Texte et photos Eric Deboutrois

L’anatomie et la biologie permettent de comprendre bien des choses en matière de pêche et d’éviter de tomber dans des fausses croyances. On a tous en tête cette image du brochet qui prend sa proie en travers avant de la retourner et de l’avaler…

On en a déduit qu’il fallait lui laisser un certain temps, équivalent à celui de rouler un peu de tabac gris et d’allumer sa cigarette, avant de ferrer.

Bon nombre de brochets, petits ou gros, se sont ainsi retrouvés avec un hameçon double dans l’œsophage, puis dans la poissonnière avec du beurre blanc. Idem pour les carpes qu’on laissait partir avec un triple dans la patate, puis dans la gorge, avant de les farcir ou de les cuisiner à la Chambord.

Avec l’avènement du no-kill, bon nombre de pêcheurs ferrent désormais à la touche quand les carpistes cherchent à améliorer les montages, à la fois pour piquer plus de carpes et éviter de les blesser.

Pour cela encore faut-il comprendre comment la carpe mange!

1-Prise en bouche :

Figure 1
Figure 2

Sur les fonds durs, la carpe se penche pour venir ramasser la nourriture avec sa bouche protractile (figures 1 et 2).

Sur les fonds mous, elle peut même se mettre à la verticale et ainsi enfoncer sa bouche jusqu’aux ouïes pour « grouiner » les vers de vase. Elle peut également aspirer le plancton ou les petits invertébrés en suspension ou dans les herbiers.

Si vous regardez avec attention les vidéos subaquatiques, on voit très bien cela. Ce qu’on ne voit pas en revanche, c’est ce qui se passe ensuite, raison pour laquelle j’ai sorti papier et crayons pour illustrer tout cela.

2-Elle trie, au toucher et au goût :

Figure 3
Figure 4

Rien n’ira très loin dans la bouche sans avoir passé le scan de l’organe palatin (figure 3).

C’est l’équivalent de notre « palais », avec une forme de coussinet charnu tactile, équipé de bourgeons gustatifs (pour en savoir plus, lire la thèse de doctorat vétérinaire de Sylvain Ranson, carpiste à ses heures).

Le cas échéant elle recrache les impuretés (dont votre hameçon) par la bouche, ou rince et filtre de façon sélective les petits aliments grâce aux mouvements et aux peignes de ses ouïes (branchiospines), comme elle peut bloquer les plus gros dans la bouche tandis quand le reste (sable, vase) est éjecté par les ouïes (figure 4).

3-Transport vers les dents :

Figure 5
Figure 6

Les aliments vont ensuite un peu plus loin, vers la cavité de mastication (figure 5). Ils y sont écrasés entre les dents pharyngiennes en bas et une plaque osseuse qui fait office de meule en haut (figure 6). NB : si les aliments durs ne rebutent pas les carpes, nos appâts artificiels doivent idéalement être friables pour être bien assimilés.

4-Déglutition et digestion :

Cette étape ainsi que la précédente permettent d’appréhender les aspects nutritionnels, en particulier dès qu’on s’intéresse à la fabrication des bouillettes et à l’amorçage. La détailler plus ici n’est pas utile pour comprendre la mécanique des montages, qui concerne essentiellement les points 1 et 2.

Les dents pharyngiennes d’une carpe, véritables machines à broyer les coquillages.

La mécanique des montages

Alors que de nombreux tutos expliquent « comment » faire les différents montages, j’espère qu’avec ce rappel vous comprendrez mieux « pourquoi » il y a plusieurs écoles que voici, peu ou prou dans l’ordre de leur apparition :

a) Passer le scan tactile de la phase 2 : c’est le principe même du cheveu, en dissociant l’esche de l’hameçon et en utilisant un grand cheveu pour éviter que la carpe rejette l’esche piégée.

b) Jouer sur la densité de l’esche en l’allégeant (esche équilibrée – wafter -, bouillette flottante, bonhomme de neige) afin qu’elle soit aspirée plus profondément et y entraîne l’hameçon.

c) Accélérer la bascule de l’hameçon pointe en bas (dessin 3) en utilisant des formes particulières  de hampe (longue, courbée…), puis des aligneurs de ligne, ou encore en jouant sur l’emplacement du cheveu (flipper rig) ou en ajoutant un petit plomb sur l’hameçon entre la pointe et la coubure (shoot on the hook).

d) Utiliser un montage anti éjection pour que la carpe ne puisse pas recracher facilement l’hameçon (D-rig, Blowback rig, bas de ligne rigide ou combiné…)  

e) Tenter d’accrocher la lèvre inférieure le plus tôt possible, dès la prise en bouche (avec des bas de ligne courts) et ce d’où que puisse arriver la carpe. Ce sont des montages 360°, très « agressifs » (Whithy pool rig, chod rig comme dans mon dessin n°1, ou encore le Ronnie rig dont je vous parlerai dans un prochain article).

La quête du Graal

Je me doute bien que tous ces noms de montages en anglais sont du chinois si l’on n’est pas un carpiste éclairé.

Mais désormais, quand vous en choisirez un autrement que par effet de mode, vous comprendrez pourquoi il marche, ou pas…

En pratique tous fonctionnent, certains mieux que d’autres. Car au delà de l’approche anatomique purement statique, la carpe peut bouger en mangeant, ce qui change la donne, tout comme d’autres paramètres comme la texture du fond etc.

C’est pour cela qu’il y a autant d’écoles, chacun cherchant le meilleur montage du moment, contribuant à rendre cette pêche technique et passionnante.

Retrouvez un montage : https://peche-poissons.com/carpe/carpe-montages-le-montage-multi-rig-pour-la-peche-de-la-carpe-simple-rapide-et-efficace-960316-php/

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