Damien Ruesa : aux leurres durs, en moyenne rivière
Damien Ruesa est un pêcheur aux leurres exclusif qui ne pêche que les salmonidés.
Je considère Damien Ruesa comme l’un des meilleurs spécialistes de la traque des farios au poissons-nageurs. Berrichon, il habite une région qui n’est pas à proprement parler truiticole. Ceci explique peut-être cela. Il est souvent confronté à des densités de truites relativement faibles ce qui affûte sa technicité et ses compétences stratégiques d’autant qu’il n’hésite jamais à se déplacer sur des rivières éloignées comme l’Isère, la Dordogne, la Touvre, la Sioule ou la rivière d’Ain. Ses spots favoris sont les tronçons amont des rivières du centre de la France comme la Creuse, l’Indre, le Taurion, l’Arnon ou la Tardes.
Du matin au soir
Il fait chaque année l’ouverture aux leurres durs, seul ou en binôme, sachant pertinemment que la pêche sera très difficile en employant cette technique et cela jusqu’à mi-avril. « Mais je suis tellement heureux de pouvoir à nouveau faire nager mes leurres que je pêche en général du matin au soir, avoue-t-il. Je fuis les tronçons empoissonnés qui attirent du monde. » Damien accorde une grande importance au niveau d’eau qu’il va vérifier la veille. Pour le jour J, il essaye de choisir une belle rivière où les eaux ne sont pas trop hautes et teintées car les leurres durs sont pénalisés dans ces conditions. Si les jours précédents ont été particulièrement pluvieux, il se rabat alors sur les petits tributaires.
Plus creux
« J’utilise des poissons-nageurs, et parfois des tournantes, qui sont généralement un peu plus lourds que pour le reste de la saison, précise Damien. Je n’hésite pas à faire appel à des coloris plus flashy et des billes qui fonctionnent parfois mieux quand les farios n’ont pas vu de leurre depuis longtemps. » Damien pêche toujours légèrement plus creux à cette période de l’année mais reste globalement fidèle à sa stratégie habituelle : prospection vers l’amont avec des animations très agressives à proximité des caches pour provoquer les truites et les faire sortir. Comme c’est souvent compliqué, il joue tous les types de coups à fond. Il estime qu’il ne peut se permettre de rater un poisson à un endroit alors que la réussite de la journée tient à une ou deux prises.
Son ouverture réussie
Damien considère tout simplement qu’il a fait une assez belle ouverture quand il a pris un ou deux jolis poissons sauvages de plus de 30 cm. Avec un brin de pessimisme, il avoue tout de même que ce ne fut pas toujours le cas ces dernières saisons.
Gaël Even : au poisson-nageur, sur l'Orne
On ne présente plus Gaël Even, guide de pêche réputé, qui maîtrise à la perfection toutes les pêches aux leurres, notamment celle de la truite qu’il pratique avec succès en Normandie, sur le bassin de l’Orne.
C’est une tradition : Gaël Even fait toujours l’ouverture à domicile avec des amis. Il habite une région pluvieuse et les eaux sont plutôt hautes et teintées début mars. S’il attaque au toc, les années où les eaux ne sont pas trop piquées, il bascule aux leurres sur le coup de midi et se concentre alors sur les secteurs pas trop rapides et turbulents, ceux qui ressemblent aux fameux chalk streams anglais. À cette époque de l’année, les herbiers n’ont pas encore poussé et il est possible de leurrer quelques jolies farios sur les plages de sable ou les bordures. « Je prospecte en descendant la rivière et je prends soin, pour des raisons de discrétion, de ne pas entrer dans l’eau, précise Gaël. Je lance mon poisson-nageur trois-quarts aval et je lui fais remonter le courant. Je pratique avec une canne assez longue de 2,20 m, ce qui me laisse plus de marge pour s’éloigner des bordures, surtout quand il y a des talus. »
Canne basse
Ses choix de leurres se portent le plus souvent sur un suspending allongé de 5 cm qui ne brasse pas trop d’eau. Il le ramène sans animer, canne hyper-basse, ce qui permet de couper la veine d’eau moins vite. Gaël change parfois pour un minnow très coulant quand il doit prospecter une fosse plus profonde. Il anime alors plus énergiquement. Plus les eaux sont troubles, plus le leurre choisi est trapu et bruiteur (type crankbait) pour solliciter davantage la ligne latérale du poisson que sa vision. Les farios normandes, très pêchées, sont les reines des chandelles. Aussi pour limiter les décrochages, Gaël pratique toujours en nylon.
Son ouverture réussie
Gaël reconnaît qu’avec le temps, les truites sont devenues de plus en plus éduquées face aux poissons-nageurs. Quand le contexte est vraiment favorable pour ces pêches aux leurres, la prise d’une petite dizaine de poissons entre 23 et 32 cm est déjà considérée comme le résultat d’une très bonne journée.
Olivier Meira : à l'ultra-léger, en montagne
Olivier Meira réside près d’Annemasse, en Haute-Savoie. Depuis l’âge de 17 ans, il pêche la truite aux leurres exclusivement.
