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Comment réaliser un ALT ?

Dans ce dossier, on va bien sûr parler d’amorçage, en lac et en rivière, en laissant la parole à deux de nos auteurs qui vont revenir sur ce qu’ils ont appris, eux aussi, sur le « long terme ». Plusieurs années de pêche sur un même lac pour Eric ou encore deux mois d’amorçage en rivière pour William. Les avantages, les inconvénients d’une telle approche ? Comment ont-ils établi leur stratégie d’amorçage ? Avec quels types d’appâts ? Pourquoi ? Pour quels résultats ? Au final procèdent-ils pareil ou pas ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir, sans plus tarder.

Comment réaliser un ALT au printemps en grand lac ?

Par Eric Deboutrois

Pour ce dossier d’expert, je vous propose de poser les bases d’un amorçage à long terme (ALT) de printemps. Quitte à défoncer les portes ouvertes, disons pour commencer qu’on conditionne plus facilement les poissons sur un ALT (ou sur un amorçage tout court) quand les eaux sont pauvres en nourriture naturelle et que les poissons sont nombreux. Car s’il y a plein de bouffe et peu de poisson, vous risquez de balancer votre argent par les fenêtres. Voyons cela de plus près.

Une fois qu’on connaît bien ses zones de pêche, on peut réduire certains ALT et avoir de très bons résultats.
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ALT oui, mais à quel prix ?
Pour un amorçage sur du long terme, la bouillette idéale c’est avant tout celle que vous pouvez vous payer. Quand on est sponso, ce qui fut mon cas, c’est facile de balancer des kilos de billes à 15 € et d’en faire la promotion (je l’ai fait, je vais le redire un peu plus loin). Mais quand on doit payer, ou rouler des centaines de kilos de billes, autant ne pas se tromper dans ses choix ou sur les recettes. Je ne vais pas vous diriger vers une marque plutôt qu’une autre, juste vous donner quelques critères de choix. Evidemment, le prix au kilo en est un prépondérant, parce que lorsque l’on parle de faire un ALT on s’engage à disperser quelques dizaines (voire centaines) de kilos de bouillettes au fond. Lorsque je faisais mes ALT (mars à mai souvent) je mettais entre 3 et 5 kilos de bouillettes (des Trigga pour vous donner une idée du coût) trois fois par semaine, sur un demi-hectare (50 m.100 m=5 000 m2), et ce pendant plusieurs semaines d’affilée. Je vous laisse faire le calcul à plus de 10 euros le kilo. Maintenant que je ne le suis plus, pour de grosses campagnes d’amorçages je ne dépasse pas la somme de 5/6 euros au kilo. Ce n’est pas une question de porte-monnaie en peau de hérisson, c’est juste que je préfère payer deux fois moins cher et en mettre deux fois plus !

Lors des premières pêches sur un ALT, les gros poissons tombent souvent dès le début.
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La bonne texture
Il faut effectivement que vos bouillettes soient en quantité suffisante et surtout qu’elles restent au fond assez longtemps pour intéresser les carpes. Combien de temps me demanderez-vous ? C’est comme le fut du canon, « un certain temps ». Si elles se dissolvent, vous allez attirer les gardons et lorsque les carpes arriveront, il ne restera rien à manger. Autant essayer de faire un ALT avec de la farine, ou avec des graines… Vos billes doivent donc être plutôt dures (quitte à les faire sécher mais ça ne fait pas tout) pour résister autant que possible aux indésirables (blancs, écrevisses etc), ce qui impose une granulométrie plutôt serrée. En tout cas la texture doit tenir dans le temps. Le plus simple, avant d’en acheter des grosses quantités, c’est de demander aux potes ou d’essayer en testant différents modèles de bouillettes ready-made, en les laissant dans un grand verre d’eau, et en chronométrant le temps de dissolution. Voilà pour la mécanique. Enfin pas tout à fait, j’ajouterai qu’amorcer avec des 24 mm ou plus, limite quand même l’impact des pique-assiettes.


