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La maladie du sommeil, menace éveillée pour la carpe au printemps

Depuis une dizaine d’années, en toute discrétion, à l’abri des regards médiatiques, une maladie touche notre patrimoine aquatique. Il s’agit de la maladie du sommeil dont souffrent de nombreuses carpes. Elle est désormais présente sur la totalité du pays. Qui est-elle ? Faut-t ’il s’en inquiéter ? Petit focus pour mieux connaitre cette maladie, sans vous endormir.  

La maladie du sommeil (aussi appelée œdème de la carpe) est provoquée par un virus apparenté à la famille des Poxvirus, le CEV « Carp Edema Virus ». Dans langue de Shakespeare, elle est aussi appelée KSD « Koï Sleepy Disease ». Définissons d’abord ce qu’est un virus : « Un virus est un agent infectieux nécessitant un hôte (ici les carpes) , souvent une cellule, dont les constituants et le métabolisme déclenchent la réplication ».

La maladie du sommeil touche nos très chères carpes Cyprinus carpio (communes, miroirs, cuirs et koïs). A ce jour, aucune autre espèce n’a présenté de symptômes à la suite d’une infection par le CEV. En laboratoire, des chercheurs ont procédé à des infections expérimentales sur du carassin commun, de la tanche, de la perche commune, du gardon et de l’ablette. Aucun des individus infectés n’a développé de signes cliniques et aucune mortalité n’a été signalée.

Origine et répartition

La maladie du sommeil de la carpe est remarquée au Japon depuis 1974, pays dans lequel elle a dès lors provoqué des mortalités importantes notamment dans des bassins de carpes koïs, particulièrement chez les juvéniles. Au-delà de l’aspect sanitaire et affectif, le préjudice économique que peut provoquer une telle épidémie sur ce genre d’élevage est énorme. Les Japonais prennent alors la menace au sérieux. Parallèlement, un foyer de forte mortalité de carpes Koï juvéniles fut détecté aux Etats-Unis en 1996. Postérieurement, des chercheurs britanniques ont analysé par PCR des échantillons de 1998 archivés et ont révélé la présence d’ADN de CEV.

En France, le virus a été détecté pour la première fois en 2013 sur un cas clinique de carpe koï. Depuis une petite dizaine d’années, les cas rapportés sont de plus en plus nombreux et sont associés à de fortes mortalités. La maladie touche aujourd'hui l'Europe entière avec des cas relevés dans huit pays différents. D'autres cas ont également été signalés au Brésil, en Inde et également en Irak.

Identifier la maladie 

Une carpe atteinte de la maladie du sommeil montre des signes médicaux qui ne trompent pas. Parmi ces signes, il est possible d’observer :

  • une léthargie (pseudo-sommeil) soit au fond de l’eau soit à la surface, parfois sur les bordures du lieu de vie
  • une perte de l’appétit (anorexie)
  • une perte totale ou partielle de l’équilibre
  • une position couchée (décubitus) le plus souvent latérale. L’individu semble mort mais ses yeux restent actifs. La carpe réagit aux stimulations mais retombe très rapidement en léthargie. A un stade avancé, la carpe malade ne réagit même plus aux stimulations.
  • une hypersécrétion de mucus (en début de maladie)
  • des lésions branchiales importantes
  • un gonflement général dû à l’œdème
  • une enophtalmie (yeux rentrés dans les orbites), parfois avec hémorragies oculaires. A noter que sur ce signe là, sur un cas de virémie printanière, c’est strictement l’inverse, les yeux deviennent proéminents (exophtalmie).

Dans certains cas, il a été observé une détresse respiratoire prononcée et apparente. Les sujets tentent alors de respirer directement l’air de la surface. En phase terminale, il est possible d'observer une érosion épidermique (trous dans le corps), des hémorragies cutanées, une accumulation de mucus à la base des nageoires dorsale et caudale ainsi qu’une importante nécrose des branchies.

