Au sein de cet environnement, les poissons sont naturellement devenus les premiers grands témoins et indices prouvant l’évolution des différents habitats d’un bassin-versant, preuve qu’il existe un lien étroit entre leur présence et le biotope. Dans les années 1950, Marcel Huet, un ingénieur belge des eaux et forêts, a mis en évidence la présence de quatre zones distinctes sur nos cours d’eau, en croisant certains éléments majeurs des biotopes d’une rivière : la zone à truite, la zone à ombre, la zone à barbeau et la zone à brème. Ce principe a été largement repris depuis et affiné par de nombreux scientifiques. Ces études sont très intéressantes puisqu’elles interviennent dans la délimitation de nos premières et secondes catégories.
Zone à truite
Le plus en amont, c’est bien évidemment la truite, notre poisson roi, qui fréquente le plus souvent les têtes de bassin parfois très près des sources. Les températures de l’eau sont comprises entre 5 et 10 °C et les pentes importantes sont à l’origine d’un courant soutenu. La combinaison entre ces forts dénivelés et ces valeurs thermiques basses a pour effet bénéfique de disposer d’une concentration importante en oxygène dissous presque toujours à saturation. Les eaux cristallines y sont particulièrement pures et dépourvues de pollution. La nature du fond est essentiellement composée de rochers, de pierres et de cailloux. Ces derniers sont le refuge de nombreuses espèces d’invertébrés d’eau vive, comme les perles, les trichoptères… La végétation aquatique est ici particulièrement pauvre. Cet environnement large de quelques mètres et peu profond reste instable à cause de sa pente importante. La zone à truite est aussi un lieu propice au développement d’autres petites espèces, telles que le vairon, le chabot, la loche ou la lamproie de planer.
Zone à ombre
La pente décline peu à peu, engendrant une atténuation significative du courant avec des alternances en secteurs rapides et lents suivant les sections. Le cours d’eau commence à décrire quelques sinuosités. La truite se plaît toujours bien dans ce milieu encore bien brassé et oxygéné, qui bénéficie toujours d’une température fraîche comprise entre 8°C et 14°C. Cependant, elle est à ce niveau devenue une espèce annexe. Le maître des lieux est maintenant l’ombre commun, qui retrouve des conditions idéales. Au fil de l’élargissement de la rivière, la faune et la flore se diversifient un peu plus. La granulométrie a réduit, se composant de graviers et de cailloux. Cela favorise l’enracinement de certains macrovégétaux aquatiques. L’ombre partage son habitat de prédilection avec une multitude d’espèces de cyprinidés comme le vairon, le goujon, le chevesne ou le hotu. Sur ces linéaires les plus calmes apparaissent les premiers brochets… Ces parties en aval annoncent la transition entre les eaux à dominance salmonicole et celles à dominance cyprinicole.
Zone à barbeau
Le profil continue d’évoluer avec des pentes qui ne cessent de s’adoucir. Notre cours d’eau est maintenant devenu une rivière calme de plaine et qui garde toutefois certains secteurs de courants soutenus. La présence de la truite fario est maintenant anecdotique avec seulement quelques gros et robustes sujets sur les secteurs les plus brassés, sachant que les températures estivales oscillent autour des 20°C. Notre hôte phare, le barbeau, apprécie les parties intermédiaires de ces rivières plus imposantes, au courant régulier. La granulométrie ne cesse de baisser. Le fond plus mou est constitué essentiellement de sable. La végétation aquatique est maintenant abondante et garantit d’excellents affûts pour les perches et les brochets, de plus en plus implantés. La biodiversité est toujours plus importante, regroupant des espèces plus robustes face aux pollutions, ainsi qu’en besoins en oxygène. Les cyprinidés ont définitivement pris leurs quartiers en ces lieux, avec la présence du chevesne, du gardon, de l’ablette, de la carpe ou du rotengle
Zone à brème
À ce stade, la pente est quasi inexistante : c’est la zone à brème. Le cours d’eau est large, lent, profond, faiblement oxygéné et dessine parfois de grands et longs virages que l’on appelle des méandres. La température peut atteindre près de 30°C en été avec une eau souvent turbide. Le fond argilo-vaseux et un courant quasi-nul favoriseront toujours plus le développement d’une végétation aquatique et luxuriante. Les salmonidés ont maintenant totalement disparu, à l’exception temporaire des migrateurs. La vie foisonne avec une diversité piscicole riche. La brème, la tanche et la carpe sont ici parfaitement implantées. Du côté des carnassiers, la perche et le brochet devront partager ce milieu avec d’autres prédateurs des eaux lentes, tels que le sandre, le black-bass, mais aussi le silure, profitant de la présence importante d’espèces fourragères.