Parfois, il s’agit d’un seuil, parfois d’un barrage, d’une écluse, d’une retenue… Il faut l’avouer, aujourd’hui, rares sont les pêcheurs qui côtoient des cours d’eau sans un ouvrage transversal… Et pour cause! En France, pas moins de 100000 obstacles à l’écoulement ont été recensés sur notre réseau, soit une structure humaine répertoriée tous les deux kilomètres. Si la présence d’une petite retenue prise à l’échelle individuelle paraît négligeable pour le milieu aquatique, la vision d’ensemble est bien plus parlante, avec l’accumulation d’impacts directs et indirects qui, au fil du temps, influent sur le bassin tout entier.
Les poissons
Pour beaucoup de pêcheurs, l’effacement d’un ouvrage est directement lié aux poissons migrateurs, devenus de véritables espèces vitrines du retour de la continuité écologique. Les migrateurs comme le saumon, l’alose, l’anguille et la truite, sont directement touchés par la présence de ces structures. Seulement, un arasement ou un aménagement d’ouvrage sont aussi bénéfiques pour l’intégralité des poissons, mais aussi toute la faune aquatique. La grande majorité des espèces de poissons sont dans l’incapacité totale de sauter et quelques dizaines de centimètres de hauteur de seuil suffisent à bloquer systématiquement le libre transit au sein d’un cours d’eau. On s’imagine le plus souvent que ces barrières représentent un problème lors de la montaison, mais il en est de même pour une dévalaison, avec de graves blessures, voire des mortalités. En leur limitant ces flux, les structures leur imposent une restriction spatiale. On limite alors le potentiel d’accès à certaines zones de frayère, à des secteurs de nourrissage et des zones refuges comme des bras morts utiles en période de crues ou des fosses très recherchées durant les épisodes de sécheresse. En garantissant aux poissons les plus nomades la possibilité de rejoindre de nouveaux espaces, on favorise ainsi le brassage génétique entre les différentes populations présentes sur une rivière.
Le sédiment
Il est évident que le transit des espèces animales aquatiques est une chose très parlante et rapidement visible. Dès les premiers aménagements, la faune retrouve son cycle naturel avec des résultats positifs qui ne se font pas attendre. Les ouvrages infranchissables influent aussi sur le « non-vivant » et créent un déséquilibre dans la dispersion et la répartition des sédiments sur un bassin-versant. Leurs fonctions sont prépondérantes dans l’évolution et la santé d’un cours d’eau. Les blocs, les cailloux, le gravier, le sable… tous ces sédiments dévalent au rythme des variations de niveaux et des crues, et ce sont eux qui, avec le temps, façonnent les rivières grâce à une lente érosion naturelle. Leur libre circulation vers l’aval stabilise les écosystèmes en entretenant la qualité des habitats. En fonction de leur taille et de leur densité, la dépose sédimentaire et le temps de dévalaison peuvent être très variables. Chacun de ces sédiments, et ce, quelles que soient ses caractéristiques, a sa fonction et façonne lentement les rivières de la source jusqu’à la mer. Avec le temps, il sera à l’origine de la création de nouveaux habitats, comme des zones humides, des bras morts des plages, etc. Comme pour les poissons, un ouvrage agit sur la qualité circulatoire vers l’aval, générant une accumulation sédimentaire. Dans ce contexte, un cours d’eau se retrouve face à une modification de sa dynamique naturelle, avec une raréfaction des sédiments de grandes tailles accumulés par les retenues en amont, provoquant, sur les parties avals, une augmentation des matières fines. En se déposant sur le fond, ces particules fines accélèrent le phénomène de colmatage et favorisent l’envasement du lit des rivières. Les conséquences sont lourdes et engendrent l’uniformisation des habitats (érosion des berges, assèchement des zones humides et bras morts), une raréfaction de nombreux invertébrés aquatiques et la disparition de certaines espèces spécialisées.
Les paramètres
Les barrières artificielles touchent aussi considérablement la vitesse d’écoulement et favorisent la stagnation de l’eau. Au jour où le réchauffement climatique est plus que jamais d’actualité, ce ralentissement va favoriser les variations rapides de certains paramètres physico-chimiques, toujours plus néfastes durant la période estivale, avec des pics de chaleurs associés aux faibles débits d’étiage. Les écarts de températures peuvent être considérables, produisant certaines répercussions néfastes pour toutes les espèces d’eau fraîche. Parallèlement à cela, on assiste à l’augmentation du pouvoir d’évaporation, mais aussi à l’appauvrissement de la concentration d’oxygène dans l’eau.