Tout commence par une simple promenade au bord de l’eau, près du célèbre pont du Gard dont les pieds baignent dans les eaux du Gardon, devenues profondes ici avec le temps. Les berges rocheuses sont scabreuses. Un bruit sourd dans l’eau éveille ma curiosité. Des cercles concentriques s’étendent en une onde régulière sur la surface lisse de la rivière. Quelqu’un aurait-il jeté un caillou ?
Repérages
Aucun suspect à l’horizon… Je me rends à l’évidence, il y a des poissons en activité ici. D’ailleurs, venue de nulle part, une petite carpe jaillit hors de l’eau et disparaît en un clin d’œil. Me voilà piqué au vif, il va me falloir à tout prix tester ce lieu magique ! Quelques jours plus tard, j’entame donc une sorte de préparation pour savoir si la zone est vraiment praticable au feeder. Seule solution : de la berge et je me rends compte par la même occasion qu’il me sera impossible de voyager lourd. Avec mon petit Deeper portable et une petite canne silure dédiée, j’effectue quelques passages et pousse un «ouf» de soulagement.
Un sondage déterminant
Étonnamment, le fond est propre sur toute la zone. Sous le pont lui-même, on atteint les 10m, la profondeur diminuant ensuite. Un élément attire mon attention: au milieu de la rivière, le fond est moins important mais plus caillouteux, avec de gros graviers. Sur les côtés, le cours d’eau est plus profond et le fond sableux. Je remarque aussi quelques signes d’activité qui semblent intéressants sur ce haut-fond central, il faudra s’en souvenir…
Équipement allégé
Quelques jours plus tard, me voilà prêt. Ce matin, le ciel est clair et la lune est bien trop brillante pour que je sois tout à fait serein. Je remplis mon fourreau avec l’essentiel : une canne de 3,70m d’action progressive et de puissance heavy (90g) en raison du fort tirant d’eau et pour pouvoir lancer des cages de 60g vides voire plus. J’ajoute le bras feeder et son support avant ainsi qu’un manche d’épuisette classique. Dans un petit sac, je transporte une tête d’épuisette de voyage, quelques feeders et boîtes d’appâts. Sur mes épaules, un fauteuil de pêche simple et réglable, plus léger et moins encombrant, remplace utilement ma grosse station, trop lourde pour cette randonnée. Durant les 800m qui me séparent du bord de l’eau, je ne peux m’empêcher de cogiter. Est-ce que je ne vais pas trouver un pêcheur ayant eu la même idée ? J’aperçois enfin le rocher, il n’y a personne, la journée peut commencer ! Je me sens petit au pied du géant de pierre… Je prépare très rapidement un kilo d’amorce à brème que j’enrichis avec 500g d’un method mix riche en farine de poisson. Un peu dans l’inconnu, je vise une pêche de tout-venant en forçant un peu la main avec ce mélange carné capable de sélectionner quelques éventuels beaux poissons. Tout ça est vite prêt à véhiculer maïs et asticots blancs sur le fond.
Canne vers l'aval
Un rapide sondage, très classique cette fois, confirme mes observations antérieures. Le fond est moins important au milieu et remonte aussi vers l’aval. La rivière, étranglée entre les deux piles du pont, prend ensuite de la vitesse sur une vingtaine de mètres avant de se calmer dans une grande zone large. Je prévois un coup unique, au milieu de la rivière, là où j’avais noté une activité le jour de mon premier passage. En faisant glisser une cage métallique sur le fond, je me rends compte que de gros cailloux empêchent d’aguicher sans accrocher. Je dois donc pêcher ligne orientée vers l’aval. Je peux ainsi réduire la pression du courant sur ma ligne en maintenant un maximum de bannière hors de l’eau. J’équilibre ma canne avec un moulinet en taille 5000, garni d’un nylon solide (26/100) qui me permettra de pêcher avec de gros bas de ligne si nécessaire.
Des carassins, peut-être ?
Un traditionnel montage à plat vient terminer le tout. Un feeder taille large va me servir à propulser rapidement et en bonnes quantités mon amorce garnie de maïs et d’asticots. Je prévois une bonne dizaine de minutes durant lesquelles je vais pouvoir amorcer à un rythme soutenu. Mais un événement imprévu m’oblige à modifier ma stratégie… Dès le cinquième lancer en effet, je ressens de gros passages dans mon fil qui se traduisent par des sortes de touches longues et lourdes, signe que du poisson est déjà en activité sur mon coup. Je cesse immédiatement d’amorcer, monte une cage plus petite pour essayer de capturer au plus vite ces premiers petits curieux. Je pense à des carassins que je sais très présents plus bas sur la rivière. Sur mon bas de ligne en 14/100, j’installe un hameçon n°16, moyen de fer sur lequel je pique quelques asticots bien remuants. Suspense… ma cage touche le fond et je ressens immédiatement ces mêmes passages dans le fil. Le poisson qui se promène là ne doit pas être petit car mon scion en 3oz plie nettement. Malgré tout, même après quelques changements d’esches, aucun poisson ne se décide à mordre, ce qui me semble assez curieux. Une analyse rapide de la situation me fait penser que les poissons étaient peut-être rentrés attirés par le bruit provoqué par ma grosse cage d’amorçage ? Je la remonte donc pour la garnir abondamment, avec plus de maïs et de larves encore que d’amorce. Le bruit de l’impact en surface est lourd ! Au deuxième lancer, je suis surpris par une touche violente. Le poisson file en aval, je n’ai pas le temps de décliper et je ramène un hameçon ouvert, signe que j’avais affaire à un beau sujet. Ni une ni deux, je renforce mon montage avec un hameçon MXC4 (Matrix) monté au cheveu avec un push stop et nylon en 22/100. J’y installe trois grains de maïs et renvoie le tout sur le coup, en ayant pris soin de marquer mon nylon au marqueur gras pour la distance et de ne pas cliper ! Le montage à peine sur le fond, j’observe déjà de l’activité. Je prévois de patienter dix minutes avant de relancer, mais je n’ai pas à attendre: ma canne manque de s’arracher de son support.
La délivrance
Un sacré combat s’engage. Le poisson me semble disposer d’une puissance monstrueuse. À l’anti-retour, au frein, je contre les rushes comme je peux, en limite de rupture du nylon. Une soixantaine de mètres de fil est déjà partie vers l’aval, frottant sur une falaise là-bas au loin. J’ai la sensation de vivre un grand moment, incroyablement riche en émotions, j’ai du mal à rester silencieux. Le poisson s’est finalement arrêté avant de faire demi-tour et de remonter le courant. C’est à peine si je parviens à mouliner assez vite pour garder ma ligne en tension. Le combat se déroule maintenant devant moi, mettant ma canne à rude épreuve. Il y a là en effet 6m d’eau et le poisson longe dangereusement la bordure rocheuse. Après de longues minutes, il monte enfin et j’aperçois au travers des eaux cristallines sa robe colorée. C’est une carpe énorme que je tiens là et plus elle monte, plus je sens l’émotion me submerger. La voilà maintenant en surface, dévoilant son corps trapu et musclé. Je suis aux anges, je ne m’attendais pas à un tel coup de ligne aujourd’hui moi qui était venu presque en touriste !
Pour accéder au spot
Le pont du Gard est situé entre Remoulins, sur la RN100, et Vers-Pont du Gard, sur la D81. On y accède par l’autoroute A9 sur laquelle il faut prendre la sortie n°23 à Remoulins puis la direction d’Uzès. Suivre enfin le fléchage rive droite ou rive gauche de la rivière. Le pont du Gard se trouve à 27km de Nîmes et 21km d’Avignon.