Pour un pêcheur de truite, dès la mi-septembre, le moral peut être en berne. Se morfondre, lutter contre la dépression, reprendre à son compte la célèbre réplique d’Anna Karina dans Pierrot le Fou «Qu’est-ce que j’peux faire, j’sais pas quoi faire…» ? Pas question ! Il faut d’abord accepter cette pause, instaurée pour la bonne cause, car c’est durant ces mois d’hiver que se joue le renouvellement des populations de truites. On peut aussi, et bon nombre dont votre serviteur, ne s’en privent pas, traquer d’autres espèces, comme les carnassiers ou les bars sur la côte par exemple. Il est d’ailleurs intéressant de changer totalement d’univers, de technique et de se confronter à de nouvelles problématiques de comportement de poisson ou de contraintes de parcours.
Les plans d'eau
Mais il est également possible de rester actif dans l’univers truite pendant tout l’hiver. Une des options les plus évidentes est de fréquenter les parcours artificialisés, réservoirs pour la pêche à la mouche ou plans d’eau area notamment. Peu appréciés par certains, parfois dédaignés voire décriés par d’autres du fait de leur artificialisation, ils offrent pourtant la possibilité de continuer à pêcher la truite tout l’hiver et surtout dans des conditions qui peuvent demander une véritable approche technique. Évidemment, on n’y trouve que des truites de pisciculture, des arcs-en-ciel le plus souvent. Mais s’il est souvent facile d’en prendre quelques-unes, surtout si elles ont été introduites récemment, il en va tout autrement dès qu’elles y ont séjourné quelque temps et ont déjà été confrontées aux pêcheurs. Réussir une belle pêche dans ces conditions nécessite à la fois une véritable démarche stratégique et une bonne technicité. Il faut donc bien maîtriser différentes techniques et surtout savoir les mettre en œuvre en fonction des conditions rencontrées. De mon point de vue, ces parcours ne méritent certainement pas le dédain dont ils sont parfois l’objet. Dans le même ordre d’idée, d’autres types de parcours artificialisés ont vu le jour ces dernières années, dans quelques régions de France, mais en rivière cette fois-ci. Les plus intéressants présentent un profil proche de celui d’une première catégorie. Mais classés en seconde et bénéficiant d’empoissonnements en truites, ils permettent de pêcher tout l’hiver. Selon la réglementation, variable d’un parcours à l’autre, ils peuvent être pêchés à la mouche le plus souvent, au toc parfois, ainsi qu’aux leurres jusqu’à fin janvier.
S'occuper de son matériel
La révision et l’entretien du matériel sont évidemment deux choses importantes pour mettre tous les atouts de son côté pour la saison à venir. Et l’hiver est sans aucun doute la saison parfaite pour cela. Reste que c’est loin d’occuper les six longs mois d’interruption pour un pêcheur de truite passionné…
Aux leurres
Autre possibilité, fréquenter l’aval des parcours de première catégorie. Certains présentent en effet de beaux profils, courants et relativement diversifiés, et abritent des densités en truites qui ne sont pas négligeables. Et si elles n’y sont certes jamais vraiment nombreuses, elles y sont en revanche souvent de belle taille. La pêche à la mouche –en sèche en cherchant les gobages, en noyée pour ratisser les longs radiers ou en nymphe à vue ou au fil dans les quelques coups marqués– est toujours une option intéressante. Mais c’est évidemment aux leurres qu’on sera le plus à son aise pour prospecter efficacement ces longs courants et les postes profonds qu’on trouve généralement dans ces secteurs. Là encore, c’est possible jusqu’à la fermeture des carnassiers, fin janvier. Et tous les leurres –métalliques, à bavette ou souples– peuvent fonctionner ici. Reste à choisir le bon, selon les postes et les conditions du jour. Quant au toc, à la nymphe ou aux appâts, il peut être intéressant sur les courants suffisamment porteurs et les postes marqués, surtout près des structures pouvant servir d’abris.
Les bons secteurs
Outre les truites, ces parcours permettent aussi souvent de prendre chevesnes, vandoises, parfois barbeaux voire carnassiers selon la technique pratiquée, ce qui n’est pas le moindre de leur intérêt. Certains secteurs (Dordogne, Ain, Rhône, par exemple), quoique peu nombreux hélas, abritent en outre des ombres, très intéressants et très techniques à pêcher en hiver. Attention cependant, toutes les zones aval de première catégorie n’offrent pas les mêmes potentialités. Certaines sont bien trop plates et uniformes pour être intéressantes. Il est au contraire judicieux de cibler les secteurs les plus pentus (recherche des ruptures de pente s’il y en a), courants et diversifiés. Les portions répondant à ces critères ne mesurent parfois que quelques centaines de mètres, mais elles n’en sont pas moins intéressantes, bien au contraire. Dans certaines grandes rivières, à l’inverse, les secteurs intéressants peuvent être longs et offrir de belles possibilités.
L'hémisphère sud
Reste l’aspect éthique. Faut-il enquiquiner ces truites à cette saison alors que leur pêche est fermée ? Chacun aura son avis mais précisons que ces poissons ne se reproduisent que très rarement dans ces parcours puisque les véritables reproducteurs et reproductrices remontent généralement bien plus en amont pour cela. Dernière option possible, s’offrir un beau voyage dans l’hémisphère Sud où les saisons sont inversées et où la pêche des salmonidés bat son plein entre novembre et mars. C’est évidemment l’idéal pour retrouver les conditions de pêche de la truite que l’on aime, dans des rivières souvent magnifiques, peuplées de truites fario ou arc-en-ciel. Des poissons certes introduits il y a plus d’un siècle mais qui se sont depuis parfaitement adaptés et qui permettent aujourd’hui une pêche de grande qualité sur des individus 100% sauvages.
Un budget à prévoir
Les meilleures destinations sont bien connues, Nouvelle-Zélande, Patagonie chilienne ou argentine, vastes territoires encore très préservés et qui comptent d’innombrables rivières intéressantes pour la pêche. Gros bémol évidemment : le coût. Ces destinations éloignées impliquent un budget significatif, sans oublier le temps car on n’y part rarement pour un séjour de moins de dix jours. Mais cela peut constituer un objectif à s’offrir à moyen terme, pour un de ces voyages qui comptent dans une vie de pêcheur. C’est bien tout le mal qu’on vous souhaite !
A l'étau
L’hiver est la meilleure saison pour se mettre à l’étau et regarnir ses boîtes à mouches allégées par la saison écoulée, de manière à être fin prêt en mars prochain. C’est aussi le moment de faire le bilan des imitations qui ont fonctionné ou pas et d’en tenir compte. Le mieux est de faire des séries plutôt que de monter un peu de tout en changeant de modèle à chaque réalisation. Au début de la saison prochaine, on appréciera grandement ce travail amont !