C'est peut-être du pur chauvinisme et, en tant que Niçois, je manque d’objectivité, mais la Siagne est, à mes yeux, la plus belle rivière que j’ai eu l’occasion de pêcher. Aujourd’hui, c’est très certainement le cours d’eau que je pratique le plus, sur lequel j’ai construit mon itinéraire de pêcheur à la mouche, où j’ai compris et appris beaucoup de choses grâce à son profil et le comportement de ses truites. Elle ne se distingue pas par sa taille ni celle de ses poissons, mais elle est un tout. C’est une rivière sauvage et singulière, dotée de caractéristiques uniques, qui abrite une population de truites fario d’une densité rare.
La Siagne est un fleuve s’écoulant sur près de 45 km à l’extrême est du département des Alpes-Maritimes, à tel point qu’elle marque partiellement sur tout son cours la frontière avec le Var. Si la Siagne prend officiellement source près du village de Saint-Vallier-de-Thiey, elle est en fait le fruit de trois « Siagne », toutes issues de sources vauclusiennes qui jaillissent de paysages arides et calcaires des Préalpes. Elle est un joyau sur un territoire où l’eau est un luxe. Cette rivière marque, une fois de plus, le contraste qui peut exister entre un cordon littoral « bétonné » et un arrière-pays sauvage et préservé. La Siagne rejoint la mer à Mandelieu-la-Napoule, une commune côtière située à l’ouest de Cannes et de sa mythique croisette.
Biotope
Avant tout, la Siagne est un cours d’eau marquant par la clarté de ses eaux, qui nuancent dans les tons de vert et de bleu. L’eau y est tellement calcaire que le fond s’est concrétionné au fil du temps, soudant les pierres les unes aux autres pour offrir aux pêcheurs des parcours de pêche totalement atypiques. C’est une rivière bien boisée et relativement encaissée, souvent entourée d’immenses falaises. Au-delà du charme que cela dégage, c’est aussi ce qui fait sa force. Ce profil escarpé, que l’on observe sur une bonne partie de son cours, la préserve naturellement des différentes agressions directes et indirectes de l’homme et contribue à la prospérité de sa population salmonicole. Il faut dire que de sa source jusqu’à Auribeau-sur-Siagne, les accès directs par la route sont plutôt rares. Cette rivière karstique offre sur ses parties amonts une eau thermiquement stable. C’est un véritable atout pour la productivité aquatique et il suffit de mettre la tête sous l’eau pour apercevoir l’incroyable densité piscicole qu’abrite la Siagne. La taille moyenne des poissons s’étale entre 20 et 35 centimètres sur la partie amont. Plus en aval, certains gros poissons aussi furtifs que rusés renforcent ce statut de rivière d’exception. Auribeau et le pont de Tanneron marquent la limite entre la première et la seconde catégorie. Peu à peu, les pentes s’adoucissent, le milieu s’ouvre vers un habitat de premier choix pour les perches, chevesnes, brochets et black-bass qui continuent d’évoluer dans une eau d’une étonnante clarté. Parallèlement, c’est elle qui alimente le non moins mythique lac de barrage varois de Saint-Cassien, internationalement réputé pour sa densité de carnassiers et surtout de carpes records.
Prévoyez deux ensembles
Lorsque l’on pêche la truite sur la Siagne, il faut savoir être un pêcheur méthodique, ne pas hésiter à multiplier les différentes approches en fonction du comportement des poissons. Ce besoin de changement rapide me fait opter pour l’utilisation presque systématique de deux ensembles : le premier est spécialement prévu pour la pêche en sèche ou la nymphe à vue (ensemble 8’6 soie 4 ou 9’ soie 5) et l’autre est destiné à la pêche en nymphe au fil (ensemble 10’6 soie 2/3 ou 10’9 soie 3/4). À la vue de la clarté des eaux, il est tout à fait naturel de privilégier la pêche en sèche, qui demeure la technique reine, même dès le début de saison si les niveaux d’eau le permettent. Sur la Siagne, la pêche en sèche peut se pratiquer tout au long de la journée, surtout si l’on est habitué à pêcher « l’eau » en peignant méthodiquement chaque veine, chaque poste marqué. L’activité de surface est globalement plus marquée aux extrémités de journée avec, à la clé, de magnifiques coups du soir. La Siagne est, à ma connaissance, le seul cours d’eau du département sur lequel on assiste à de très sympathiques émergences de mouches de mai les soirs à la fin du printemps ! Sinon, ce sont souvent les trichoptères qui assurent le spectacle en journée. Sur ce fond calcaire à l’extrême, les gammares qui pullulent sur certaines zones offrent au pêcheur la possibilité de pêcher à vue des poissons qui maraudent sur les zones les moins profondes. Il s’agit bien souvent de poissons de belles tailles.
