Pêche du brochet et du silure sur le lac du Bourget avec Jimmy Maistrello

Même au sein de notre communauté de pêcheurs de loisir, il ne me semble pas exister aujourd’hui d’espèce plus clivante que le silure. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir les commentaires qui bordent chaque publication des réseaux sociaux de notre magazine à propos d’une belle capture de silure : de « waouh », « quel poisson incroyable », « les meilleurs sensations en pêche d’eau douce » pour certains internautes, jusqu’à « tractopelle dévastateur », « depuis qu’il y a ça à pêcher, tout le reste a disparu » ou encore « détruisez ces saloperies svp merci, – les silures, pas les pêcheurs – » (merci « Claude P » pour cette dernière précision néanmoins). De dangereux fossoyeurs de nos milieux aquatiques pour les uns, à formidables poissons de sport sans impact sur tous milieux pour les autres, la mesure raisonnable est bien souvent la grande absente de ces débats.

Dans la nuance

Jimmy Maistrello passe plus de 300 jours par an à guider des stagiaires de tous âges et de tous horizons dans ces milieux de lacs alpins. Autant dire qu’il connait sur le bout des doigts leurs populations ichtyologiques. Lorsque des stagiaires viennent sur son bateau, c’est avec la ferme intention systématique de prendre des poissons : des brochets principalement, la star de ces lacs et l’une des grandes spécialités de Jimmy, mais également des ferras, des sandres ou des grosses perches. Et plus récemment donc, lorsque les conditions s’y prêtent, des silures. Au sujet de ces derniers, mon hôte du jour sait garder nuance : « Que l’on les aime ou pas, cela ne changera pas le fait que les silures sont bel et bien présents dans nos lacs alpins aujourd’hui. Mon activité professionnelle sur ces vastes étendues d’eau est principalement articulée autour de la pêche des brochets et je garde cette image et cette expertise comme une identité forte de mon entreprise. Mais je suis également un pêcheur de l’arc alpin, c’est-à-dire de tous les types de poissons carnassiers qui peuplent “mes” lacs et, à ce titre, je considère le silure pour ce qu’il est aujourd’hui, un poisson carnassier du biotope au même titre que tous les autres. Je perçois ce nouveau venu comme une sorte de valeur ajoutée à un cheptel déjà riche. Je ne suis pas « spécialiste » ou « spécialisé » dans la pêche du silure, pas du tout même. Je m’attache à savoir le capturer et le faire capturer comme une sorte de poisson “bonus” pour mes stagiaires depuis ces dernières années. » Une approche particulièrement intéressante, qu’il est possible de mettre en application un peu partout en France aujourd’hui. On peut profiter du nouveau venu ponctuellement sans pour autant en être spécialiste et pêcheur exclusif. En effet, lorsque les conditions sont propices et que tous les marqueurs de l’activité des silures sont aux verts, Jimmy n’hésite pas à basculer intentionnellement d’une quête du brochet à celle des poissons à moustaches pour quelques heures. Une démarche qui va bien au-delà de la « simple erreur » de casting d’une prise accidentelle, ce qui peut toujours arriver au demeurant.

Ludique et pédagogique

La stratégie générale moderne pour capturer de beaux brochets sur les lacs alpins consiste à lancer et ramener des leurres de belles tailles et de poids lourds à très lourds. Ces lancers multiples et fatiguant dans cette immensité d’eau demandent une grande concentration technique pour le pêcheur non expert et des récupérations dont les vitesses et les hauteurs dans la colonne d’eau doivent être savamment contrôlées. Bien sûr, Jimmy est toujours présent aux côtés de tous ses stagiaires pour prodiguer les meilleurs conseils et entretenir toute la motivation nécessaire. Malgré cela, pour les pratiquants les moins avertis, cette routine de pêche continue peut paraître lassante et décourageante au fil des heures, surtout lorsque les brochets du lac ne se montrent pas d’humeur. Dans ces moments-là, notre guide n’hésite pas à sortir la carte « silure » pour générer une rupture d’attention et provoquer un regain de motivation par la curiosité et le changement de stratégie et de technique  : une bonne manière de tenir ses élèves en haleine si besoin. Pour atteindre cet objectif, la stratégie de Jimmy doit être à la fois réactive et fonctionnelle.

Polyvalence

« En matière de matériel et de volume à bord, je ne peux pas équiper le bateau en intégralité spécifiquement et parfaitement pour les deux espèces, brochet et silure. Je mise donc sur la polyvalence de mon matériel brochet que je détourne légèrement et dont j’adapte les usages et les montages. Il faut prendre en compte le biotope également. Ici, pas de bordures scabreuses à proximité, peu de pêche d’encombres et d’immenses espaces pour mener les combats. Inutile donc de basculer sur du matériel surpuissant comme cela est nécessaire pour des spécialistes. J’explore et exploite une nouvelle opportunité, d’autant que la population de silures semble encore relativement jeune. Le record du lac du Bourget capturé à la ligne est aujourd’hui d’un peu plus d’1,80 m. Sur du matériel brochet, cela permet de procurer néanmoins de superbes sensations, c’est génial, et cette polyvalence est transférable à moindre coût pour tous les pêcheurs et dans beaucoup d’endroits à travers la France », précise-t-il.

Techniques et montages

Pour passer de la recherche des brochets à celle des silures, Jimmy exploite les fenêtres et les journées durant lesquelles les brochets se montrent récalcitrant, et où, simultanément, les silures semblent bien mobiles et bien présents à l’échosondeur. « Sur les lacs, j’observe quand même souvent des comportements grégaires chez les silures, avec des regroupements denses sur des zones bien précises mais complètement pélagiques. » Dans ces cas-là, deux options s’offrent au guide. Si les stagiaires sont d’un bon niveau dans la pêche en lancer-ramener aux leurres et ne montrent pas de lassitude technique dans l’application de cette prospection, alors Jimmy n’hésite pas à chercher les silures aux leurres en linéaire. À ce sujet, nos observations se rejoignent en tous points : « Inutile de surdimensionner les leurres, bien que le silure soit un poisson plus long que le brochet, je dirais même qu’en moyenne, j’utilise des shads plutôt plus petits, 15-16 cm en général », indique Jimmy. Ces leurres font déjà partie de sa panoplie de traqueur de brochet.

Au ver à l'échosondeur

Dans la deuxième option, notre guide utilise ces moments de changement de cible pour modifier sa stratégie et permettre une pause du lancer-ramener en passant à des pêches en verticale, à l’échosondeur. Pour les montages, il va au plus basique, qui n’en demeure pas moins redoutablement efficace ! Une olive de plomb, 30 à 40 cm de bas de ligne en fluorocarbone de gros diamètre utilisé pour ses bas de ligne à brochet, un triple 1/0 avec une belle grappe de vers de terre ou, pourquoi pas, un petit rotengle d’une quinzaine de centimètres qui abondent dans ces lacs. « Les temps de pêche en verticale sont en général très appréciés des stagiaires. Ils aiment le côté ludique des retours sur l’échosondeur et la possibilité d’observer le comportement des poissons en interaction avec leur présentation. C’est un petit plus très stimulant et une bonne rupture d’attention avec la pêche en linéaire, qui permet ensuite si besoin de rebasculer généralement le soir vers des pêches du brochet avec à nouveau un maximum de motivation pour tout le monde... surtout lorsqu’il y a eu quelques fantastiques combats siluresques à bord », conclut Jimmy.