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Réflexions sur la nymphe au fil

Crédit photo Herlé Hamon
La pêche en nymphe au fil est devenue, à juste titre sans doute, la technique de base des moucheurs. Elle permet en effet de ne pas s'ennuyer en attendant de très aléatoires gobages et de prendre du poisson en toutes circonstances. Mais telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, elle trouve ses limites, surtout en grandes rivières où elle n'offre que rarement l'opportunité de capturer les gros poissons. A nous tous de la faire évoluer !

A force d’attendre en vain les gobages, de plus en plus rares au fil des ans, on s’y est tous mis ! Même les inconditionnels de la nymphe à vue et de la sèche (dont je fais partie !), ont franchi le pas. D’autant que la nymphe au fil a connu rapidement de nombreuses variations, plus ou moins techniques, plus ou moins attractives et plus ou moins intéressantes. Pêche simpliste et accessible aux débutants lorsqu’il s’agit de pêcher « sous la canne » (pêche dérivée de la roulette inventée par Radix et l’Araignée (J. J. Cuenin) dans les années 85-90), pêche au « fil plaqué » graissé, pêche « à l’européenne », « tchèque », « slovaque », « pêche à l’espagnole », « pêche au grand fil », très pointue et sophistiquée lorsqu’il s’agit de longues dérives à distance, pêche « à la Roncari » sans indicateur autre que la pointe de la soie… des déclinaisons sans fin qui ont toutes leurs adeptes, leur charme et leur efficacité !

Technique passionnante et rentable surtout quand elle est supervisée par un expert qui prodigue les bons conseils.
Crédit photo : Herlé Hamon

Il y a d’authentiques champions dans cette pratique de la nymphe au fil qui prennent toujours plus de poissons que leurs confrères, en compétition comme en pêche « de loisir ». Et cette nymphe au fil, si rébarbative, voire abrutissante, dans ses premiers balbutiements il y a quelques années, a évolué et peut se révéler aujourd’hui, dans ses multiples développements, beaucoup plus passionnante que par le passé et finalement aussi technique que la sèche, voire même que la nymphe à vue. Dans tous les cas, dès lors que l’on maîtrise un tant soit peu ces techniques, que l’on utilise les bons « grammages » et les bons modèles de nymphes, et surtout dès lors que l’on connaît bien les postes où se tiennent les poissons (c’est en fait ça le secret de la pêche, non ?) et que l’on sait ce qu’est une bonne dérive, on prend du poisson, parfois même beaucoup de poisson.

La recherche permanente de la bonne densité par rapport au poste pêché.
Crédit photo : Herlé Hamon

Le plus des champions

C’est bien sûr la raison pour laquelle la nymphe au fil est devenue la pêche de base du compétiteur. Imagine-t-on aujourd’hui un pêcheur pratiquant exclusivement en sèche devenir champion du monde ? Et les (grands) compétiteurs ont tous un jour apporté un petit plus pour faire évoluer ces techniques de nymphe au fil. Nous n’entrerons pas ici dans les débats qui animent actuellement le petit monde de la mouche sur les vertus comparées des nymphes à bille en tungstène (densité 18,5) qui coulent forcément très rapidement, mais où tout le poids se concentre vers l’avant, des perdigones, des nymphes moulées en plomb (densité 11,35) peintes, et même parfois laquées à la poudre d’or comme dans les années quatre-vingt-dix, des belles nymphes hyperréalistes (ou non) en céramique-plomb, céramique-tungstène (voir les magnifiques et très prenantes réalisations de « nympheevolution »), très denses et permettant d’utiliser partout de petits modèles. Nous laisserons également de côté les « gamineries » concernant la paternité des leurres et des techniques, chacun créant aujourd’hui sa propre « way of fishing », sauf à rappeler que quelques « débatteurs » actuels manquent cruellement de culture halieutique et devraient peut-être relire les très anciens numéros de La Pêche et les poissons des années 85-95, pour s’apercevoir qu’ils n’ont pas inventé grand-chose. Un peu de modestie apaiserait les débats et ferait avancer les choses !

