Excellent pêcheur au toc, Vincent Dubourg utilise régulièrement les appâts traditionnels : patraque en début de saison et mouche naturelle à partir du printemps, y compris en grande rivière. Utiliser cette dernière dans ce type de parcours est une démarche qui me semble pour le moins originale et pour en savoir plus, je le retrouve aujourd’hui sur une de ses rivières fétiches, le Gave de Pau, du côté de Lourdes.
Son matériel
- Canne : Tournament Toc (Daiwa)
- Moulinet : ATR 65-G (Garbolino)
- Corps de ligne : Color Line (Pezon & Michel) 16/100
- Bas de ligne : Krepton (Milo) 12/100 (80 cm)
- Hameçon : Isada 50034 (Owner) n° 12
Eaux basses
Vincent, déjà prêt, scrute le Gave, dont les eaux sont très basses, comme souvent, depuis quelques années, en fin de saison. Les eaux très claires roulent sur un lit de galets, dessinant de longues veines de courant qu’il faut décrypter pour trouver les tenues des truites, souvent très localisées. Je sais combien Vincent apprécie la mouche naturelle, mais de là à l’utiliser dans ces conditions ? « Je l’utilisais beaucoup en petites et moyennes rivières, où cet appât est redoutable, m’explique-t-il. J’ai eu l’idée d’essayer dans des cours d’eau plus larges… et je ne l’ai pas regretté ! » Vincent parie en fait sur cet appât dès que les eaux baissent et s’éclaircissent, c’est-à-dire à la fin de la fonte de neige, soit début juillet dans le Gave de Pau.
Après quelques minutes de recherche, le voilà qui s’approche d’un premier courant, typique : tête rapide et turbulente, suivie d’un flux qui s’adoucit et ralentit à mesure que la profondeur s’accroît. Il déplie sa canne et installe son bas de ligne, par l’intermédiaire d’un émerillon. Débutant à environ 20 cm de l’hameçon, la plombée, constituée de plusieurs plombs n° 7 espacés de 1 cm, permet d’obtenir une présentation légère au-dessus du fond. « Avec la mouche naturelle, j’aime pêcher un peu décollé, confirme Vincent. L’appât ne doit surtout pas gratter le fond. »
En bordure d'abord
Guide-fil réglé à la hauteur souhaitée, en fonction de la profondeur du poste, Vincent commence par prospecter les veines de bordure, juste devant lui. Les truites se postent parfois près du bord, là où beaucoup de pêcheurs mettent les pieds, et il n’oublie jamais d’y mettre quelques coups de ligne. Première touche… manquée ! Et comme toujours avec la mouche naturelle, les touches éclairs ne pardonnent aucun retard au ferrage. Vincent ramène sa ligne… pas la mouche ! « La tenue sur l’hameçon n’est pas très bonne, avoue-t-il. On se fait souvent voler, il faut être hyper réactif ! » C’est une des subtilités de cette approche.
Le bon moulinet
À partir de l’été, Vincent utilise des moulinets de pêche au toc, y compris en grande rivière, pour leur légèreté et leur ergonomie. Il trouve en outre que les moulinets de type spinning poussent à pêcher loin, en négligeant parfois les courants proches, pourtant tout aussi intéressants. Il ajoute qu’à l’étiage, il est possible assez souvent de s’avancer dans l’eau, pour attaquer les postes éloignés.
Il se saisit du sac dans lequel sont stockées les mouches et en fait sortir une. Pour transporter ses précieux appâts, Vincent utilise en effet des sacs de conditionnement alimentaire, transparents et micro-perforés, qu’il ferme avec un simple élastique. Il apprécie leur transparence qui permet de contrôler l’état de son stock. Avec ce système, il lui est également facile d’extirper les dernières mouches, en fin de sortie, ce qui n’est pas le cas avec les boîtes traditionnelles. Ces sacs sont en revanche nettement moins pratiques pour intercepter la mouche qui en sort.