Vers une mort certaine

A la différence de la virémie printanière qui ne touche qu’une même cohorte d’individus de même taille, la CEV peut toucher toutes les tailles/cohortes de poissons en même temps, y compris les très gros individus. Chez les juvéniles de carpes contaminées par le virus, la mortalité est très importante. Certains chercheurs japonais parlent de 76 à 100% des cas. Chez les poissons malades, la mort survient souvent en moins de 7 jours mais peut survenir au bout de 20 jours maximum après le début des signes cliniques. Ces chiffres font froid dans le dos. Chez les individus adultes, le taux de mortalité est méconnu, il manque des données scientifiques. Sur des élevages de carpes koïs, en bassin et sans intervention humaine, certains japonais parlent de 90 à 100% de mortalité en moins de 10 jours. Le taux de mortalité chez les carpes communes et miroirs est moins bien documenté mais il semblerait qu’il soit bien supérieur à 50%.

Cependant, des scientifiques ont réussi à mettre en évidence le fait que certaines carpes étaient plus ou moins sensibles au virus, et que le portage asymptomatique du virus était possible sur des périodes de plusieurs mois. Il est donc possible d’en conclure que les carpes asymptomatiques sont des porteurs sains et que, par conséquent, elles restent contagieuses pour les autres individus. Notons tout de même avec optimisme qu’une guérison des individus contaminés est possible.

 

Comment se passe la contamination ?

Le virus est visiblement extrêmement contagieux. Le CEV se propage notamment en mode « direct », de poisson à poisson par le biais d’individus porteurs du virus (malades ou non), du matériel contaminé (épuisettes, tapis, sacs…), de l’eau, des matières fécales, des boues et des sédiments. La contamination de la CEV peut également être « indirect » avec une transmission par l'intermédiaire d'un vecteur, notamment les parasites des poissons (poux, vers.). Il semblerait tout de même que la meilleure façon de transporter le virus soit de déplacer l’hôte, notamment lors d’alevinages, de transferts de poissons (vidanges) ou encore avec le transport des vifs pour la pêche.

Certains individus pourraient héberger le virus très longtemps sans être malades. La température est alors un facteur clé dans le déclenchement de la maladie. D’autres facteurs sont également déterminants dans l’apparition de la maladie comme le stress, la malnutrition, ou lorsque des poissons sont déjà affaiblis par une autre maladie (co-infections). En élevage, la CEV se manifeste souvent après un stress important : vidange d’étang, capture, transport…

Comment éviter la propagation ?

Maintenant que le virus est présent en Europe, il semblerait qu’il soit très dur de s’en débarrasser et comme pour la covid, il va falloir faire avec. Il ne faut pas minimiser l’impact que pourrait avoir ce virus sur le cheptel de carpes de l’hexagone. Pour en avoir discuté avec un vétérinaire, certaines rivières ont vu leur densité de carpes chuter. Il plane de fortes suspicions sur le fait que la CEV soit directement responsable de ces chutes de populations. En bassin est en pisciculture lorsque le virus fait son apparition, et que des individus montrent des signes cliniques, un traitement semble alors efficace. Ce traitement consiste à immerger les carpes malades en bassin dans une eau salée pendant quelques heures (balnéation). L’utilisation de sel dans de l’eau à hauteur de 0,5 à 0,6% présente des effets thérapeutiques efficaces. Avec cette méthode, des professionnels Japonais affirment que la mortalité des carpes contaminées chutes à moins de 20% et que plusieurs symptômes disparaissent (source : thèse de MONTACQ Laetitia).

A grande échelle et plus particulièrement en milieu naturel, aucun traitement n’est envisageable. Il n’existe pas non plus de vaccin. La meilleure façon de lutter contre le virus est de limiter sa propagation. Bien entendu le transport de carpes par des particuliers d’un milieu à un autre est à proscrire (mais ça nous le savions déjà)

Carpiste sentinelle

Il est important d’inviter les pêcheurs à jouer un rôle de sentinelle et de prévenir les gestionnaires concernés (AAPPMA et FDAAPPMA) et l’Office Français de la Biodiversité (OFB) en cas de suspicion du virus sur un site. Enfin, nous invitons tous les pêcheurs à désinfecter le matériel susceptible de transporter le virus : filets d’épuisettes, tapis de réception, sacs de pesée, bateaux… Le soleil et les UV sont d’excellents désinfectants, naturels et pas chers. Pour cela, il suffit d’étaler le matériel plusieurs heures, en plein soleil, durant les heures les plus chaudes de la journée, lorsque le soleil est au zénith. Il existe également des désinfectants biodégradables (ne contenant ni formol, ni chlore, ni phénol, ni métaux lourds) à diluer dans de l’eau dans un pulvérisateur.

 

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