La majorité des poissons visés par la nymphe au fil sont de taille moyenne.
Crédit photo : Herlé Hamon

Dans ces compétitions, le but du jeu consiste à prendre le plus grand nombre possible de poissons « à la taille » (en général 27 cm pour l’ombre, 20 cm pour la truite). On ne cherche donc pas les poissons trophées mais le nombre, même si les centimètres donnent un bonus non négligeable. Il faut donc pêcher vite, « efficace » et bien. La plupart du temps, ces compétitions se pratiquent dans des rivières aux courants assez vifs et marqués, souvent pas très profonds. La nymphe au fil s’est donc prioritairement adaptée au cahier des charges de la plupart des parcours proposés aux compétiteurs : la pêche en eaux assez rapides et pas trop profondes de poissons de taille « moyenne » (en tout cas « éligibles »).

Notez la position de la canne très haute pour soustraire la ligne au courant.
Crédit photo : Herlé Hamon

Repousser les limites

Sans du tout vouloir ouvrir une polémique, je pense que c’est là que la nymphe au fil, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui par le plus grand nombre, trouve ses limites dans la pêche « de loisir », et en particulier en grandes rivières. C’est de ces limites dont je voudrais parler et poser la question de savoir comment on pourrait les dépasser. Je suis convaincu que la nymphe au fil peut encore se bonifier et que certains « explorateurs » peuvent encore chercher des solutions pour la rendre efficace pour les postes profonds en grandes rivières, secteurs moyennement rapides ou franchement lents, et où se tiennent le plus souvent les gros poissons. De même que la nymphe à vue inventée par Frank Sawyer a connu de spectaculaires changements orchestrés par les apports de Piam, de Bernard Maillet et des nympheurs de l’école comtoise, de même que la pêche en sèche a évolué remarquablement au niveau des mouches utilisées, des conceptions des bas de ligne et de la maîtrise des posés et des dérives, la pêche en nymphe au fil, d’apparition beaucoup plus récente, va sans doute s’enrichir au fil des ans de la réflexion des pratiquants. Et dans ces réflexions, la part la plus belle revient à la recherche des limites, c’est-à-dire des mises en échec de la technique, et des solutions permettant de les repousser.

Ici la nymphe au fil est redoutable, les dérives sont courtes et les postes bien marqués.
Crédit photo : Herlé Hamon

Là où le bât blesse

La pêche en nymphe au fil est souvent présentée comme une « pêche de contact » et les explications données par les « enseignants » ou les chroniqueurs des revues et des sites spécialisés sont parfois contradictoires et laissent le débutant souvent perplexe. Lorsqu’on lit ces explications, on sent très vite une certaine confusion dans la terminologie utilisée et les concepts abordés. D’abord, le terme de pêche de contact devrait être précisé. Contact avec quoi ? Les nymphes ? L’inertie de leur masse ou l’inertie de la ligne mise en tension ? Effets de tirées (par la variation des courants, le contact avec le fond ou un poisson) ? Contact visuel ? Arrêt du nylon (ou de l’indicateur) au cours de la dérive, tremblotements, tirées, écarts latéraux de la ligne ? Sans doute un peu de tout cela, mais il faudrait toujours préciser les choses.

Notre champion Grégoire Juglaret pêche au fil plaqué sur un secteur lisse.
Crédit photo : Herlé Hamon

Pour illustrer ce flou, voici quelques exemples de recommandations finalement peu claires, tirés d’articles et de forums récemment publiés :
« La position du scion est déterminante. Le scion doit venir se placer au-dessus des nymphes et, pendant toute la dérive, il doit suivre à la verticale la dérive des mouches » Comment réussir alors à pêcher correctement au-delà de la longueur de la canne et pourquoi s’embêter ici la vie avec une canne aussi courte qu’une canne de 10 pieds alors qu’il existe d’excellentes cannes à toc en 3,90 m avec lesquelles, je vous le dis, il n’y a pas besoin de tendre le bras ?
« Il faut rester en contact avec ses nymphes » Est-ce à dire que l’on doit « sentir » son leurre comme lorsqu’on pêche les carnassiers à la verticale ou que les touches se matérialisent par la perception d’une tirée, d’un toc ou d’un simple grattage ? S’il s’agit de « sentir » ses nymphes, immergées à 3 mètres et plus dans un courant turbulent, cela demande une sacrée sensibilité tactile, non ? Cela expliquerait peut-être pourquoi certains attachent une importance si grande à la résonance des cannes (qualité déterminante pour les cannes destinées aux pêches fines du sandre par exemple). 
« La dérive doit être courte et il faut rapidement prendre contact avec ses nymphes » Mais si l’on veut pêcher un poste d’une profondeur de 3 mètres, faut-il du coup utiliser systématiquement des nymphes-enclumes de 0,4 à 1 gramme, voire plus, que les poissons éduqués identifient rapidement pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire des enclumes ?
« Il faut toujours que la bannière soit tendue, mais pas trop, pour ne pas brider les nymphes ou les faire décoller vers la surface » Subtil dosage, mais soutenir les nymphes, c’est déjà les brider ! On pourrait multiplier les exemples de ces recommandations pas si claires que ne le croient leurs auteurs.

