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Pêche à la mouche de l'ombre, en sèche en hiver

La fin de l’automne et le début de l’hiver se révèlent souvent très favorables pour rechercher les gros ombres qui se montrent bien actifs sur les rivières de deuxième catégorie lors de cette intersaison. Dommage que leur pêche soit fermée sur certains parcours à cette période de l’année.

Chaque année je ressens la même frustration lorsque la date de la fermeture de la pêche de l’ombre se profile à l’horizon sur ma chère Dordogne. Je me dis : « Dommage, les choses sérieuses commençaient vraiment ! » Je sais, je pourrais tricher un peu en faisant semblant de pêcher les chevesnes ou les vandoises au mois de décembre comme certains de mes amis, mais ce n’est pas vraiment « ma tasse de thé ». Je pourrais également regagner d’autres parcours dans le Puy-de-Dôme, la Haute-Loire ou l’Aude, où l’on peut continuer à pêcher ce poisson à la mouche jusqu’à la Saint Sylvestre. Pour être franc, je ne comprends pas bien les raisons qui motivent les fermetures locales à la mi-novembre sur certains parcours.

Les gros ombres sont, en hiver, très attirés par ce qui se passe en surface.
Crédit photo : Thomas Woelfle

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Protection des ombres pour assurer la tranquillité de leur reproduction ? Celle-ci se déroule au moins quatre mois plus tard. C’est comme si l’on fermait la truite début août ! Protection des frayères à truites en évitant que des pêcheurs en wading ne viennent les piétiner ou effaroucher les poissons ? On pourrait baliser ces zones de fraies finalement peu nombreuses en grandes rivières ou, pourquoi pas, interdire le wading sur certains secteurs. Ce qui est plus étonnant, c’est la diversité des approches selon les cours d’eau. Pourquoi autoriser ici et interdire ailleurs, au risque de concentrer les pêcheurs sur les rares parcours intéressants et encore ouverts ? Comment se faire à l’idée que l’on ne puisse plus pêcher à la mouche alors que d’autres peignent en toute légalité les bordures aux poissons nageurs d’une taille ridicule, prétendument à la recherche des brochets, et abîment ou tuent un grand nombre de truites ? Sans verser dans le passéisme et chanter le couplet du « C’était mieux avant », il serait peut-être judicieux de reconsidérer la question et laisser ouverte partout la pêche des ombres à la mouche en deuxième catégorie, jusqu’à la fermeture générale de la fin de l’année.

Ce jeune pêcheur est heureux, ce bel ombre pris en sèche avec un montage parachute est enfin dans l’épuisette.
Crédit photo : Thomas Woelfle

Durant les décennies où la pêche de l’ombre à la mouche restait ouverte jusqu’à la fin du mois de décembre, personne n’a constaté une baisse des conditions de reproduction de la truite et, pourtant, le nombre de pêcheurs d’ombres était tout simplement impressionnant dans ces années-là. Un autre argument pour prendre une telle initiative serait la présence de pêcheurs plus nombreux au bord de l’eau, plutôt que de déserter nos cours d’eau dès le milieu de l’automne en laissant le champ complètement libre aux cormorans. N’oublions pas que la présence humaine les dérange vraiment beaucoup et peut contribuer à limiter le prélèvement de ces grands oiseaux, qui ne se posent pas la question du choix de la mouche et ne pratiquent pas le No-kill. Ne perdons pas de vue le fait que l’ombre est une proie facile qu’ils privilégient sur les grandes rivières où il est encore bien présent. Il suffit de voir opérer ces funestes et merveilleux prédateurs sur une rivière comme la Dordogne pour comprendre de quoi nous parlons.

Un doublé de gros thymallus capturés avec un tout petit sedge taille 18.
Crédit photo : Laurent Guillermin

Des conditions particulières

Dès la fin du mois d’octobre, et de manière plus sensible encore à partir du mois de novembre, la diversité et la quantité des insectes présents baissent de manière significative. Cela ne veut pas du tout dire que la pêche en sèche devient inopérante, bien au contraire. Durant ces semaines où l’hiver s’installe peu à peu, les ombres cherchent de plus en plus à faire le plein d’énergie en vue de leur future reproduction. C’est donc pour eux une période très active. Or, le nombre de larves d’éphémères en activité, et en particulier les larves nageuses qu’ils ont l’habitude d’intercepter, baisse sensiblement. Ils se rabattent alors sur les larves de trichoptères et celles de certaines espèces d’ecdyonuridés « collées » au substrat rocheux et encore accessibles. Les moucheurs qui avaient ou ont encore l’habitude de pêcher les ombres en hiver savent également que, dès qu’il se produit la moindre éclosion, les ombres se mettent à gober. On a vraiment l’impression que les poissons sont à l’affût de toutes les opportunités qui se présentent à eux pour « faire le plein » et ont bien souvent les yeux tournés vers la surface. À ce jeu-là, les gros ombres ne sont pas les derniers ! C’est à mon avis la période la plus favorable pour prendre un très gros poisson en sèche. Parmi les ombres de plus de 50 cm que j’ai eu le bonheur de capturer en sèche, la plupart l’ont été entre le début de novembre et la mi-décembre. Je me souviens encore d’un doublé sur le haut du parcours d’Argentat et d’un autre à Port Magali…moments rares dans la vie d’un pêcheur chanceux !

