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L'évolution des montages pour la pêche de la carpe

Les pêcheurs ont longtemps pensé que l’hameçon devait être caché par l’appât, ce qui convenait d’ailleurs relativement bien tant qu’on utilisait des appâts plutôt mous, et qu’on ne se posait pas trop de questions sur les touches ratées.

Sur le cheveu (1978-1980), Lenny Middleton s’en est posé, en observant ses deux carpes rejeter les appâts piégés en aquarium. Au bout des quelques essais il a pris le contrepied en dissociant l’esche de l’hameçon et en les reliant avec un cheveu relativement long, représentant environ la distance de la bouche aux dents pharyngiennes. La carpe avalait le grain de maïs et l’hameçon suivait en bouche. Le fait de faire autrement a été une révolution, popularisée dans le livre « carp fever » de Kevin Maddocks. D’abord attaché à la courbure de l’hameçon, le cheveu a ensuite été relié à l’œillet puis sur la hampe. Pour autant le cheveu n’était pas la solution miracle. Dans son livre, Kevin Maddock écrit que dans les eaux surpêchées son usage intensif fait que la carpe n’a plus de mal à faire la différence entre un appât libre et celui du cheveu. À partir de ce constat, les pêcheurs n’ont cessé de chercher (et cherchent donc encore !) toutes les alternatives possibles pour faire autrement. En fait il faut bien comprendre que si les carpes trient ce qui rentre dans leur bouche (pour ne pas dire mangent) sans se déplacer il y a assez peu de chance pour qu’elles se piquent seules, sauf si elles ont du mal à recracher l’esche piégée, paniquent et qu’en s’enfuyant l’hameçon se pique sur l’inertie du plomb. Ce sont deux principes indissociables pour tenter d’améliorer le ratio de touches : celui du montage de fuite (adopté pour pécher loin, de nuit) et celui des montages (dits) anti-éjection.

Extrait de l’article « un cheveu pour la carpe » (n°441 de La pêche et les poissons février 1982), d’Henri Limouzin. 
Crédit photo : DR

Le slip d rig, une hampe souple pour une meilleure articulation de l’appât.
Crédit photo : Eric Deboutrois

Montages anti éjection

Face à la pression de pêche, notamment à Savay, plusieurs montages furent inventés. Le D Rig est un de ceux-là. Il a été mis au point par Roger Smith vers 1985, en réalisant une boucle en nylon pour que l’hameçon reste en bouche et ne soit pas soufflé avec l’appât. C’est aussi une façon de décaler le centre de gravité vers la pointe. Toujours à Savay, à peu près à la même époque (1986), Martin Locke et Rob Maylin partaient du principe de reculer l’hameçon plus loin à l’intérieur de la bouche, pour qu’il y reste un peu plus longtemps et qu’il ait ainsi un peu plus de chance de basculer et de piquer. Locke raconte que pour ajuster ses montages aux bouillettes de 24 ou 30 mm il ajouta un morceau de tube à la hampe du Gamakatsu n° 10 avec lequel il pêchait. C’est ainsi que naquit le Looney extension avec lequel il captura Sally, une commune de 39 lbs ! Le principe du Bent hook (hameçon coudé) a été développé par Jon Holt en 1986-1987, alors qu’il pêchait à Longfield, une des eaux considérées comme les plus difficiles d’Angleterre à l’époque. L’idée était que la pointe bascule et accroche rapidement dès que l’esche était saisie. Au début des années 1990, Partridge hooks commercialisera deux hameçons coudés, le Ritchie MacDonald (Z13) et le Piggyback bent hooks (Z14). Malgré le fait qu’ils basculaient très bien, les bent hook ont été interdits parce qu’ils piquaient souvent loin dans la bouche, accrochant les chairs tendres et faisant des boutonnières. Le principe mécanique a néanmoins été repris et amélioré dans bien des montages ultérieurs (aligneurs de ligne, kickers…) et forms d’hameçons modernes. À Woburn Sands, Martin Clarke inventa une version « souple » du D rig, le Slip D Rig, pour que l’appât puisse s’écarter de la hampe de l’hameçon. La plus-value réside dans la liberté accrue laissée à l’hameçon de basculer, donc à augmenter le ratio de touches transformées. Il améliora sa version de 1986-1987 en 2002, avec l’utilisation des tresses gainées pour avoir une partie souple et un bas de ligne plus rigide. C’est Dave Chilton – Kryston – qui a commercialisé en 1995 la première tresse gainée, la Snake-Skin. Vers 1990 Steve Renyard conçu le montage Withy pool pour pêcher le syndicat du même nom. Il en a basé la courbure sur le contour de la lèvre inférieure d’une carpe, de sorte que tout poisson qui l’aspire se pique, idéalement au milieu de la lèvre inférieure. Steve Renyard a également inventé l’Hermit rig (montage élastique) pour essayer de piéger les poissons qui se déplacent lentement ou sans aller bien loin entre chaque bouchée. L’Aligneur de ligne a été mis au point par Jim Gibbinson en 92/93 pour faire tourner plus rapidement l’hameçon dans la bouche des carpes. C’est le préfigurateur des actuels kickers. Le Blow Back Rig est un montage conçu par Kevin Nash (1996) dans lequel une gaine en silicone maintient le cheveu sur la hampe. Cette gaine, qui peut reculer lorsque la bouillette est soufflée et faire en sorte que la pointe tombe, sera ensuite remplacée par un anneau coulissant (ring) auquel sera noué le cheveu. C’est également Nash qui réalisa les premiers clips plomb en 1992. Vers 1996/97 Tim Paisley et Dave Chiltern mettent au point le Combi-Rig pour limiter les emmêlements mais aussi pour rendre l’éjection plus difficile en associant un morceau de tresse en partie terminale et une partie rigide en Amnésia. Aujourd’hui on utilise des loop en tresse que l’on raccorde à des booms en fluoro ou, à l’opposé, on fait des « combi inversés » revenant à l’esprit du looney extension. 