Avoir bon goût

Pour la chimie, je pense qu’on a tout intérêt à avoir une bouillette qui diffuse doucement (voire peu mais longtemps), donc sans forcément beaucoup d’arôme ajouté (bien que je sois fan de l’ananas + acide N butyrique). On retrouve la nécessité d’avoir une texture plutôt serrée (avec peu de bird-food). Par contre j’attache de l’importance à ce que les bouillettes aient tout simplement du gout (j’ai l’habitude de les gouter, ça peut paraître con et très anthropomorphique puisqu’a contrario je ne goûte pas les vers de terre ni les asticots, mais bon). Les épices sont une bonne option pour marquer vos appâts (ail, poivre, robin-red…). Si de plus, ils sont un tant soit peu nutritifs (et pas forcément très – trop – protéinés, au risque d’attirer les écrevisses et de gaver les carpes, disons autour de 20 %) voire assez riches en fibres, et que vous en distribuez régulièrement, nul doute que votre recette saura intéresser les carpes sur le moyen ou le long terme. Bon, vous me direz que ça ne vous avance pas tant que ça. Pas si sûr, car désormais la composition des billes devrait figurer sur les paquets… Avec ces quelques éléments, à vous de bien lire entre les petites lignes sur les étiquettes.

ALT multi-espèces !
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Une bille tous les deux mètres
En théorie, ma stratégie est assez simple : plus on en met, et plus on en met régulièrement sans pêcher, mieux c’est ! Rassurez-vous, heureusement ça marche aussi si on pêche, ce qui est quand même le but. Cela dit c’est encore une question de dosage, en fonction du cheptel et de la surface de l’eau que vous pêchez (et aussi des stratégies des autres pêcheurs). Une autre règle à avoir en tête, c’est qu’il est toujours plus facile d’en remettre au fond, que d’en enlever. Si on ne pêche pas et que les billes tiennent (ne se délitent pas trop), on finira forcément par intéresser les carpes en vadrouille. Plutôt que de parler de kilo, je vous propose donc désormais de parler en surface. Lorsque je faisais mes ALT, sur un lac à une heure de chez moi, j’amorçais une partie d’un plateau qui faisait plus d’un hectare, possiblement deux même. L’idée était d’arroser sur une bande assez large (50m de large sur 100m de longe environ) en haut de cassure, et « peu ». Par peu, je veux dire une bouillette (de 20 à 24 mm) par mètre carré, ou tous les deux mètres carrés, à la louche. Enfin à la main et en bateau, bouillette par bouillette, car à la louche on a vite fait d’en mettre plus que nécessaire et au cobra, du bord, on a vite fait de se faire une tendinite.


Jouer sur la mobilité
Logiquement, où qu’il aille, un poisson tombera sur une bille, se déplacera pour en trouver une autre et ainsi de suite… Sur une telle surface, il va se passer un peu de temps avant que tout soit nettoyé. Donc si d’autres poissons arrivent, ils vont aussi en trouver. C’est pour ça qu’un rythme de trois fois par semaine (tous les deux jours) me semble une bonne base de départ, à moduler en fonction des kilomètres que vous avez à parcourir (qui plus est avec le couvre-feu). Si vos billes tiennent peu (24 h ou moins), il faudra logiquement en mettre tous les jours, attention donc aux « fausses économies ». Pour en revenir au fait d’espacer les billes, cela contribue d’une part à augmenter la surface d’interception des poissons et à fixer potentiellement plusieurs bancs. D’autre part si le cheptel est suffisant, cela instaure une certaine concurrence alimentaire et oblige les poissons à manger et à être mobiles. Or, un poisson qui mange en bougeant est un poisson plus facile à piéger qu’un poisson statique. Enfin, vous aurez quatre montages à déposer (ou lancer), un demi-hectare ça revient à avoir un montage tous les 25m, ce qui permet de bien quadriller.


Quelle durée ?
Au printemps, à moins d’amorcer vraiment n’importe où, il n’est pas forcément nécessaire d’amorcer sur une très longue durée pour avoir des touches. L’idéal c’est même de faire l’inverse : localiser les poissons sur des pêches rapides et ensuite mettre en place un ALT sur les meilleurs secteurs. Après un ALT ça se fait près de chez soi, sur une eau qu’on est sensé connaitre, il y a donc peu de chance de se tromper. Dès que les eaux se réchauffent un peu (choisissez donc plutôt un plateau ou une bordure ensoleillée avec peu d’eau par exemple) les poissons s’alimentent, et plus encore à l’approche du frai. En général (je veux dire les années « normales ») je commence mes amorçages en mars. Souvent, deux semaines de pré-amorçage suffisent, voire une seule. Pour la petite histoire (je la raconte dans mon premier livre « Intégraal ») j’ai pris ainsi deux fois le même poisson qui frôlait les 25 kg, au même endroit, deux années de suite, presque jour pour jour (autour du 1er avril) après un ALT de 3 ou 4 semaines. Certains diront que 2 ou 3 semaines ce n’est pas un ALT. Pour paraphraser Coluche, je leur répondrai que la bonne longueur d’un amorçage c’est quand on touche du poisson, et plus particulièrement les gros poissons. Si l’ALT est bien mené, ce sont souvent les gros poissons qui tombent en premier, peut-être parce qu’ils doivent tout simplement manger plus, mais ce n’est qu’une hypothèse que je vous propose d’aller vérifier par vous-même, dès cette année, le plus vite possible. Vous m’en direz des nouvelles.