Baétidés, chironomes, trichoptères mais aussi quelques mouches fantaisistes devront garnir votre boîte à ombres.
Crédit photo : Thomas Woelfle

Baétidés, chironomes et fantaisistes

La question qui vient bien sûr à l’esprit concerne l’identité des mouches disponibles à cette période tardive de la saison. Je serai tenté de répondre qu’il s’agit des très petits baétidés de deuxième (voire troisième) génération et des chironomes. Mais bien d’autres mouches peuvent les intéresser, même si elles ne semblent pas présentes en surface. C’est le cas de quelques petits perlidés gris ou encore de « trichoptères » minuscules. J’aime utiliser tous ces très petits modèles en fin de saison, même si je sais que parfois ils ne semblent pas du tout intéresser ces gros « pépères ». C’est alors qu’il faut oser les mouches « improbables », que l’on qualifie généralement de mouches fantaisistes car elles ne cherchent en rien à imiter un insecte aquatique répertorié. Elles sont originales à plus d’un titre et certains modèles cumulent ces originalités. D’abord au niveau de la forme. Ainsi les petits modèles à tag peuvent surprendre. Pourquoi ce tag intéresse-t-il ces ombres ? Le prennent-ils pour un sac d’œufs, même quand il est bleu, ou correspond-il pour eux à un morceau de cuticule, un bout d’exuvie qui pendouille ? S’agit-il d’un simple « teaser » qui attire la curiosité ? Personne n’a la réponse, mais parfois cela marche et c’est l’essentiel. Originales ensuite au niveau des couleurs. Le rose, bien sûr, tellement efficace certains jours. À d’autres moments, ce sera du mauve, du bleu électrique ou Roy, du vert menthol ou turquoise, du vert moiré en mélange avec du violet, que sais-je encore ? Des couleurs que la nature ne propose pas, en tout cas que l’œil humain ne voit pas dans la nature.

Les bagarres avec de gros ombres sont un régal, ici notre ami Alberto en action.
Crédit photo : Laurent Guillermin

La vision des couleurs

Mais qu’en est-il de la vision des ombres ? Voient-ils ces couleurs différemment ou ces couleurs, comme les tags, sont-elles purement incitatives, ce qui corroborerait l’idée que l’ombre est un poisson fantasque et très curieux, ce qui ne me paraît pas sa principale caractéristique. Après tout, la truite prend, elle aussi, volontiers des perdigones aux couleurs plutôt bizarres et pas très « naturelles » de notre point de vue ! Et pourtant personne ne trouve la truite fantaisiste. Je reste convaincu que nous ne connaissons pas bien la vision des poissons et l’interprétation des formes et des couleurs de leur cerveau. Toujours est-il qu’il ne faut pas hésiter à proposer aux ombres ces jolis petits bonbons sans a priori et en se souvenant aussi que ce qui a « marché » la veille peut se révéler totalement inefficace le lendemain, sans que l’on n’ait senti de modifications dans les conditions de pêche. Concernant la présentation de ces mouches de petites tailles que nous utilisons en priorité à cette période de l’année, au-delà des posés très détendus, voire en parachute, il faut trouver un bon compromis entre la longueur et le diamètre de la pointe et la taille des mouches et des poissons recherchés, forcément très gros bien sûr ! La pointe est nécessairement très longue, souvent plus de 2 m. Quant à son diamètre, personnellement, je ne « descends » presque jamais sous les 10/100, faisant beaucoup plus confiance à la longueur et à la qualité de la dérive qu’à la finesse de cette pointe. Il n’y a guère que sur des postes très calmes en utilisant des mouches « lilliputiennes », lorsque j’essuie des refus après avoir l’impression d’avoir présenté au mieux ce que je pense être la bonne imitation, que j’essaie en dernier recours une pointe en 8/100, avec tous les risques de casses au ferrage ou lors de la bagarre que cela comporte. Casses qui laissent toujours des souvenirs très amers !Vous l’aurez compris, je suis un adepte de cette pêche en sèche des gros ombres en toute fin de saison et souhaiterais qu’elle soit possible partout sur les rares parcours de deuxième catégorie où les ombres sont encore bien présents.

À la saison froide, rechercher l’ombre en sèche est une aventure passionnante.
Crédit photo : Thomas Woelfle

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