Même si le réchauffement climatique fait de plus en plus ressentir ses effets, l’automne est marqué par une nette baisse des températures, particulièrement sensible dès la fin du mois d’octobre et durant le mois de novembre. Les eaux fraîchissent alors rapidement, même si sur certaines rivières barrées comme la Dordogne, le phénomène n’est pas très ressenti en raison des eaux froides que lâchent les centrales à longueur d’année.
Au mois de novembre, seules les grandes rivières classées en deuxième catégorie restent ouvertes à la pêche, même si celle de la truite est à juste titre fermée depuis septembre. C’est dans ces grands cours d’eau que les moucheurs peuvent alors s’exprimer, à la recherche des ombres. Il ne reste que quelques semaines pour boucler la saison de pêche en beauté, et certains moucheurs regrettent encore l’époque bénie où la pêche des ombres à la mouche se prolongeait jusqu’à Noël. Rappelons qu’il y a déjà longtemps que la fermeture de sa pêche a été avancée en novembre, surtout pour éviter que les groupes de pêcheurs en waders ne piétinent les zones de frayères des truites et ne perturbent leur reproduction. Si louable que soit cette intention, la mesure ne semble pas justifiée partout et mériterait peut-être d’être remise en question sur certains parcours. À cette période de l’année, l’ombre s’est remis depuis longtemps de son éprouvante reproduction, et les effets des eaux basses et échauffées du mois d’août ne sont plus qu’un lointain souvenir. Il s’est refait une belle santé dès le début de l’automne et se présente à nous au top de sa forme en ce début du mois de novembre. C’est également à cette période de l’année que les gros spécimens sont les plus actifs, et les premières gelées matinales semblent leur ouvrir l’appétit, sans que je n’aie vraiment jamais compris pourquoi. Mais je peux vous dire que les journées très ensoleillées qui débutent par un bon coup de gel sont particulièrement favorables.
Pêcher juste
Comme en toutes saisons, la nymphe au fil reste évidemment la technique la plus régulièrement efficace. En ce mois de novembre, il faut rechercher les beaux spécimens dans les zones assez profondes où le courant n’est pas trop rapide. Pour prospecter valablement de tels secteurs, les longues et belles dérives sont de rigueur. Quelle que soit la technique utilisée, l’approche discrète des postes et le choix judicieux des modèles de nymphes sont décisifs. Les perdigones à corps lisse, de taille et de lestage raisonnables, dans des coloris caramel ou menthol restent d’actualité mais, à cette période de l’année, je leur préfère les modèles « naturels » en poils et dubbing de lièvre assez sombres, cerclé d’argent, de cuivre ou d’or. Les gros ombres adorent ces nymphes et les prennent volontiers à cette période de l’année. Cette pêche en nymphe au fil peut donner de bons résultats toute la journée, toutefois, en général, les moments les plus favorables se présentent en fin de matinée et surtout en début d’après-midi. Mais, bien sûr, les moments les plus excitants arrivent lorsque les ombres se mettent à moucher. Il est de tradition de dire que cela se produit en général entre 11 h et 15 h En réalité, il n’y a pas de règles à établir. Le créneau 11 h-15 h peut en effet se révéler le plus favorable, mais il n’est pas rare non plus de « tomber » sur une belle activité de surface en toute fin d’après-midi, à l’heure où la plupart des pêcheurs ont rejoint leur café préféré ! C’est en particulier le cas lorsque la journée a été couverte et assez douce.
La bonne mouche
Quelle mouche utiliser ? C’est la grande question, celle que se posent beaucoup de moucheurs à l’issue de parties de pêches infructueuses où ils se sont retrouvés face à des gobages plutôt prometteurs et n’ont pas réussi à faire monter le moindre poisson. La première chose que j’aimerais rappeler, c’est qu’avant même de se poser la question du choix de la mouche, il convient de reconsidérer les aspects techniques de la pêche de l’ombre et de rappeler quelques principes fondamentaux. Sur les rares rivières à ombres de deuxième catégorie du territoire français, les moucheurs se pressent en masse et les poissons se font littéralement « bombarder » dès qu’ils pointent leur museau en surface. Autant vous dire qu’ils ont appris depuis belle lurette à repérer les moindres anomalies, et pas seulement dans les modèles de mouches en ce qui concerne leur silhouette, leurs couleurs ou leur niveau de flottaison. C’est d’abord et avant tout les anomalies dans leur dérive en surface qui alertent ces poissons super-éduqués. Pardon de vous le dire, mais lorsque j’observe la manière dont beaucoup de pêcheurs abordent les gobages d’ombres, tant au niveau de leur placement par rapport au poisson que de la manière dont ils posent (bien droit, à l’issue d’un lancer très esthétique !) et font dériver leur mouche, je ne suis guère étonné de les voir en échec. On ne le redira jamais assez, le secret de la pêche des ombres en sèche réside dans la maîtrise des posés et des longues dérives inertes et sans dragage. Lorsque je vois certains de mes confrères repositionner sans cesse leur soie par des mendings inutiles en se donnant l’illusion qu’ils vont limiter les effets du dragage et améliorer ainsi leur dérive, cela me fait de la peine ! J’ai envie de leur dire « Arrêtez les mendings… et apprenez à poser et à dériver ! »
Il faut faire simple
On a déjà tout dit sur cette question dans les colonnes de Pêche Mouche. Posés détendus avec « tirée de rideau », posés courbes, posés en revers, parachutes… Il faut les travailler sans cesse ou vous échouerez toujours, quelles que soit la mouche utilisée et la longueur ou la finesse de vos pointes. Il ne sert à rien de changer sans cesse de mouche ou de « descendre » en 8/100 si vous ne maîtrisez pas au préalable la gestuelle du posé et de la dérive ! Venons-en aux mouches, maintenant. Pour cette fin de saison, faites simple ! Les mouches efficaces n’ont pas changé depuis des lustres ! Petits subimagos et émergentes de baétidés olive et gris en oreille de lièvre pour le thorax et CDC gris foncé pour l’aile ou le parachute sur hameçon 18, chironomes et autres diptères au stade émergentes et spents, caenis, petits trichoptères en pardo gris tavelé sur hameçon de 18 ou 20 auxquelles on ajoutera quelques mouches « fantaisie », vert menthe, vert moiré de mauve, avec ou sans tag… Et il faudra aussi accepter l’idée que malgré tout votre talent et vos connaissances en la matière, vous rentrerez peut-être bredouille un jour ou, pire encore, un gamin vous mettra « une tôle » en pêchant avec une improbable « peute » de Bresson ! C’est aussi cela qui fait le charme de cette pêche et une des raisons pour lesquelles, après plus de 35 ans de pratique, je ne m’en suis jamais lassé et qu’elle reste pour moi la plus belle de toute, et de fort loin !