« La population d’ombres communs est aujourd’hui au bord de l’extinction dans notre département », s’alarme David Fernandez, président de la fédération de pêche de l’Aude, membre du bureau de la FNPF et référent grand cormoran. Comme dans trois autres départements pilotes (voir encadré), des études robustes avec un protocole solide sont menées pour évaluer l’impact du grand cormoran sur certaines populations piscicoles. Rappelons que cette étude est l’une des conditions fixées par Bérangère Couillard, ex-secrétaire d’État en charge de l’Écologie, pour réautoriser les prélèvements de l’oiseau prédateur (lire notre dossier). Dans l’Aude, deux pêches d’inventaire ont été menées cette année. Les résultats sont sans appel.
Dans le Vaucluse, les tirs autorisés ?
Le Gouvernement, la FNPF et l’OFB ont identifié quatre départements pilotes dans l’étude d’impact du grand cormoran : l’Aude, les Vosges, le Lot-et-Garonne et la Haute-Loire. À ce jour trois départements ont reçu des autorisations de tirs à des fins scientifiques (prélèvements stomacaux, études vétérinaires…). Les tirs devaient démarrer sous peu. Mais la fédération de pêche du Vaucluse a traité le sujet à bras-le-corps en direct avec la préfecture, un projet d’arrêté était là aussi en cours d’élaboration pour le prélèvement de 70 oiseaux. Souhaitons que cette initiative départementale ne mette pas en péril l’étude officielle.
Une chute libre
Sur le secteur de Belvianes-et-Cavirac, sur 170 mètres de la rivière Aude, 748 individus avaient été comptabilisés en 2021. À l’époque, les tirs de régulation des cormorans étaient encore autorisés. Ils ont depuis été interdits. En 2023, dans les mêmes conditions hydrologiques, sans autre prédation et sans surpêche, la nouvelle pêche d’inventaire n’a permis d’identifier que 241 poissons… Entre-temps, « cinquante cormorans ont fréquenté le secteur entre novembre 2022 et mars 2023, précise David Fernandez. Toutes les classes d’âge d’ombres communs ont payé un lourd tribut à l’appétit du grand cormoran…il ne reste que trois adultes, le reste n’étant que le peu issu de la reproduction 2023. » Même chute libre sur le secteur no-kill de Campagne-sur-Aude entre 2019 et 2023. Une dizaine de cormorans ont été observés l’hiver dernier, ils se sont régalés. La perte de biomasse est là aussi très importante (voir tableaux)… Ces données n’étonnent personne : les pêcheurs affolés avaient déjà appelé le siège de la fédération pour signaler la disparition des ombres. « On ne veut pas effacer toute la population de cormorans, mais simplement la réguler sur certains secteurs clés », souligne David Fernandez.
Comptages et relevés stomacaux
Il est à noter que la truite fario semble moins impactée, l’oiseau prédateur ayant attaqué les espèces les plus vulnérables. L’ombre a tendance à se rassembler en bancs et n’est pas le premier à se cacher. Mais il y a eu beaucoup de truites blessées et stressées. L’étude départementale se poursuit maintenant avec des relevés stomacaux (les tirs d’une cinquantaine d’oiseaux ont été autorisés pour cet hiver) et des opérations de comptage (une apprentie a été embauchée spécialement pour cette mission). « Aujourd’hui, on est sur une sédentarisation des oiseaux même en montagne, un phénomène nouveau depuis trois ou quatre ans, avance déjà très inquiet le président de la fédération de pêche de l’Aude. Ils gagnent du territoire à l’intérieur des terres. »
Au ministère de jouer
Il est important de souligner que si l’OFB est partie prenante de cette étude d’impact, la LPO n’a pas souhaité y participer malgré les invitations répétées des pêcheurs : « On aurait aimé son engagement pour ne pas être attaqués sur l’intégrité des résultats », souligne la fédération. Un premier rapport a été remis à Sarah El Haïry, nouvelle secrétaire d’État à la Biodiversité, qui a remplacé Bérangère Couillard. « On a répondu aux interrogations, les conditions y compris réglementaires sont donc réunies pour prétendre à une reprise des tirs sur les eaux libres, martèle notre interlocuteur. L’impatience et l’incompréhension des pêcheurs sont grandissantes… La balle est maintenant dans le camp du ministère ». À noter que la FNPF a rencontré Sarah El Haïry et le courant est très bien passé : « elle est très mobilisée et très combative. Elle souhaite objectiver et assoir sa décision politique sur des éléments solides pour éviter les censures par les juges, nous a témoigné le directeur de la fédération nationale, Hamid Oumoussa. Elle connaît bien nos activités et nos préoccupations. C’est une adhérente d’AAPPMA ».