On ne l’imagine pas, mais chaque jour ce sont parfois des millions de petites bébêtes qui dérivent de l’amont vers l’aval sur la section d’une rivière ! Finalement, cela représente des kilos de nourriture en transit pour nos truites et ombres qui n’ont alors que l’embarras du choix. La dérive des invertébrés est un processus écologique majeur qui conditionne la vie d’un cours d’eau. Pour les scientifiques, quantifier ces flux apporte de nombreuses réponses sur l’évolution écologique des milieux aquatiques.
Quelles espèces ?
Ce qu’il y a de passionnant, c’est que ces « migrations » concernent une large partie des invertébrés importants pour les pêcheurs à la mouche, à commencer par les éphémères. Les larves « nageuses » sont les plus présentes dans la dérive. Les espèces de baetidae sont en général les plus abondantes. Les gammares sont aussi des gros voyageurs qui, une fois partis vers l’aval, n’hésitent pas à faire le chemin en sens inverse en utilisant les bordures pour remonter le courant à un rythme effréné. Les trichoptères sont quant à eux plus discrets dans le flux migratoire, notamment à cause de leur fourreau qui les maintient parfaitement sur le fond. Il est important de ne pas omettre de nombreuses espèces terrestres présentes dans la ripisylve qui peuvent dans certains cas représenter une proportion non négligeable, notamment lors d’évènements naturels particuliers comme durant les crues.
Pics
La présence et l’abondance d’une espèce dans la dérive dépendent d’une multitude de paramètres biologiques : il peut s’agir de la température, de la saison, de la lune, etc.… Cependant, au cours d’une journée le rythme est très variable avec un flux nocturne très important. En effet, nombreux sont les invertébrés qui entreprennent des déplacements de nuit durant laquelle un pic est observé dans les trois heures qui suivent le coucher du soleil. Chez Baetis rhodani par exemple, les dérives sont près de 80 fois plus intenses durant la nuit ! Cette préférence pour les heures nocturnes n’est en réalité qu’une réponse à la prédation qu’exercent principalement les poissons durant le jour. Si la grande majorité des déplacements d’invertébrés est spontanée, certains évènements peuvent perturber les cycles rendant alors la dérive forcée. L’anoxie, une pollution, une crue obligent tout le petit peuple des rivières à entreprendre une migration pour trouver des zones refuges où les conditions de vies sont en adéquation avec chacune des espèces…
En langage mouche, ça donne quoi ?
En pêche à la mouche, si les qualités techniques et la connaissance des poissons sont deux notions évidemment importantes, la connaissance plus globale des milieux aquatiques l’est peut-être encore plus ! Comprendre le fonctionnement de ces écosystèmes est une mine d’informations inépuisable pour affiner sa pêche, expliquer de nombreux comportements mais aussi anticiper certaines situations. Alors pendant ces longs mois de fermeture, entre deux montages, rien de tel que quelques recherches sur la vie de nos si chers invertébrés aquatiques…