Prêt à faire feu !
Crédit photo : Eric Deboutrois

Les appâts flottants

Kevin Maddocks raconte aussi comment avec Middleton ils ont essayé d’alléger leurs hameçons en collant un morceau de polystyrène sur la hampe. Avec d’autres ils ont ouvert la voie des montages équilibrés (balanced hookbaits), des futurs wafters et des appâts flottants. Dans la seconde moitié des années 1980 Martin Clarke et Rob Maylin mirent au point différents montages équilibrés ou flottants, cherchant à ce que seul l’hameçon soit aspiré (scorpion rig, snake rig) ou que la bouillette rendue flottante en la passant au micro-ondes soit plus facilement aspirée. Le Hinged stiff rig (fin des an nées 1990) a été affiné et modifié par Lewis Read et Terry Hearn sur la base d’un montage qu’Alan Welch et ses amis (Andy Kidd…) utilisaient. Le nœud Domhoff, créant un « D » était parfait pour escher une pop-up sur les fameux hameçons Drennan Continental Boilie Hooks ! La portion de fil semi-rigide devenait une extension de la hampe de l’hameçon, formant ainsi une sorte de long shank alternatif.

Le chod, idéal pour pêcher des fonds tapissés d’herbiers.
Crédit photo : Eric Deboutrois

Chod Rig (fin des années 90)

Frank Warwick utilisait un montage préfigurateur (le short rig) sur le lac Manor Farm, à Linear Fisheries, que Terry Hearn a amélioré puis promu au début des années 2000 comme le Chod Rig. NB : c’est Zenon Bojko qui a développé le montage hélicoptère comme alternative aux tubes anti-emméleurs en 1989 et Dynamite Baits, sous l’impulsion de Frank Warwick, qui a commercia lisé les premières pop-up de couleur fluoro.

Le montage 360
Crédit photo : Eric Deboutrois

Le montage 360° (2001/2006)

C’est Dave Lane qui a mis au point ce montage pour pêcher avec des pop-up. En utilisant des Fox série 5 (longue hampe courbe) le montage ressemble à un hinged-stiff qui peut tourner à 360°. Il a néanmoins l’inconvénient de pouvoir s’accrocher dans le filet de l’épuisette et le cas échéant de causer des blessures à la bouche des carpes ; de nombreux plans d’eaux anglais l’ont interdit. C’est le précurseur du Ronnie rig popularisé avec l’arrivée des émerillons quick change.

