Si la plupart des parcours font attention à la qualité physique de leurs poissons, ils n’en restent pas moins d’élevage. Seuls quelques très rares sites en France, comme celui des Bouillouses, connaissent une reproduction d’arcs-en-ciel que l’on peut considérer comme sauvages aujourd’hui. Voici donc un petit tour d’horizon des souches de « rainbows », un superbe salmonidé lorsqu’on le rencontre à l’état naturel. La truite arc-en-ciel Oncorhynchus mykiss est originaire du continent nord-américain où son aire de répartition va de l’Alaska au nord jusqu’au Nouveau Mexique au sud, en passant par le Canada. Elle est présente dans de nombreux États et symbolise la pêche à la mouche aux USA. Elle partage parfois son biotope avec la fario ou avec des truites cutthroat mais reste l’espèce la plus largement répandue dans les rivières et les lacs à salmonidés du nouveau monde. Il existe également de très belles souches endémiques en Russie, dans les cours d’eau de la péninsule du Kamtchatka, située en face de l’Alaska. À l’instar de la fario, elle a été introduite avec succès dans les pays de l’hémisphère Sud en Argentine, au Chili, et on la trouve maintenant presque partout en Amérique du Sud et même jusqu’en Terre de Feu.
Une truite résistante
Il en va de même pour la Nouvelle-Zélande bien sûr, mais grâce à sa résistance plus importante que sa cousine fario, notamment à la température et à la qualité de l’eau, elle a su coloniser d’autres contrées plus surprenantes comme le Pérou, la Colombie mais aussi le Kenya en Afrique ainsi que l’île de La Réunion dans l’océan Indien par exemple ! Ses habitudes alimentaires, moins sélectives, couplées à son taux de croissance plus élevé que sa cousine lui ont permis de conquérir de nombreux territoires parfois au détriment d’espèces autochtones moins bien armées. Elle a souvent le nez en l’air et se pêche très bien en mouche sèche, profitant de la moindre éclosion pour monter en surface. Elle occupe aussi plus de postes que notre fario et se trouve parfois en plein courant, même sur des zones sans aucune cache.
L'échec de son introduction en Europe
En Europe, elle est présente dans de nombreuses rivières mais peu d’entre elles connaissent une reproduction naturelle. La principale cause de cet échec est la qualité des poissons déversés. Il s’agit bien souvent de souches de pisciculture abâtardies, stériles dès le départ ou introduites à la taille « portion » pour être capturées dans les jours suivant leur libération et finir dans les congélateurs de pêcheurs dits « sportifs ». Quelques exceptions prouvent cependant que cela est tout à fait possible si l’on sélectionne la souche. En Autriche ou encore en Slovénie, sur les fameuses rivières Soca et surtout Idrijca ainsi que certains affluents, des arcs-en-ciel sauvages existent ! Elles sont superbement colorées et possèdent parfois des liserés blancs de toute beauté sur les nageoires, pas grand-chose à voir avec les « blanches » prises à l’ouverture… La pratique du no-kill sur ces cours d’eau a aussi été un facteur primordial pour pérenniser ces souches. L’arc-en-ciel est un poisson opportuniste ayant des périodes d’activité très longues. Elle est donc, tout du moins au départ, une proie plus facile ! Elle se reproduit naturellement dans son biotope originel dès que la femelle atteint une taille d’une trentaine de centimètres, c’est-à-dire plus élevé que la fario, mais, comme nous l’avons vu, sa croissance est plus rapide.
De nombreuses variétés tout comme la fario
Il existe ensuite de nombreuses variétés d’arcs et ce poisson n’est pas la chose difforme, blanche et visqueuse que l’on croise souvent chez nous… Comme pour notre fario, il peut y avoir de grandes variations dans les robes allant de l’argent, au verdâtre recouvert de multiples points noirs, en passant par le doré avec une ligne latérale rose, voire rouge ! D’un bassin-versant à un autre, ces différences peuvent être très marquées. C’est une truite qui ne possède que des points noirs et on a l’habitude de dire qu’elle ne peut s’hybrider qu’avec d’autres espèces à points noirs comme les cutthroat ou les golden trout. Il existe donc, aux États-Unis, de nombreux hybrides naturels parfois appelés cutbow. Notre arc-en-ciel s’est aussi forgé une réputation de farouche combattante et de poisson de sport qui n’est pas usurpée. Je pense qu’il s’agit de l’espèce de truite existante la plus puissante et aussi la plus aérienne. En effet, une fois piquée, il n’est pas rare qu’elle saute à plusieurs reprises pour se débarrasser de l’hameçon. Vous avez peut-être entendu parler de la souche canadienne de Colombie britannique dite « Kamloops » qui a la particularité d’être extrêmement puissante et qui a été sélectionnée par certains pisciculteurs.
Un poisson à croissance plutôt rapide
Notre rainbow peut atteindre des tailles très respectables et le record IGFA de l’espèce est de 21,77 kg pris dans le lac Deifenbaker au Canada d’où viennent plusieurs autres records quasiment tous au-dessus des 15 kg. À la mouche, il est de 14,05 kg tout de même, mais certaines catégories restent ouvertes !
Comme pour la plupart des autres salmonidés, il existe une variété anadrome de notre arc-en-ciel, la fameuse steelhead endémique de la côte ouest des États-Unis, du Canada et de l’océan Pacifique. Ce poisson déchaîne les passions outre-Atlantique où certains pêcheurs se sont spécialisés dans la chasse de ce poisson reconnu pour être un des plus puissants remontants en rivière. J’ai eu la chance de le pêcher en Colombie britannique ainsi qu’en Alaska et il est vrai qu’il vend très chèrement sa peau ! Il saute énormément et il faut parfois le suivre sur plusieurs centaines de mètres de berge pour enfin le mettre au sec. Il se pêche aussi bien au streamer qu’en nymphe ou parfois à l’imitation d’œuf de saumon. Sur le bassin-versant de la Skeena River en Colombie britannique, il n’est pas exceptionnel de piquer des steelhead avoisinant le mètre. L’arc-en-ciel est une truite qui, chez nous, a été victime de sa résistance et de sa facilité d’élevage. Elle mérite bien mieux que cela et lorsque, par chance, nous touchons au hasard de nos parties de pêche un de ces poissons « ensauvagés », il nous rappelle ses origines lointaines, sautant et tirant dans les courants comme aucune de nos farios. Je me régale quand cela arrive et je remets cet adversaire à l’eau pour une prochaine rencontre. Alors, quand dans quelques semaines vous tomberez sur une « blanche » monochrome, n’oubliez pas qu’elle ne représente en rien les belles couleurs de l’arc-en-ciel.