Amont-aval
Hameçon esché de nouveau, Vincent relance dans la veine d’eau de bordure où il a manqué sa touche. La ligne dérive, nouvelle touche, ferrage… mais ce n’est qu’une truitelle, vite décrochée et remise délicatement à l’eau. Il reprend sa prospection, sans résultat, puis s’avance pour prospecter un peu plus au large, le cœur de la veine de courant. Il repart un peu plus haut pour entamer bien en tête sa prospection descendante, la plus pertinente dans une rivière de cette dimension avec ses longues veines de courant. Lancer un peu amont, mise en place de la ligne lorsqu’elle arrive à sa hauteur, puis prospection sur plusieurs mètres vers l’aval en baissant progressivement la canne et en libérant le fil stocké dans sa main gauche, de manière à allonger au maximum la dérive.
Parfaitement contrôlée sans être tendue, la ligne file dans l’axe du courant, sans jamais le scier. Au troisième passage, en fin de dérive, Vincent ferre soudain ! C’est une jolie truite d’une trentaine de centimètres, en pleine forme et à la robe typique du gave, avec sa ponctuation noire abondante et très marquée. Quelques dérives plus tard, dans la partie profonde de la veine d’eau, Vincent ferre à nouveau, et annonce tout de suite « Beau poisson ! » En effet, la canne plie et la belle dévale sur une vingtaine de mètres. Vincent la suit tout en gardant la pression et réussit à la faire remonter. Le poisson garde le fond, donne des coups de tête, puis repart mais faiblit peu à peu… Vincent parvient à lui faire traverser le courant principal, puis à la maintenir en bordure. La belle se couche sur le flanc et glisse dans l’épuisette. Elle est magnifique, large, vêtue d’une robe sublime. Elle mesure 45 cm. Cela prouve que la mouche naturelle marche non seulement sur ce type de parcours mais y compris sur les belles truites.
De l'autre côté
Vincent en prend trois autres, maillées, dans cette veine avant de changer de secteur. Cinq minutes de route plus loin, il attaque un nouveau poste sans tarder et, sur le même schéma de prospection, prend deux truitelles en bordure, avant de manquer une touche en tête du courant principal. Concentré, il enchaîne les dérives et effectue des coulées parallèles de plus en plus éloignées de la rive. Il reprend une jolie truite, puis ferre un beau poisson qui se décroche…
Mais sans traîner, il change de mouche et reprend sa prospection. Au milieu de la veine de courant, d’instinct, il se montre plus insistant. « Elles y sont, elles sont là, s’exclame-t-il. J’en suis presque sûr ! » Et en effet, une dizaine de dérives plus tard, il met au sec un poisson d’une trentaine de centimètres. Après avoir prospecté la zone centrale sans résultat, Vincent insiste le long de gros blocs, sur la berge opposée cette fois. La veine d’eau est loin et pas évidente à peigner avec sa plombée légère. Le guide-fil marque néanmoins un arrêt, sanctionné par un ferrage instantané. La canne plie et une truite de près de 40 cm saute aussitôt, avant de se décrocher. La poisse… Vincent relance une nouvelle mouche. Le long des enrochements, la ligne change soudain de trajectoire. Encore un beau poisson qui saute une fois, deux fois puis dévale sur plusieurs mètres. Vincent parvient à lui faire traverser le courant principal. Arrivée au bord, dernier rush, dernier saut… et bing, la truite se décroche !
Confirmations
La lumière baisse nettement et Vincent s’active pour profiter de ces derniers instants. Il prend encore trois poissons maillés avant de plier. La démonstration m’a convaincu. Je confirme donc : les truites des grandes rivières apprécient bel et bien la mouche naturelle, qu’il faut désormais ranger parmi les appâts intéressants à partir de l’été. Et je confirme aussi : Vincent Dubourg est un sacré bon pêcheur !
L'élevage
Comme tous les vrais passionnés, Vincent élève chez lui ses propres insectes. Pour cela, il utilise des asticots de type gozzer, qui produisent des mouches plus grosses qu’il juge évidemment plus attractives auprès des truites. Il entretient plusieurs élevages en parallèle afin de toujours disposer de belles mouches bien fraîches.