Olivier Meira appartient à la catégorie des pêcheurs hyperspécialisés. Il ne pêche que la truite, uniquement au lancer et essentiellement avec des leurres de petites tailles ! Je le connais depuis quelques années et l’appelle avec beaucoup d’affection « le roi de l’ultra-léger ». Il est également très attiré par tout ce qui vient du Japon, il n’est pas étonnant qu’il ait tenté de prendre ses chères truites haut-savoyardes en BFS, comprenez bait finesse system. « Simple plaisir d’esthète », comme nous l’avions écrit dans le n°916 ou réel avantage technique, j’étais curieux de le savoir. Je l’ai donc accompagné lors de deux sessions en juin et en août sur des parcours au profil très différents.
Rivière de plaine
C’est dans la plaine d’Alex, bien connue des Annéciens, qu’Olivier m’a donné rendez-vous pour cette première démonstration. Les eaux du Fier sont vraiment très basses pour la saison et la pêche s’annonce compliquée sur ce parcours très fréquenté. Mais notre maître du jour est, comme toujours, confiant et enthousiaste. « Selon moi, le BFS est particulièrement intéressant en lancer-ramener. La cuiller tournante est donc le leurre tout indiqué. Le gros avantage, si tu maîtrises bien la technique de lancer, c’est que tu peux avoir une cadence incroyable, m’explique-t-il, tout en prenant rapidement la température de l’eau. 12,4 degrés, c’est parfait pour l’instant, mais la fenêtre favorable risque d’être courte, car les eaux vont se réchauffer rapidement. » C’est parti. Au premier lancer, il décroche un poisson d’au moins 30 cm. Il relance juste un peu plus haut et au troisième passage attrape sa première fario. Un peu sous pression en raison du reportage, il se jette dans l’eau pour l’épuiser et l’assurer. 26 cm, ça commence fort !
Grosse cadence
Je suis impressionné par la dextérité de mon compère qui décoche des lancers en coup droit ou en revers à une vitesse stratosphérique sans jamais faire de perruques avec un leurre qui pèse pourtant moins de 5 g. C’est un spot très prometteur, juste en dessous d’un immense seuil, qu’Olivier prospecte ensuite. « C’est certain, il y a un gros poisson dans cette chute. C’est magnifique », me lance-t-il tout en restant concentré. Chaque recoin est donc peigné avec insistance, mais c’est un échec. Au-dessus se profile maintenant un grand pool. Sans renter dans l’eau, il commence par propulser sa tournante sur le bas du poste, puis il attaque la partie centrale en jetant dans le calme de la berge d’en face. Quelques tours de manivelle, un éclat surgit avec une tape franche. Le poisson est de belle taille et il est ramené fièrement. Verdict : 34 cm. La photo s’impose, car Olivier estime que c’est déjà un beau poisson. « Il y a des plus grosses dans le Fier, mais elles sont très méfiantes, me précise-t-il. Quand les débits sont faibles comme aujourd’hui, elles se prennent généralement en nymphe. Au leurre, c’est rare de les faire craquer. Je l’ai prise quand j’ai coupé la veine d’eau. Elle était en train de s’alimenter. » C’est en se concentrant sur les parties les plus courantes que notre Annemassien réussit à décaler un nouveau poisson juste sous un arbre. Il prendra une autre fario, mais de taille modeste.
Même en torrent
Quelques mois plus tard, nous sommes sur le parcours d’Avrieux, à l’entrée des gorges de l’Arc, considéré comme l’un des meilleurs de la fameuse vallée de la Maurienne. Il n’y a pas forcément de gros sujets, mais les densités de poissons corrects sont fortes et ils répondent bien aux leurres métalliques. Les paysages sont spectaculaires. « Un spot parfait pour tester le casting dans des eaux plus agitées », précise notre baroudeur qui, malgré la vraie fraîcheur matinale, entame la session en short, comme à son habitude. Le début du parcours est une longue ligne droite de 300 m assez plate. Olivier sait que dans ces conditions, il faut se concentrer sur les extrêmes bordures. Une première fario de 25 cm est prise rapidement, mais c’est la seule. C’est en arrivant vers le virage que nous comprenons : un pêcheur au toc nous devance. Une discussion courtoise s’engage pour essayer de se partager les berges. Le confrère italien nous explique qu’il arrête de toute façon, car il trouve l’ambiance « troppo fresco ». Bonne nouvelle pour le reportage !
