné ma place en 1re division lac et en 1re division rivière avec un joli titre de Champion de France 2e division rivière. En parallèle de mes compétitions personnelles, j’ai encadré à mon tour l’équipe de France des Jeunes en duo avec Philippe Pralong, de 2016 à 2019, et nous avons pu participer à trois Championnats du monde des Jeunes, où nous avons remporté deux titres mondiaux en équipe en 2016 (Espagne) et 2017 (Slovénie) et cinq médailles individuelles. En 2015, je deviens membre du Club des sports de Méribel-Section pêche à la mouche, qui m’a apporté un soutien essentiel dans mon évolution en compétition. Ainsi, après quelques années de première division, au cours desquelles j’ai pu me confronter aux meilleurs compétiteurs français et réaliser deux podiums en première division rivière, j’ai eu la chance d’être rapidement sélectionné en équipe de France Europe, puis Monde. J’ai ainsi pu participer à quatre championnats internationaux en Pologne (2016), Portugal (2017), Italie (2018) et Tasmanie (2019). Les moments passés au cours de tous ces championnats resteront gravés dans ma mémoire. J’ai beaucoup apprécié la compagnie de l’ensemble de mes coéquipiers qui sont maintenant des amis. Mais je retiendrais plus particulièrement l’année 2017, avec notre titre de champion d’Europe par équipe et ma seconde place en individuel juste derrière notre capitaine Sébastien Delcor, et l’année 2019 avec ce championnat incroyable en Tasmanie, où nous avons remporté, au terme d’une compétition riche en émotion, le titre de Champion du monde par équipe.

Pierre passe en sèche dès que l’occasion se présente, comme sur ce petit lisse où nous avions repéré un gobage. Il s’agira d’un petit poisson, mais pour lui, le plaisir de la pêche en sèche prime.
Crédit photo : Herlé Hamon

QUEL EST VOTRE MEILLEUR ET VOTRE PIRE SOUVENIR EN COMPÉTITION ?
P. K. :
Le déroulement d’une compétition se passe rarement comme on l’imagine, il y a souvent des choses qu’on aimerait changer. Cela peut être des erreurs stratégiques ou bien simplement des mauvais coups du sort, car comme dans tous les sports, il y a des jours avec et des jours sans. Mon pire souvenir en compétition remonte à 2013, lors du Championnat du monde des Jeunes en Irlande. Nous luttions pour une place sur le podium et pour la dernière manche j’allais pêcher un lac assez difficile, où il suffisait d’un poisson pour se classer parmi les meilleurs. À mon grand désespoir, j’ai touché un poisson pendant la manche qui s’est décroché très rapidement après une chandelle à plus de 20 m du bateau. C’est la seule touche que j’ai eue pendant cette manche. J’avais eu le poisson de la médaille d’équipe au bout de la canne et je l’avais perdu, sans comprendre pourquoi… Quelle déception ! Le sentiment de plomber toute l’équipe sur un mauvais coup du sort. Je me sentais responsable du mauvais résultat de l’équipe. Aujourd’hui, je ne sais toujours pas si j’aurais pu sortir ce poisson, si j’avais fait une erreur ou pas mais, ce qui est sûr, c’est que ces « mauvaises » aventures de compétitions nous font grandir en tant que compétiteur et nous permettent de progresser si on en tire les bons enseignements. En ce qui concerne le meilleur souvenir, il est difficile de choisir car, en réalité, il y en a plusieurs. Chaque compétition internationale est une expérience exceptionnelle, en particulier lorsqu’elle se termine sur une victoire d’équipe. Si je devais ne retenir qu’un seul championnat, ce serait notre dernier championnat du monde en Tasmanie (décembre 2019), au sud de l’Australie. Ce championnat était incroyable sur tous les points : un voyage extrêmement long (4 vols et plus de 30 h de voyage), une faune et une flore très dépaysantes, une météo à ne pas mettre un pêcheur dehors (50 à 100 km/h de vent et 0 à 5 degrés), des entraînements difficiles où il n’a pas été simple de définir la bonne stratégie de pêche, un faux départ avec une 9e place après la première journée de compétition… Cette aventure fut donc extrêmement difficile sur tous les plans, mental, physique et stratégique. Mais c’est dans cette situation-là qu’on voit la force de notre équipe, puisque dans cette conjoncture peu favorable, nous avons réussi ensemble à grappiller, poisson par poisson, les points qui nous séparaient de la première place. Alors je peux vous dire que le dénouement de la compétition avec l’annonce du résultat final a été un moment qui me marquera à jamais. Quelle fierté de remporter un championnat du monde dans ces conditions, juste devant les Tchèques et les Espagnols qui auraient eux aussi mérité la victoire au vu des résultats finaux très serrés. Je souhaite à tous les sportifs de vivre un jour des émotions comme celles-là !