 

Comment réaliser un ALT en rivière ?

Par William Raveleau

Fréquence et durée
Pour imiter une nourriture naturelle, on doit au minimum proposer aux carpes des appâts relativement équilibrés, et qu’elles puissent en trouver presque tout le temps. La gestion du timing de l’amorçage est donc très importante : « few and often » disent nos confrères d’outre-Manche. Un ALT, c’est au moins deux mois de distribution sans jamais pêcher. La fréquence de l’amorçage est un paramètre crucial. Si l’on amorce trop souvent, on augmente proportionnellement le risque de se faire voir par des concurrents. A contrario, si la fréquence d’amorçage est trop faible, les carpes passeront sans trouver d’appâts, ce qui n’est pas terrible non plus. Personnellement le meilleur compromis que j’ai trouvé, c’est trois fois par semaine. Idéalement le lundi, le mercredi et le vendredi, en évitant le week-end.

Rouler ses propres appâts revient moins cher, mais nécessite un peu de travail.
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Choix de zone, prospéction et réflexion
Le « crabisme » est un risque important. Et si les postes de pêche sont faciles d’accès, d’autres personnes peuvent aussi planter leurs sardines en toute innocence et sans le savoir bousculer votre stratégie, sans savoir que le super petit coin sur lequel ils s’installent est le jardin d’espoir que vous cultivez depuis plusieurs semaines… C’est la raison pour laquelle le choix de votre zone d’amorçage doit être très réfléchi. Une prospection minutieuse est indispensable avant de démarrer l’ALT, passez du temps à chercher, et attention aux FBI (fausses bonnes idées) qui arrivent en premier. Choisir un endroit très isolé, jamais pêché, est tout indiqué pour échapper aux regards. Il suffit parfois de faire quelques centaines de mètres pour trouver des places très sauvages pleines de ronces et de fougères qui ne voient jamais un biwy. Et il y a aussi l’exemple inverse, on peut très bien pratiquer un ALT en plein centre-ville. Beaucoup d’endroits comme ceux-là ne sont jamais visités par les carpistes. Je me souviens d’un ALT réalisé à l’extrémité d’un parc de jeux, un petit recoin improbable bourré de rats où j’avais plus de chances qu’un ivrogne vienne se soulager sur mon brolly que de croiser d’autres pêcheurs. L’ALT avait bien fonctionné avec plusieurs poissons identiques repris au même endroit, et une moyenne assez haute pour la rivière en question. S’il y a une leçon à retenir, c’est qu’en matière d’ALT il est important aussi de penser différemment, de sortir des habitudes en tentant des choses que personne ne tente : en faisant comme on a toujours fait, on a les résultats que l’on a toujours
eus ! Bref, soyons imaginatifs ! Pourquoi pas une approche en bateau d’ailleurs : concept génial pour un ALT rivière ! Dans tous les cas, le lieu que vous choisirez devra être proche de votre domicile, ou de celui de votre coéquipier si vous pratiquez en binôme. C’est tellement mieux en couple ! On se motive mutuellement, on fait chauffer le portable pendant deux mois, on bâtit un travail d’équipe en construisant un projet commun. Et c’est tellement plus sympa pour faire les photos quand on « déroule comme des porcs » !

