La pâte à truite est un appât si simple d’utilisation que beaucoup de pêcheurs expérimentés la délaissent. À tort, car cette combinaison d’ingrédients secrets aux arômes fleuris et aux couleurs parfois criardes peut se révéler supérieure aux appâts naturels. Thomas Cavaille, responsable commercial de la société Berkley, leader mondial de cette fameuse pâte à truite, nous en livre quelques secrets.
Cette pâte si mystérieuse, depuis quand existe-t-elle et d’où vient-elle ?
Thomas Cavaille : La pâte a toujours existé, il y a fort à parier que les premiers pêcheurs à l’avoir utilisée ont confectionné un mélange de farine, d’eau et un liant à base d’œuf ou d’huile pour confectionner un appât, et les truites ont répondu présent comme d’autres espèces. La pâte actuelle a été mise sur le marché par la société Berkley, en juillet 1988, et c’est grâce à la mise au point de l’attractant Powerbait par Berkley qu’elle est devenue leader.
Parlez-nous un peu de cet attractant Powerbait dont la réputation n’est plus à faire, surtout sur les truites arc-en-ciel.
T. C. : Le Powerbait n’est pas une mixture mise au point dans une cuisine. Sa formulation est le fruit d’un travail de chimistes et de biologistes très pointu. Il résulte de l’étude rigoureuse du comportement des poissons et de leur façon de s’alimenter. Chaque formulation, car il en existe pour d’autres poissons, est testée régulièrement de façon méthodique par une équipe d’ingénieurs qui la compare avec un appât neutre. Cela permet de conclure de façon scientifique que l’appât contenant du Powerbait est gardé en gueule dix-huit fois plus longtemps que l’appât témoin. Le pêcheur a ainsi plus de temps pour ferrer car le poisson croit à un appât comestible.
Justement, à propos de la formulation du Powerbait, il se dit que très peu de personnes en connaissent la recette exacte. Vous le confirmez ?
T.C. : C’est rigoureusement vrai! Comme tout bon secret industriel qui se respecte, seules quatre personnes de la société Berkley ont accès à la formule originale et elles n’ont pas le droit de voyager ensemble afin de préserver cette recette. Même les dirigeants de la société, qui pourraient être amenés à changer d’entreprise, n’ont pas le droit d’accéder à cette formule.
Combien existe-t-il de références chez Berkley ?
T. C. : Actuellement, il y a dix-sept types de pâtes au catalogue représentant cent trente et une références, des coloris simples ou mixés, avec paillettes ou sans, parfumées aux épices, aux fruits, au calamar, aux œufs de poissons. Le choix est pléthorique pour satisfaire tous les pêcheurs et le coût plutôt modique avec un pot de 50 g qui permet de nombreuses parties de pêche.
Pourquoi autant de choix ?
T.C. : La truite n’est pas si facile à comprendre. Parfois, elle ne voudra que des pâtes d’une certaine couleur, avec ou sans paillettes, avec ou sans parfum. C’est pourquoi le pêcheur souhaitant mettre toutes les chances de son côté devra s’équiper de plusieurs pots qu’il pourra mixer s’il le souhaite.
Comment utiliser au mieux cette pâte ?
T. C. : Les couleurs sont faites pour attirer l’attention du poisson, on les choisira donc en fonction de la saison, claires pour l’hiver et le printemps et plus ternes ou marron, en été. On peut mixer différents coloris pour plus d’attractivité visuelle. Le parfum, qu’il soit à base de fruit ou animal, se diffusera et attirera aussi la truite. Enfin, le Powerbait facilitera la prise en bouche. On constate que la pâte est avalée par le poisson, pas seulement gardée en gueule mais totalement ingérée.
Quelles sont les meilleures techniques de pêche pour utiliser cette pâte ?
T. C. : Vous pouvez utiliser une ligne classique au bouchon ou une bombette de façon à la propulser à distance. La plupart des plans d’eau où sont déversées les truites ne sont pas immenses, pas besoin d’une canne puissante. Un corps de ligne en Nylon assez fin, 20/100, offre un bon compromis entre discrétion et résistance et donne la possibilité de combattre un joli poisson sans risque de casse. La pâte fonctionne très bien en étant ramenée pour peu qu’on lui donne une forme de palette ou de patte de canard pour la faire nager. Elle reste aussi un appât très efficace en étant juste statique et en forme de boule.
Pourriez-vous nous décrire quelques montages pour plans d’eau ?
T. C. : Le premier est un classique montage au bouchon que l’on va employer généralement en début de saison et à l’automne. Il se compose d’un flotteur, peu importe la forme, d’une plombée groupée, d’un bas de ligne assez court de façon à ne pas pêcher trop profond. Une petite astuce consiste à glisser un petit plomb devant l’hameçon car la pâte est flottante, ainsi elle ne remontera pas en direction de la surface et ne se collera pas contre le corps de ligne. Le second montage est plus dynamique et permet de prospecter plus d’espace à la recherche des poissons. La canne équipée d’un moulinet permet de propulser un buldo ou une bombette à bonne distance. Fixez aussi un bas de ligne très peu plombé. En ramenant la ligne le mouvement fera évoluer l’appât à la hauteur souhaitée et fera tourner la pâte que vous avez un peu écrasée sur elle-même, presque comme un leurre ! Le dernier montage est destiné à la période estivale, lorsque les truites descendent dans la couche d’eau. Fixez une olivette légère, de quelques grammes, sur le corps de ligne et accrochez un long bas de ligne. Une fois le plomb posé au fond, et comme la pâte a naturellement tendance à remonter, vous pourrez modifier la hauteur d’évolution de l’appât en donnant ou non du fil. En ramenant doucement, de temps en temps, la pâte plonge vers le fond lors de la traction puis remonte en planant. C’est le principe de la pêche au booby, chère aux moucheurs de réservoirs.
Témoignage : Benoît Michelin, vendeur en magasin de pêche
« J’ai beaucoup de retours de clients sur cette pâte depuis de nombreuses années, en plus de mon expérience personnelle. En plan d’eau et en pêcherie, en début de saison, une pêche lente ou statique au bouchon près de la surface est efficace. En été, une pêche dynamique mais près du fond sera la meilleure option. En automne, les truites seront un peu plus méfiantes qu’au printemps, elles réagiront mieux aux mélanges de couleurs très contrastés et animés qu’aux montages immobiles. En hiver, les coloris vifs près du fond, en statique, vous permettront de piquer de beaux poissons. »
Au toc en rivière
Bertrand Bordat pêche dans L’Ouche, près de Dijon, où, depuis quelque temps, l’AAPPMA a installé un parcours no kill avec de grosses truites arc-en-ciel qui répondent bien à la pâte au toc en dérive. En début de saison, les truites sont près des bordures dans des zones peu profondes, les coloris visibles comme le blanc, le jaune ou le chartreuse sont très efficaces. En été, les truites vont chercher l’oxygène dans les veines plus en profondeur et les couleurs comme le marron ou le noir sont de meilleurs atouts pour réussir.