Canicule : savoir quand c’est cuit !

Texte et photos : Bill François

Avec les fortes chaleurs, il va falloir, pour quelques semaines, repenser notre manière de pêcher. La température impacte les poissons, et c’est le moment d’y faire attention…

Si la température a tant d’effet sur les poissons, c’est avant tout parce qu’ils ont le sang froid.

Pour nous autres humains, animaux à sang chaud, l’intérieur de notre corps est toujours à 37°C, qu’il fasse -15 ou 40 degrés dehors.

Pour un poisson, le corps est en permanence à la température de l’extérieur.
Cela n’empêche pas les poissons de mesurer la température, bien au contraire : ils peuvent détecter des écarts thermiques infimes de l’ordre de 0,001 °C ! On ne sait pas vraiment comment ils font, mais ce sens est vital pour eux, car tout le fonctionnement de leur organisme (signaux nerveux, digestion, croissance, maturation des œufs) dépend de la température …La chaleur accélère tout.


En général, plus il fait chaud, plus le métabolisme des poissons est rapide. Et il est très sensible à la chaleur. Par exemple, quand l’eau passe de 20 à 23 degrés, la croissance journalière du black-bass devient deux fois plus rapide.

Le brochet, lui, digère une proie en 48 heures l’été… et en 12 jours l’hiver !

Vous l’aurez compris, l’été le poisson vit en accéléré, et c’est donc une période de grande activité alimentaire.

Voici un tableau récapitulatif :

Pour les principaux carnassiers, il y a une gamme de températures optimales (où ils sont les plus actifs), mais aussi des températures létales, à partir desquelles le poisson meurt de chaud… ou de froid. Mais il ne faut pas attendre ces températures extrêmes pour s’arrêter de pêcher… 

Température trop élevée = danger

Toutefois, il existe un seuil où la température deviendra trop élevée pour le métabolisme ; le poisson entrera alors en stress thermique.

D’abord, il arrêtera de s’alimenter et se déplacera de plus en plus vite dans l’espoir de trouver de l’eau froide. S’il n’en trouve pas, il cessera alors tout mouvement pour économiser de l’énergie. Lorsqu’il dure peu, le stress thermique est vite oublié quand les températures baissent à nouveau. Mais s’il se prolonge, il peut être fatal.

L’été est donc à la fois une excellente période pour pêcher, car les poissons sont actifs, et une saison dangereuse, à cause du stress thermique. 

Et l’oxygène ?

Au stress thermique s’ajoute en été le manque d’oxygène.

En effet, pour des raisons de physique, plus l’eau chauffe, moins l’oxygène y est soluble (c’est pour cela que l’on voit de petites bulles se former sur les bords d’une bouteille d’eau qui a chauffé). Le phénomène est amplifié par la prolifération de bactéries gourmandes en oxygène… Bref, une eau chaude devient vite étouffante pour le poisson. 
Cela fait que bien souvent, même si la température est dans la gamme « optimale » de l’activité d’une espèce, le taux d’oxygène, lui, est trop faible pour assurer de bonnes conditions de pêche.

D’une part, le poisson va s’économiser et être moins actif, mais surtout, s’il est ferré, il va s’épuiser beaucoup plus vite jusqu’à compromettre sa remise à l’eau.

Il faut donc en tenir compte et s’abstenir de pêcher certaines espèces par fortes chaleurs.

Quelles règles s’imposer ?

La loi n’impose aucune fermeture en période de canicule, donc c’est à nous pêcheurs de nous fixer nos propres limites.

Pour cela, il est bon de bien connaitre le milieu où l’on pêche et les effets de la température. Mais voici deux règles simples et assez générales, établies par des organismes scientifiques, concernant nos poissons les plus sensibles à la chaleur que sont la truite et le brochet.

Pour la truite, mieux vaut s’abstenir de pêcher dès que l’eau atteint les 18 degrés.

Et pour le brochet, ne plus le traquer quand l’eau dépasse les 21°C, ou quand l’air dépasse les 21°C durant 48 heures d’affilée (même la nuit, donc).

Cette « fermeture » estivale peut être pénible lorsqu’elle tombe pendant les vacances.

Mais c’est l’occasion de faire des découvertes. On peut alors aller à la rencontre d’autres espèces, plus résistantes à la chaleur. Les amateurs de truite pourront se reporter sur les chevesnes et les barbeaux. Les fans de brochet n’auront qu’à pêcher le sandre, black-bass, aspe ou silure.

C’est l’occasion de varier notre approche et de faire de belles découvertes halieutiques, tout en préservant les poissons.

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