Contacts
- Fédération de pêche du 06 : www.peche06.fr
- Fédération de pêche du 83 : www.pechevar.fr
- AAPPMA des « pêcheurs de la basse Siagne » : Jean-Philippe Pierrat - 911, route du Village - 06810 Auribeau-sur-Siagne - 06 60 10 65 40 - lagiralia@gmail.com - www.facebook.com/pecheursdebassesiagne/
- AAPPMA des « Pêcheurs du canton de Saint-Vallier-de-Thiey » : Jacques Bellettini - 3, place de la Liberté - 06530 Saint-Cézaire-sur-Siagne - 04 93 60 24 79 - franck.nevoit@wanadoo.fr
Un lit accidenté
La Siagne est une rivière spéciale, où l’importante fluctuation du fond est difficile à appréhender. Il en est de même de la hauteur de la colonne d’eau dont la clarté « déforme » la perception des reliefs. Les fosses de plus de 3 m sont très courantes. Difficiles à pêcher, elles sont en pleine journée, lorsque le soleil est au zénith, d’importantes zones de refuge pour les truites de belles tailles. Ce lit accidenté est un excellent terrain de jeu pour la pratique de la pêche en nymphe au fil et lorsque les poissons sont sur « off » pour s’alimenter sous la surface. La réussite de la pêche réside alors dans le choix des poids des nymphes que l’on utilise. Les changements doivent être réguliers, toujours en cohérence avec le secteur que l’on prospecte en ayant à l’esprit que l’on a ici naturellement tendance à sous évaluer le fond. Personnellement, c’est une rivière que je pêche le plus souvent à deux nymphes, en préconisant davantage des modèles type JIG en pointe, dans le but de prospecter au plus près du fond sans risque d’accrochage.
Misez sur les teintes naturelles
Sur la Siagne, j’aime éviter les couleurs trop clinquantes, préférant proposer au maximum des nymphes aux nuances naturelles, sans tag ni superflu. La concrétion importante du lit de la rivière est à l’origine d’une importante abrasion des cailloux, ce qui oblige à utiliser des nylons et fluoro très résistants, en sachant qu’il n’est pas rare de descendre en 10/100 durant les débits d’étiage. La Siagne est une rivière sur laquelle il est possible de pêcher à la mouche ces zébrées si particulières toute la journée. Cependant en pleine période estivale, les baigneurs « abondent » sur certains secteurs. Il ne faudra pas hésiter à se lever tôt ou se coucher tard pour retrouver la quiétude de cette si magnifique rivière.
La preuve par les chiffres
Romain Passeron est technicien hydrobiologiste de la fédération du 06
« En 2023, nous avons démarré une étude piscicole sur la totalité du bassin-versant de la Siagne. Cette étude a été menée conjointement par les deux fédérations des Alpes-Maritimes et du Var. Les résultats de ces inventaires viendront enrichir le volet “piscicole” d’une étude beaucoup plus globale dans le cadre du PGRE Siagne [plan de gestion de la ressource en eau, NDLR], qui a pour objectif de trouver un équilibre quantitatif de la ressource entre les usages et le bon fonctionnement biologique du cours d’eau. »
Quels renseignements nous apportent les premiers résultats de la campagne d’inventaires 2023 ?
« La Siagne abrite dans sa partie haute une population de truites fario tout à fait remarquable, avec une densité et une biomasse avoisinant les 7000 individus, pour 250 kg à l’hectare. Pour parler un peu plus pêche, cela représente approximativement 650 poissons tous les 100 mètres de rivière, de quoi largement satisfaire les pêcheurs. Plus en aval dans sa partie intermédiaire, les populations de truites baissent un peu en densité, mais restent bien étoffées avec des biomasses allant de 50 kg/ha à plus de 120 kg/ha en fonction des secteurs. Ces tronçons de rivière sont caractérisés par des successions de fosses profondes abritant potentiellement de très beaux spécimens. C’est également à partir de là que l’on commence à trouver des espèces d’accompagnement de la truite, telles que le barbeau méridional, le vairon ou encore l’écrevisse à pieds blancs. La partie basse de la Siagne et ses affluents feront l’objet d’inventaires piscicoles durant l’été 2024. »
Entre la quiétude, les couleurs, les ambiances et ses populations piscicoles, la Siagne a largement de quoi satisfaire les pêcheurs, en espérant que les études en cours permettent aux décideurs de prendre les bonnes décisions afin de garder, voire améliorer le fonctionnement naturel de cette belle rivière pour les années à venir.