Le dada d’Olivier Meira, c’est de découvrir entièrement, canne en main et toujours sans waders, les moindres petits cours d’eau de sa région. On dit qu’il aurait ainsi épluché 80 % des torrents et ruisseaux de son département ! Olivier est un passionné de pêches ultra-light et les gros débits ne l’intéressent pas. À l’ouverture, sa stratégie va donc consister à trouver un petit cours d’eau aux eaux claires et basses. Si les jours qui précèdent ont été pluvieux, il n’hésite pas à monter dans des torrents situés à 800-1 200 voire 1 400 m d’altitude… quand il n’y a pas trop de neige. Si le temps est sec et froid, il préfère alors prospecter en ruisseau de plaine ou de piémont. « La température de l’eau sera plus clémente et les poissons plus actifs, surtout sur les zones ouvertes et ensoleillées, explique-t-il. La présence d’arcs-en-ciel ne me dérange pas et j’aime bien les taquiner au moins une heure ou deux… »
Son leurre de base
Olivier pratique toujours en nylon (14/100) avec des cannes très courtes de 1,20 ou 1,50 m pour effectuer des lancers sous la main super-rapides et ultra-précis. La cuillère tournante est son leurre de base et il opte souvent pour une n°2 car, début mars, les grosses palettes font réagir les truites. S’il n’y a aucune manifestation d’activité, son premier réflexe n’est pas de varier le type de leurre mais de changer de vallée. « Cela veut dire que la rivière est fermée ou qu’un pêcheur est passé, précise Olivier. En revanche, si la pêche est difficile mais avec quelques signes d’activité, j’essaye de m’adapter. Je ralentis au maximum mes récupérations et je pêche plus creux. »
Micro-souple aussi
Olivier passe parfois au micro-souple quand il faut gratter dans les recoins ou pêcher dans les minuscules tributaires des têtes de bassin. En fait, dans toutes les sections où la cuiller ne peut pas s’exprimer. Olivier avoue enfin ne sortir que très rarement ses poissons-nageurs à cette période de l’anné.
Son ouverture réussie
À l’ouverture, Olivier Meira ne pêche généralement qu’une demi-journée et plutôt l’après-midi. Dans ces conditions, la prise d’une douzaine de poissons sauvages dont un ou deux maillés (25 cm en Haute-Savoie) suffit à son bonheur. Pour lui, la taille des poissons est un élément secondaire, l’important ce sont les retrouvailles avec ses petites cannes et ses farios.
Sébastien Thête : grosses truites sur la basse rivière d'Ain
Sébastien Thête est un guide de pêche très affûté techniquement et très sympathique.
On apprécie tout particulièrement l’approche de la pêche de Sébastien Thête qui insiste sur la rencontre avec la nature, la convivialité et la pédagogie. Son parcours de pêcheur l’a rendu très polyvalent mais ce qu’il préfère aujourd’hui c’est la pêche aux leurres, notamment des salmonidés. Sa rivière de cœur est l’Ain et c’est là qu’il commence souvent la saison avec ses amis.
Toute la journée
« Pour l’ouverture, j’aime bien pêcher la rivière d’Ain quand elle est un peu haute, c’est-à-dire vers 100m3/s car il y a moins de pression de pêche, reconnaît Sébastien. Même hautes, les eaux sont claires car, en fait, le débit dépend davantage des lâchers que de la pluviométrie. » À cette période, Sébastien estime qu’il n’y a pas vraiment de créneau favorable et il pêche de toute façon dès le matin car cinq mois de sevrage l’ont rendu très impatient. Il se concentre sur la traque des grosses farios et son matériel et sa stratégie sont à l’avenant. Davantage pour des questions de poids, il pêche prioritairement aux poissons-nageurs coulants de grande taille pour bien descendre.
En alternance
« Ma canne mesure 2,40 m, j’utilise une tresse avec une pointe fluorocarbone en 25 voire 28/100 car je ne veux pas prendre de risque, précise-t-il. Je prospecte vers l’aval en alternant avec mon binôme car, on le sait bien, c’est souvent celui qui passe en premier qui prend. Je lance trois-quarts aval et j’imprime au leurre des tractions qui lui permettent de redécoller après chaque descente. » Sébastien indique qu’il anime souvent plus nerveusement en arrivant près de la bordure, car c’est souvent là qu’une fario suiveuse ou embusquée sous la berge va déclencher son attaque. Parfois, il lui arrive de passer un leurre souple assez lourd sur des postes très spécifiques, mais en général, il fait son choix en début de session et change peu. « Quand on ne connaît pas cette rivière par cœur, la principale qualité pour réussir aux leurres sur l’Ain, c’est le mental, rigole Sébastien Thête. Avec mes amis, nous l’appelons d’ailleurs la rivière aux mille lancers ! »
Son ouverture réussie
Avec Sébastien, cette journée d’ouverture doit être aussi un grand moment de convivialité qui peut se prolonger souvent en week-end. Même s’il pêche jusqu’au soir avec opiniâtreté, mettre à l’épuisette une belle sauvage de plus de 40 cm n’est en quelque sorte que la cerise sur le gâteau. La beauté des paysages, les casse-croûte et les échanges amicaux comptent tout autant pour lui dans la saveur de ce moment particulier.