La nymphe au fil est une technique redoutable pour les secteurs marqués et peu profonds.
Crédit photo : Herlé Hamon

Les différentes pêches au fil

Rappelons quelques variations actuelles très utilisées par les pêcheurs au fil. Dans la nymphe au fil plaqué, le nylon coloré et graissé (ou l’indicateur, mais c’est une aberration aujourd’hui) est posé et dérive de façon inerte. Il ne supporte pas les nymphes et le bas de ligne est aligné le plus possible dans l’axe de la veine du courant pêché. Dans la version « à la Roncari », on pêche sans nylon coloré et le comportement de la pointe de la soie donne l’alerte pour les touches. On peut pêcher ainsi à bonne distance (15 m) dès que l’on maîtrise la technique et que l’on sait repositionner la ligne. Dans la pêche au fil à l’européenne, on prend « contact » rapidement et le nylon coloré est maintenu à 45° par rapport à la surface de l’eau, la canne étant elle-même positionnée à 45° (n’apportez quand même pas vos rapporteurs à la pêche !), l’ensemble créant un angle de 90°, optimal pour réagir vite et ferrer efficacement. Mais là non plus, on ne pêche vraiment pas très loin de manière efficace lorsque le courant est profond et lent. La « pêche au grand fil » est finalement la plus cohérente aujourd’hui au niveau du but recherché et des explications fournies. Du coup, la plupart des « profs » et chroniqueurs concluent que cette pêche à la nymphe trouve ses limites dans les rivières larges pour pêcher les postes profonds et moins rapides. Dommage, c’est là que se trouvent presque systématiquement les gros poissons !

Il faudra inventer une autre technique pour aller chercher les plus gros spécimens dans les courants profonds et lents !
Crédit photo : Herlé Hamon

Une technique à inventer

Alors que faire ? Ces dernières années, au cours de multiples sorties avec des « pros » de la NAF, je me suis aperçu qu’en pêchant ces postes profonds en « sacrifiant » le début de la dérive et en laissant complètement libre le fil pendant le premier tiers de cette dérive pour pouvoir utiliser des nymphes pas trop lestées ou relativement petites et très denses (les « céramiques » évoquées précédemment), on touchait moins de poissons mais des poissons plus gros. Les résultats comparatifs que nous avons obtenus en utilisant d’une part les techniques désormais classiques de nymphe européenne, et d’autre part des techniques utilisant un début de dérive inerte, complètement détendue (parfois sur plus de 4 m avant de prendre « contact ») ont été significatifs à cet égard : c’est avec cette dernière approche que l’on touche le plus de gros poissons. Je pense aujourd’hui que pour prospecter efficacement ces postes profonds, moyennement rapides ou assez lents, que l’on ne peut bien souvent pas approcher à moins de 10 ou 15 mètres en grandes rivières, une technique particulière reste à inventer si l’on veut continuer à utiliser un matériel et une gestuelle « mouche ». Cette technique doit permettre un assez long début de dérive inerte. Il pourrait peut-être s’agir d’un mix entre diverses techniques et approches déjà existantes : celle qu’on utilise par exemple pour prospecter les zones assez profondes sur l’Aude, et une approche en découpe de dérives en trois parties, et celle de Marcel Roncari, en faisant moins confiance que lui à la pointe de la soie comme détecteur de touches. Peut-être une Roncari revisitée avec un brin de nylon indicateur plutôt que la pointe de la soie et un posé plus plaqué dans l’axe des veines profondes, dès que l’on peut trouver un bon angle d’attaque. Une pêche à distance en tout cas, et sans doute sans soie (on verra bientôt ce que donnent les soies ultra-fines que vont sortir fabricants et diffuseurs). Et peut-être finalement une variante de la pêche « au grand fil » qui s’approche assez de ce que l’on recherche. Mais une pêche à inventer en tout cas. À vous de jouer !

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