Le multi rig, un assemblage de souple et de rigide.
Crédit photo : Eric Deboutrois

Du stiff rig au multi rig

Mike Kavanagh (qui tenait la rubrique « Rig world » dans la revue Carpworld) a pris le contre-pied total des bas de ligne souples en créant le premier Stiff Rig (montage rigide), noué à partir d’Amnesia. La relative raideur du bas de ligne rendant plus compliquée l’éjection de l’esche. Il est également à l’origine du Multi Rig (expérimenté sur Hare field en 2000 et popularisé vers 2007 suite à de nombreux gros poissons pris par John MacAllister) qui permet de présenter une pop-up très près du fond, et de changer très rapidement son hameçon à œillet sortant (type chod) grâce à une boucle réalisée sur une tresse gainée. Il diffère du slip D rig réalisé avec une tresse classique et eschée avec une bouillette dense ou un wafter.

Quelques autres montages

Le KD rig, provenant des initiales de l’inventeur, Kenny Dorsett.
Crédit photo : Eric Deboutrois

Le KD Rig (2010)

Rien à voir avec un D rig, puisque les initiales sont celles de son inventeur, Kenny Dorsett. Il s’agit en fait d’une façon particulière de réaliser le nœud sans nœud pour positionner le cheveu très près de l’œillet de l’hameçon pour décaler le centre de gravité de l’hameçon vers la pointe. Il est souvent associé à une flottante équilibrée par une petite cendrée sur le cheveu ou un wafter, présenté au ras du fond.

Shot on the hook, milieu années 2010

Encore un montage qui a été révélé au grand public par Franck Warwick et que j’ai pour ma part découvert sous la plume du hollandais Ernesto Kamminga, à l’époque où il était chez Korda. L’idée est encore d’accélérer la chute de la pointe grâce à une petite plombée positionnée derrière l’ardillon. L’idée est la même avec un Flipper rig qui lui utilise le poids d’une esche dense pour entraîner la pointe de l’hameçon lorsque le bas de ligne se tend. Pour cela il faut que le cheveu parte à la base de la pointe de l’hameçon, maintenu par une gaine silicone de faible diamètre (0,5 mm).

Le German Rig, un montage allemand qui est toujours aussi performant.
Crédit photo : Eric Deboutrois

Le German Rig, 2013

C’est l’anglais Mat Woods qui a promu le German Rig que lui avait montré l’allemand Christian Kessler. À l’aide d’une tresse gainée on fait un nœud sans nœud sur un hameçon courbe. Le cheveu est remplacé par un émerillon qui coulisse sur la hampe, arrêté par une perle, sur lequel est esché un appât dense (ou équilibré), de telle sorte que l’hameçon se présente sous l’esche. Le nœud sans nœud peut être remplacé par un émerillon QC (sans anneau pour limiter les emmêlements).

Le ronnie rig est plus connu sous le nom de spinner rig est parfait pour les adeptes des bouillettes flottantes.
Crédit photo : Eric Deboutrois

Le Ronnie Rig 2013-2014 (ou spinner rig)

Utilisé par Gary « Ronnie » Archer et Ian Stott aux alentours des années 2013-2014 à Wellington Country Park, avant que d’autres membres du syndicat ne le découvrent et que le montage soit médiatisé. Ma combinaison préférée pour faire un Ronnie rig et pêcher avec une pop-up est d’associer un émerillon QC à anneau avec un hameçon Gardner CVR (Curved Rigga) en taille 4. Ce montage s’inscrit pleinement dans la lignée des multi rig, Hinged Stiff rig, Chod, 360°, Withy Pool Rig et d’un montage déjà appelé spinner rig à la fin des années 1990.

Il serait trop long de passer tous les montages en revue ici et d’ailleurs certainement impossible d’être exhaustif tant il y a de variantes. Pour conclure, provisoirement, on constate à travers cet historique que les grands principes sont restés les mêmes. Les montages ont essentiellement évolué avec la diversification (et la qualité) des matériaux, l’apparition de petits accessoires et beaucoup de jus de cerveau ! Les plans d’eau anglais étant souvent surpêchés, face à ces conditions particulières il n’est pas illogique qu’on se soit posé beaucoup plus de questions d’un côté de la Manche que de l’autre.

Le rédacteur en chef fait le plein de montages variés !
Crédit photo : Eric Deboutrois

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