Tout a commencé le 10 octobre 2022. À cette date, la fédération de pêche de l’Ardèche a formalisé ses demandes auprès des services de la préfecture du département en vue de l’arrêté de pêche 2023. Il s’agit d’une procédure classique. Les intervenants du monde de la pêche (y compris les FDAAPPMA) écrivent ce qu’ils aimeraient trouver dans l’arrêté de l’année qui arrive. Le préfet, sur la base de toutes ces demandes, va rédiger son arrêté qu’il rendra public courant décembre. En Ardèche, l’une des demandes fédérales portait sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui : la fédération voulait « rendre obligatoire l’utilisation de deux hameçons simples maximum et sans ardillon sur les cours d’eau et plans d’eau classés en 1re catégorie ».
Prologue et arrêté
Contrairement à ce qui pourrait être pensé de prime abord, ce n’est donc pas une surprise de Noël réservée par le préfet aux pêcheurs. C’est la fédération pour la pêche qui a fait ce choix précis. Contacté sur ce thème, Emmanuel Vialle, vice-président de la fédération de pêche de l’Ardèche, rappelle : « Ce n’est ni une demande nouvelle ni une décision unilatérale de la fédération. En réalité, cela fait maintenant trois années que cette demande d’interdire l’ardillon dans les eaux de première catégorie est formulée par certaines AAPPMA, à la demande des pêcheurs. Jusque-là, elle n’aboutissait pas. » Il ajoute encore que cette requête « a été formulée sous des mandatures différentes. Ce choix n’a donc rien d’une lubie de quelques-uns ». Ce que, avant, nous ne trouvions que dans des parcours no-kill devient la norme dans l’intégralité des eaux de première catégorie ardéchoises.
Tous pareils
Pour la fédération de pêche de l’Ardèche, c’est également une question de cohérence. Les parcours no-kill sont très nombreux dans ce département et le but était de généraliser les bonnes pratiques un peu partout. L’arrêté préfectoral, en ce qui concerne les nouvelles interdictions, a donc trois conséquences : pas d’ardillon, plus d’hameçons triples et seulement deux hameçons maximum par ligne. Exit les leurres armés de triples et ceux équipés de trois hameçons (y compris les hameçons simples). Idem pour les pêcheurs aux poissons morts maniés surarmés. Pour la pêche à la mouche, même conséquence : la noyée traditionnelle avec son train de trois mouches va devoir disparaître de la première catégorie. Piquer des salmonidés avec deux triples équipés d’ardillons n’est pas « no-kill friendly », c’est compréhensible. En revanche, la prohibition de la pêche en noyée avec trois mouches laisse un peu plus dubitatif. D’autant plus qu’il n’aurait pas été bien difficile de faire les choses autrement, la seule mention « sauf mouches noyées artificielles » autorisait la technique. Quatre mots suffisaient…
Une décision critiquée
À dire vrai, la décision n’a pas été accueillie de manière uniforme sur tout le territoire, comme nous aurions pu nous y attendre (même si une telle attente était bien naïve). Certains auteurs ont rapidement pointé du doigt une mesure qui, selon eux, est inutile ou, en tout cas, pas prioritaire voire relevant du marketing… De nombreuses lignes, plus ou moins pertinentes, ont été rédigées à cet égard afin de stigmatiser la perte d’énergie de cette fédération. Vu de l’extérieur, il faut bien admettre qu’on ne comprend pas totalement la critique. Tout ce qui va dans le bon sens devrait être loué plutôt qu’attaqué. D’autant qu’un travail n’en chassant pas un autre, nous osons espérer que la fédération de l’Ardèche a su imaginer cette interdiction tout en continuant de travailler sur d’autres problématiques environnementales (nous avons déjà la réponse, et c’est oui !) C’est d’ailleurs la seule chose qui dérange visiblement : la fédération de l’Ardèche !
Bien d'autres actions de terrain
Emmanuel Vialle évoque les travaux déjà réalisés : « Nous sommes sur le terrain et nos actions sont concrètes… nous agissons pour faire respecter les textes relatifs à l’environnement. Par exemple, en 2022, nous avons mené une action judiciaire pour qu’une construction non conforme soit démolie. Notre travail bénévole ne se limite évidemment pas à l’interdiction de l’ardillon ! C’est une mesure parmi d’autres qui était demandée par les pêcheurs ardéchois. » Il n’est d’ailleurs pas inutile, à la lecture des critiques parfois acerbes de cette mesure, de se demander si le débat qui en découle n’est pas un peu « café du commerce »… Les propos n’ont ni grande homogénéité ni grande cohérence.
Qui peut contrôler ?
Après les polémiques, revenons-en à nos moutons (juridiques). S’il est constaté que vous êtes en train de pêcher avec un ardillon, ou un hameçon triple, alors que ceci est prohibé, qui pourrait vous verbaliser ? Tout manquement aux arrêtés peut être relevé par des professionnels à qui la loi donne cette compétence. De très nombreux professionnels peuvent procéder aux opérations de contrôle et de verbalisation d’un pêcheur contrevenant. La liste est longue (pour les plus curieux, vous la retrouverez à l’article L437-1 du Code de l’environnement) mais, en résumé, cela peut théoriquement aller du commissaire de police au garde champêtre, en passant par l’agent des douanes et les autres agents de l’ONF. Ces corps de métier peuvent valablement relever l’infraction pour l’ardillon en Ardèche, dans les eaux de première catégorie, mais pas seulement. Ils ont tout autant compétence pour contrôler et verbaliser tout pêcheur qui a commis un manquement aux lois, aux règlements et aux arrêtés. Citons aussi les agents de l’OFB (autorisés par l’article L437-1, II., du CE) et bien sûr les gardes-pêche AAPPMA (article L437-13 du CE).
Les sanctions
Dans de très nombreux départements, deux types de sanctions peuvent être mis en œuvre en la matière : une peine purement pénale (une amende) et une peine purement civile (ce que l’on connaît sous le nom d’indemnité civile ou fédérale). La première, c’est un montant national, une amende de 450 euros au plus pour une contravention de 3e classe. Simple, clair et surtout applicable partout en France. La seconde, l’indemnité civile, est déjà plus opaque. Rappelons de quoi il s’agit : l’indemnité civile, c’est une somme que le contrevenant doit payer et qui revient directement dans les caisses de l’AAPPMA victime. Son montant n’est donc pas fixé par la loi, tout dépend de ce qui a pu être décidé au niveau local. C’est un peu l’équivalent de la constitution de la partie civile, mais sans aucune audience. L’indemnité civile peut remplacer l’amende dans certains départements. Elle peut aussi venir en complément… ce qui fait une note finalement assez salée. En d’autres termes : renseignez-vous sur la réglementation applicable et respectez-la, votre carte de pêche vous coûtera toujours moins cher que l’amende !