Précision chirurgicale
Le courant est puissant et les farios ne sont pas franchement dehors. C’est donc en prospectant au ras des gros blocs que notre Haut-Savoyard, toujours fidèle à la cuiller tournante, va enchaîner trois nouvelles farios (28, 23 et 24 cm). Il utilise toutes les formes de prospection pour déclencher les attaques : vers l’amont bien sûr pour les premiers passages en bordure, mais aussi de travers pour obtenir le fameux arc de cercle, voire franchement vers l’aval pour faire du surplace près des obstacles en s’appuyant sur le courant. C’est d’ailleurs de cette façon qu’il arrive à capturer un joli poisson de 31 cm. Il est 10h30 et le soleil commence à éclairer la gorge. Cela renforce la couleur turquoise des eaux de l’Arc, si caractéristique des torrents à régime nivoglaciaire. Le spectacle est magnifique ! Olivier bondit de bloc en bloc. Il essaie de mettre son bras très bas de manière à pêcher le plus creux possible. Il parviendra ainsi à capturer trois farios dépassant les 30 cm. Une belle session, mais honnêtement, pour bien connaître le parcours, je ne crois pas qu’Olivier aurait pris moins de truites en pêchant en spinning, à leurre équivalent.
Une technique spécifique
Quand on observe Olivier au bord de l’eau, on a l’impression que tout est simple, mais il a pêché la truite en casting des centaines d’heures pour en arriver à un tel niveau de maîtrise, y compris en compétition où il avait d’ailleurs surpris ses concurrents. Il adore pêcher les petits torrents ou ruisseaux, mais il admet que ces biotopes restreints et souvent encombrés ne sont pas les plus faciles à exploiter en BFS, car il faut de la place pour « tirer », comme il dit.
Un matériel customisé
C’est donc une technique bien adaptée aux rivières moyennes, comme celles du reportage, où l’on peut rentrer dans l’eau et donc dégager un périmètre arrière vierge de tout obstacle. Le tambour tournant oblige à la fluidité des gestes du lancer et ne tolère aucune hésitation. Comme la technique n’est pas développée en France, il achète son matériel au Japon. Pour la canne, il a choisi ce qui se fait de plus court, pour les raisons évoquées au-dessus, à savoir 1,37 m, d’une puissance comprise entre 0,5 et 5 g avec un scion en carbone plein, ce qui est quand même original en casting. C’est au niveau du moulinet qu’il est le plus exigeant: il s’est procuré un Shimano spécifique BFS qu’il a encore amélioré pour lancer les petits leurres. Il a remplacé la bobine par un m o d è l e p l u s léger, changé les masselottes ainsi que les roulements de bobine par des modèles en céramique et à microbilles hyperperformants.
Des leurres privilégiés
Pour notre Savoyard, c’est vraiment avec la cuiller tournante que l’intérêt du casting est le plus prégnant. Malicieux, il se plaît d’ailleurs à associer matériel japonais ultra-performant et haut de gamme avec une simple cuiller Mepps, le leurre français traditionnel par excellence. Comme il n’y a pas de pick-up à rabattre, il peut ainsi mouliner dès l’impact et dans la continuité de son bras qui fait corps avec la canne. Une véritable machine de guerre pour attraper des farios. Le BFS peut être très intéressant avec des petits crankbaits ou des spintails, même s’ils ne font pas partie de son arsenal. Avec les poissons-nageurs coulants, c’est également jouable. En revanche, Olivier préfère nettement le spinning pour les micro-souples. Cela étant dit, il m’a prouvé que la démarche n’était pas totalement irrationnelle et que la cadence et la précision des lancers, à courte distance en tout cas, offraient un vrai confort et peut-être même un plus si la technique est parfaitement assimilée. Ce qui était le cas avec ce diable d’Olivier.
Son matériel
Canne : Troutia télescopique (Tailwalk)
Moulinet : Aldebaran BFS (Shimano)
Site Internet pour la personnalisation du moulinet : www.hedgehog-studio.co.jp
Nylon : Super Trout Advance 14,8/100 (Varivas)
Leurres : Aglia n°2 (Mepps), Weta n°2 (Caperlan), ARS 3,5 g (Smith)