Toute bonne seinoise consanguine.
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On n'amorçe pas lourd, on amorce large !
Toujours à propos du choix de la zone, n’hésitez pas à amorcer large mais en essayant de deviner le chemin emprunté par les carpes. Malgré tout le soin apporté à votre ALT, il sera difficile de détourner les carpes de leur passage habituel, d’autant plus pour les vieilles (et grosses) résidentes. Donc privilégiez les bordures ou les vastes hauts-fonds, les arbres immergés, les grands extérieurs de virage ou en général les fonds sont plus importants, plus propres et plus durs (ce sont des zones d’accélération du courant). La longueur de bief à couvrir par l’ALT est variable, on se situera la plupart de temps entre 200 et 500 mètres. Prenons l’exemple d’un amorçage réalisé sur une bande de 10 mètres de large sur 300 mètres de rivière. Si l’on y répartit 10 kg de billes de 24 mm par semaine, et que l’on vient amorcer 3 fois, on y met alors à chaque passage environ 1,3 bouillette pour 10 m2. C’est peu mais c’est bien. L’idée c’est qu’elles en trouvent un peu partout. Ceci a aussi l’avantage d’atténuer les concentrations de poissons blancs et l’intérêt des silures pour vos appâts...

Le bonheur ne vaut que s’il est partagé (Paul Johnson, Darren Weatherley and myself, sur la rivière Mayenne).
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Choix des armes
Pourquoi des bouillettes d’ailleurs ? Par expérience, les amorçages à la graine en rivière attirent beaucoup de blancs, et beaucoup de glanes s’ils sont présents, ce n’est pas ce que l’on recherche. De plus ces amorçages à la graine pure ne sont jamais efficaces bien longtemps. Ça part vite en sucette, soit à cause des indésirables, soit parce que les carpes n’y trouvent pas leur compte sur le plan alimentaire. Même si cela peut démarrer fort, le soufflé retombe très vite comparativement aux bouillettes. Les pellets de grosn diamètre sont très intéressants, mais à proscrire définitivement si les silures sont présents dans la rivière. Si les moustachus sont absents, une recette basique contenant un pourcentage raisonnable de farine de poisson ou de Frolic conviendra parfaitement, pour un coût raisonnable. S’ils sont présents, les problèmes commencent. Je vous conseille alors d’opter pour un mix 100 % végétal, qui calmera un peu le jeu, mais clairement les véritables ALT sont compliqués à gérer avec les glanes. Deux choix s’offrent à nous : home made ou appâts du commerce. Ceci n’est pas une paille lorsque l’on prévoit 8 semaines d’amorçage. À raison de 10 kilos par semaine, on est vite à 80 kilogrammes de billes pour un ALT modeste, soit autour de 200 euros si l’on roule soit même.


Privilégier la qualité
Dans tous les cas, mettez de la qualité au fond de l’eau. Avec des ingrédients simples et frais, les résultats seront au rendez-vous. Attention de ne pas tomber dans le piège des bouillettes industrielles dites « d’amorçage ». Cela ne fonctionne pas sur la durée (testé). Il existe sur le marché des petites entreprises françaises qui proposent de très bonnes billes d’ALT, roulées avec des oeufs frais et bien équilibrées, comme les O2FISH (4,80 €/kg). C’est la première fois que je cite une marque dans un article, je suis « à la rue total » sur tous les montages dernier cri et autres gadgets, en revanche quand un produit sort du lot, je crois qu’on peut en parler ! Si vous préférez rouler, je vous propose deux recettes efficaces pas chères (testées aussi). On est à environ 2,60 €/kg. Si vous avez un peu plus de sous à y mettre, le Frolic peut être remplacé par une farine de poisson de bonne qualité pour relever le taux protéinique, ou alors un petit 50/50 est aussi envisageable. Oups ! J’allais conclure sans parler de la pêche… D’abord, quel « kiff » que de débuter la pêche sur un ALT ! En général, ça démarre très fort, très vite, avec une moyenne assez haute. Mais lorsque sonne l’heure des vendanges, il ne faut pas scier la branche sur laquelle on est assis ni se laisser étourdir par les « bilibilibili » des Delkims. C’est une exploitation douce et régulière de la zone amorcée qui vous permettra d’en tirer le meilleur parti : une nuit par-ci, deux jours par-là, en réamorçant toujours un peu et en alternant intelligemment les postes de pêche. Vous avez parfaitement conditionné les carpes sur vos appâts, c’est votre capital. Il serait dommage de ne pas en profiter sur la durée. Un ALT en rivière c’est un investissement hors normes qui mérite des résultats hors normes.

C’est pas le bon client !
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