Dans la grande famille des pêcheurs savoyards, la famille Delais fait figure de référence, pour son assiduité, ses compétences et son indéfectible bonne humeur. Rendez-vous est donc pris avec Vincent et son père, Xavier, sur les bords du Rhône, du côté de Massignieu-de-Rives, dans l’Ain. Je sais que ce jeune pêcheur est un utilisateur régulier du chatterbait. J’espère donc, en l’observant, comprendre un peu mieux comment marche ce drôle d’engin.
Un peu inquiets
Une belle journée automnale nous attend même si la pluie fine et la température en baisse sensible nous laissent pour le moins dubitatifs. Xavier décide de la jouer prudemment, en bordure de courant, dans des fonds de 2 à 3 m. « Le ciel est sombre, mais l’eau reste claire, précise Vincent. Je vais donc tenter des combinaisons de couleurs passe-partout avec mon association leurre-trailer. » Il prévoit aussi de varier les poids de manière à pêcher plus ou moins vite. Et Xavier de prendre le premier brochet de la journée, pas énorme mais une première capture qui fait du bien au moral des troupes.
Nous gagnons une grande zone uniforme, peu profonde, à l’aval d’une île. Un léger courant permet de laisser le bateau dériver lentement sans recourir au moteur électrique. « Sur ce type de secteur, le chatterbait permet de ratisser vite une zone large, explique Vincent, un peu à la manière d’une cuiller ondulante. »
Il faut bouger
Chacun de son côté du bateau, les deux complices alternent vitesses de récupération et animations au moulinet. Pour eux, l’important est que la palette soit continuellement active et que le leurre ne décroche pas. « Il faut tout de même ralentir ou accélérer par instants, précise Vincent. Car c’est presque toujours ça qui déclenche les attaques ! » Malgré tout, une petite heure à quadriller le secteur ne rapporte pas la moindre touche… Selon Vincent, pas d’autre choix que de se rabattre sur certains secteurs plus scabreux, qu’il adore par-dessus tout. Nous filons donc rapidement quelques kilomètres vers l’aval pour nous concentrer sur une zone bien plus profonde (entre 4 et 6 m) en bordure d’une petite forêt, et qui compte autant d’arbres en dessous qu’au-dessus. Bref, un beau cimetière à leurres ! « Ce n’est pas un problème, lance Vincent. Il est rare de perdre un chatterbait dans les arbres, à condition de bien rester concentré et de ne pas ferrer au moindre choc. »
Le jeune homme prospecte chaque poste en pêchant progressivement de plus en plus creux. Pour commencer, il anime assez lentement, dès l’impact du leurre en surface. Au deuxième passage, il laisse descendre de 2 m et ramène plus vite, de manière plus saccadée. Au troisième lancer, le chatterbait évolue au ras du fond, de façon très agressive. Vincent répète la séquence de manière systématique sur toute la bordure. Il n’hésite pas à lancer directement dans la végétation, peu soucieux des risques…
Une zone décevante
Il en est récompensé par l’attaque d’un joli brochet qui était visiblement tapi au fond des bois. Vont suivre alors quelques attaques de poissons malheureusement décrochés pour cause de branches mal placées. C’est le jeu ! La dérive étant terminée, Xavier propose de remonter pour prospecter un secteur peu profond, riche en herbiers. Les poids des chatterbaits sont revus à la baisse, tout comme les animations. Cette zone semblait tout à fait prometteuse mais visiblement, pas le moindre brochet mordeur ici. Le bateau dérive tranquillement et au fil de l’eau, nous passons sous un pont. Les Delais s’activent évidemment tout autour des piles, jusqu’à 6 m sous l’eau, mais rien n’y fait.
La pluie a cessé et la température est plus clémente. C’est l’heure de la petite pause repas, Xavier laissant le bateau filer avec le léger flot. Les agapes étant terminées, nous constatons que le courant nous a lentement ramenés vers notre bordure de bois immergés, un peu comme pour nous dire « C’est ici que ça se passe ! »
On essaye le blanc
Le temps étant plus clair, Vincent décide de rendre ses propositions un peu plus provocantes en utilisant majoritairement le coloris blanc, susceptible d’être repéré de plus loin dans les zones profondes. La prospection reprend, exactement sur le même mode opératoire que le matin, et un second beau brochet se laisse prendre à ce petit jeu. Le combat est assuré de main de maître et le poisson arrive rapidement sans encombre au bateau.
Avant cette prise, quelques tapes timides avaient néanmoins démontré, s’il en était besoin, que ce spot-là était très bien garni. « Je pense que c’est ce qui permet d’enregistrer quelques prises, avance Vincent avec modestie. Malgré la léthargie générale, le nombre de poissons présents fait qu’on parvient malgré tout à en trouver un plus joueur que les autres ! » L’après-midi est bien avancée et nous décidons de remonter le Rhône sur quelques kilomètres. Le fleuve est ici relativement canalisé et profond, avec des bordures majoritairement constituées de plages vaseuses en pente douce. Les brochets y sont souvent accompagnés de bancs de gros chevesnes. Delais père et fils décident donc de gagner l’amont de la zone et de se laisser redescendre tranquillement jusqu’à notre mise à l’eau de départ. Sur cette dérive, Xavier rate son deuxième brochet tandis que Vincent provoque quelques attaques, sur des poissons modestes et finit par en ramener trois petits de 50 cm. Nous rejoignons la mise à l’eau en fin d’après-midi. La journée n’a pas été aussi fructueuse que nous l’aurions souhaitée mais a quand même répondu à mes interrogations. À savoir que le chatterbait, ça prend bien du poisson, sur n’importe quel type de poste, à partir du moment où le pêcheur ne fait pas n’importe quoi et est convaincu de son efficacité. Autre constatation, ce jour-là, seul ce leurre a déclenché des attaques. Car Xavier a régulièrement changé de tactique et de leurres, sans succès.
C’est pour bientôt
En conclusion, il s’avère que ce satané chatterbait, loin d’être un leurre anecdotique, mérite bien de faire partie intégrante de nos options au bord de l’eau. Il est même parfaitement jouable de tout miser sur lui tant ce diable de leurre brinquebalant sait se montrer polyvalent. Me voilà complètement remotivé : c’est écrit, je vais bientôt prendre un brochet au chatterbait ! Je vous dirai…
Un véritable leurre de réaction
La bavette résistant à la pression de l’eau, le chatterbait vibre donc puissamment lors de la récupération. La jupe silicone, très fournie, permet de donner un surcroît de volume et de couleurs. Ce n’est pas un leurre discret, le but, c’est déclencher l’agressivité. L’utilisation d’un trailer sur l’hameçon permet d’augmenter le volume total et de combiner des couleurs. Un leurre finesse ou un shad permettent aussi de ralentir la pénétration et la descente dans la couche d’eau. On peut ainsi changer d’animation en conservant le même poids de tête.