Entraînement avec son capitaine, Sébastien Delcor sur le Vicdessos en Ariège, pas vraiment la peine d’essayer de passer derrière…
Crédit photo : Herlé Hamon

QUEL EST VOTRE MEILLEUR ET VOTRE PIRE SOUVENIR DE PÊCHE HORS COMPÉTITION ?
P. K. :
Il y a tellement de souvenirs de pêche que je n’ai pas un souvenir en particulier qui me vient à l’esprit. Mais sans aucun doute, chaque année, les sorties de pêche qui me marquent le plus sont les coups du soir de mai/juin où je cherche les rivières en ébullition. J’adore pêcher ces courts moments où la rivière entière se met en activité, où les insectes sortent en grand nombre et où les truites et ombres gobent frénétiquement. Plus jeune, c’était au bord de la Bruche avec mon père que nous faisions nos premiers coups du soir au cours desquels nous avons pu assister à de superbes éclosions d’éphémères pendant lesquelles les truites se gavaient littéralement. Malheureusement, je trouve que beaucoup de rivières qui étaient fantastiques à pêcher en sèche, en particulier les rivières de plaines, se dégradent un peu chaque année et la qualité de la pêche se détériore également. Néanmoins, il est possible de faire quelques sorties où les gobages sont innombrables et les prises en sèche nombreuses, et ce sont sans aucun doute mes meilleurs souvenirs de pêche.

Pierre, dans ses œuvres sur l’Isère, une de ses rivières préférées où il capture souvent de beaux poissons.
Crédit photo : Herlé Hamon

QUELLE EST VOTRE TECHNIQUE DE PÊCHE PRÉFÉRÉE ET POURQUOI ?
P. K.
: Ma technique de pêche préférée est celle qui prend du poisson adapté à l’activité du moment. Si l’activité des poissons le permettait, je choisirais sans aucun doute la pêche en sèche dans toutes les situations et dès que je repérerais un gobage je m’empresserais de lui présenter une sèche. Malheureusement les conditions de pêches font que, pour attraper du poisson, il faut s’adapter et adapter sa technique de pêche selon l’activité des poissons. En fait, ce que je préfère dans la pêche à la mouche, c’est son potentiel d’adaptation. Cette pêche offre une variété de techniques et d’approches telle qu’il y a toujours une technique ou une subtilité à trouver pour répondre au mieux à l’envie des poissons. En bref, je n’ai pas vraiment de techniques préférées, mais j’aime pratiquer des techniques variées et ne pas répéter à chaque sortie de pêche la même approche.

Gros plan sur une de ses nymphes préférées que je vous livre dans cet article. Comme vous pouvez le voir, elle plaît beaucoup aux truites, que ce soit dans les Alpes ou dans les Pyrénées !
Crédit photo : Herlé Hamon

QUEL EST VOTRE COIN DE PÊCHE PRÉFÉRÉ EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER ?
P. K. :
Je n’ai pas un coin de pêche préféré mais… des dizaines ! Chaque rivière a ses spécificités, ses avantages et ses inconvénients. Je préfère pêcher des rivières dont la densité de poisson est suffisamment importante pour rendre la pêche intéressante. J’ai la chance d’habiter dans les Alpes où la majorité des rivières permettent de belles pêches, en tout cas une partie de l’année, en fonction des quantités d’eau. Je pêche donc chaque année l’Ain, Arly, l’Arc, la Bourne, le Breda, la Bruche, la Vernaison, le Drac, l’Isère, les Dranses, la Menoge, le Giffre, la Romanche, la Gère, la Morge, le Furon, le Guiers… Chacune de ces rivières a une population de poissons les rendant particulièrement intéressantes à pêcher à un moment de l’année. À l’étranger, j’ai beaucoup aimé pêcher la Savinja en Slovénie, cette rivière offre des possibilités de pêche très variées. Ses parcours proposent des empoissonnements très différents, on peut, entre autres, y trouver des truites fario, arc-en-ciel, des ombres, mais aussi des grosses marmorata. Les pêches en sèche et à vue y sont très adaptées et il n’est pas rare de tomber sur des beaux poissons. Je garde un très beau souvenir de mon passage là-bas.

Les mouches fétiches de Pierre (1/2)

En nymphe j’utilise surtout une Pheasant tail avec un tag orange au cul et un thorax en dubbing brillant et CDC. 

  • Hameçon : Caleri 123 BL + 12-14-16
  • Bille : tungstène or/argent/cuivre de 2,5 à 4 mm
  • Tag : en glow brite orange
  • Corps : faisan cerclé cuivre
  • Cerques : pardo
  • Thorax : en spectra marron brillant +quelques fibres de CDC

QUEL(S) VOYAGE(S) RÊVEZ-VOUS DE FAIRE OU QUEL(S) POISSON(S) RÊVEZ-VOUS DE PÊCHER ? 
P. K. :
Cela fait maintenant quelques années qu’il me trotte dans la tête d’aller pêcher au nord de l’Europe, en Laponie. Les quelques images de ce territoire que j’ai pu voir me donnent vraiment envie d’y aller, pour les paysages, la tranquillité, les rivières, les lacs et bien sûr les poissons. Pour l’instant je n’ai jamais eu l’occasion d’y aller mais le prochain Championnat du monde aura lieu en Finlande, vraiment pas loin de la Laponie, donc j’aurai la chance d’avoir un aperçu de ce à quoi peut ressembler un voyage encore plus au nord. En fait, ce qui m’attire le plus dans les voyages de pêche, c’est de pouvoir pêcher des coins très sauvages, loin de toute civilisation, et je pense pouvoir retrouver ces conditions également en Mongolie, en Nouvelle-Zélande, en Tasmanie, au Canada et en Patagonie.

Les mouches fétiches de Pierre (2/2)

En sèche, je pêche très souvent avec un sedge en flanc de canne, c’est également un grand classique, mais terriblement efficace lors des coups du soir de mai à juillet.

  • Hameçon : Caleri 123 BL 12-14-16
  • Corps : en lièvre beige
  • Aile : en flanc de canne
  • Thorax : ébouriffé en dos de lièvre 

QUE PEUT-ON VOUS SOUHAITER POUR LA SUITE ?
P. K. :
Pour la suite, j’espère continuer à prendre toujours autant de plaisir à aller pêcher, pour continuer de progresser et de participer à des compétitions nationales et internationales. Si le plaisir et la motivation sont là, je pense que les résultats seront au rendez-vous ! Mais avant tout, je souhaite comme tout le monde la fin de cette pandémie pour qu’on puisse reprendre toutes les activités qui nous manquent.

Les membres de l'équipe de France dans Pêche Mouche :
Grégoire Juglaret
Lionel Fournier
Laurent Sentenac
Pierre Kuntz
Sébastien Vidal
Jean-Benoît Angely

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