Pratiquer la pêche à la mouche sur des rivières de petite taille demande quelques ajustements, surtout lorsque l’on pêche principalement en moyenne à grande rivière (plus de 20 m de large). Il faudra, bien entendu, adapter le matériel, sa façon d’appréhender la pêche, soigner son approche, mais aussi savoir maîtriser tous les lancers que comporte notre belle discipline ! C’est une pêche de précision, de patience et d’humilité. Je trouve cette pêche très dynamique, toujours intéressante et formatrice et, bien souvent, couronnée de succès si l’on fait ce qu’il faut ! Bien se placer et adapter son lancer à chaque poste permet de mieux faire passer votre mouche.
Des avantages multiples
Le premier avantage est que les eaux s’y réchauffent plus rapidement que sur les rivières plus larges et profondes. La lame d’eau étant moins importante. Les insectes sortent donc plus tôt et, en conséquence, les aficionados de la pêche en sèche pourront pratiquer avec succès dès le mois d’avril. Les poissons ont également une période d’activité plus longue. Ils sont souvent moins sélectifs, d’autant plus si vous pêchez des secteurs rapides où les truites n’auront pas le temps d’analyser les imperfections de votre mouche ou de sa dérive. Toute la chaîne alimentaire sera en avance et les poissons le savent bien. Il faut donc en profiter. Le revers de la médaille, c’est que l’on pêche dans peu d’eau et que chaque détail compte. Les niveaux baissent également plus tôt et certaines de ces rivières seront difficiles à pêcher plus tard en saison. C’est une pêche de précision et de discrétion. Ici pas besoin de réaliser de longues dérives, néanmoins il sera très important de bien poser sa mouche sur des postes marqués et sans aucun micro-dragage. En sèche, il faut pêcher à courte distance pour favoriser la précision et la qualité de présentation. Les veines de courant sont plus nombreuses. Il faudra réaliser des dérives courtes. Car attention au dragage ! Les posés détendus sont souvent nécessaires et pas toujours faciles à réaliser dans cet environnement parfois hostile. Les lancers de type « wiggle » en serpentin, shoot vers le ciel ou avec mending aérien doivent être maîtrisés. Une autre solution consiste à rallonger sa pointe, mais ce n’est pas toujours évident dans de petits milieux.
Le trichoptère, une bonne base
En matière de mouches, privilégier les imitations de trichoptères en tout genre. C’est la mouche de base. Une sélection de deux ou trois modèles en trois tailles (14, 16 et 18), et le tour est joué. Quelques culs de canard gris, marron, olive et noir permettront d’imiter les principaux éphémères. Une touffe colorée (yarn ou autre) sur le dessus de la mouche facilitera son repérage sous un couvert végétal dense, plus sombre. Une poignée d’ORL, et, bien sûr, quelques mouches plus spécifiques qu’il faudra adapter en fonction de la saison et des éclosions du moment. Mouche de mai, sulfure, Ecdyo, « pléco », observez ce qui dérive. Mais, surtout, ne laissez pas de côté tous les terrestres que l’on emploie ici bien plus souvent qu’en grande rivière. En effet, ces petits cours d’eau sont bordés de bois, de prairies et la ripisylve est dense. Les insectes divers et variés des ordres des diptères, orthoptères et coléoptères sont légion et se retrouvent souvent à l’eau. Sans oublier les hyménoptères (fourmis), au cas où, en été. Les truites en raffolent! Si les poissons boudent la surface, la pêche en tandem y est souvent à la fois très efficace, mais aussi ludique. Ces rivières sont souvent moins profondes et le montage sèche-nymphe fait merveille. De plus, on garde une sèche avec quelques poissons qui monteront la prendre même si l’activité est limitée. C’est toujours plaisant. Vos nymphes passeront la plupart du temps dans une profondeur adaptée (que vous devrez trouver cependant en tâtonnant) et les prises devraient être rapidement au rendez-vous. Les pheasant tail et variantes, ORL, larve de sedge, imitation de baetis et nymphe à dominante noire, vous permettront de prendre des poissons en toutes circonstances en adaptant le lestage pour pêcher à la hauteur adéquate. Les billes de 2 à 3 minutes en laiton feront l’affaire. N’hésitez pas à changer souvent de longueur de bas de ligne (potence) entre les deux mouches, surtout si les postes varient beaucoup. Cela prend un peu de temps, mais cela permet parfois de mieux pêcher un coup plus profond et prometteur. Les belles truites aiment souvent les postes profonds et/ou encombrés. Pensez à ne pas emporter trop de matériel superflu et de boîtes, car la pêche y est plus physique et demande de pouvoir se mouvoir aisément. En effet, on pêche souvent accroupi, dans des postures inhabituelles et on crapahute ici et là afin d’être le mieux placé pour attaquer chaque coup.
Un lancer arbalète
La pêche en nymphe au fil est souvent très productive, mais pas toujours évidente du fait de l’environnement ambiant. Les cannes plus courtes sont à privilégier, sauf sur les parcours plus dégagés où une 10 pieds soie de 2 peut passer. Je n’emploie le plus souvent qu’une seule mouche, sauf en tout début de saison car les poissons sont souvent collés au fond. Je monte une mouche « lourde » en pointe qui rebondit sur le substrat et une mouche en potence, 20 à 30 cm au-dessus. C’est souvent très efficace. Où lorsque je souhaite présenter une toute petite nymphe peu ou non lestée dans une certaine profondeur ou dans un fort courant. La majorité du temps une seule nymphe permet de changer rapidement d’imitation et de limiter les accrochages fréquents dans ce genre de milieu. Les lancers arbalètes sont très souvent employés dans ce couvert végétal dense. Dans les rivières entre 8 et 15 mètres de large, on se retrouve dans des « mini » grandes rivières. Les postes lents et profonds et donc plus techniques sont à aborder différemment.
N’hésitez pas à vous arrêter et à observer pour savoir comment attaquer les postes et voir s’il y a de l’activité. Prendre quelques minutes est généralement bénéfique. Dans tous les cas, la pêche y est plus technique en matière de lancer. Même si, en grande rivière, il faudra savoir bien lancer loin et connaître quelques lancers spécifiques pour faire de belles et longues dérives. En rivière plus étroite et encombrée, le pêcheur devra savoir utiliser toute la panoplie des lancers à notre disposition. À commencer par le lancer revers, que bon nombre d’entre nous ne maîtrisent pas suffisamment par manque de pratique et par fainéantise. Ce lancer, assez simple, permet d’aborder des postes qu’il n’est pas possible de pêcher en lancer droit sans changer de berge. Vous me direz qu’en petite rivière ce n’est pas un problème. Vous avez raison, mais la discrétion étant de mise, il n’est pas conseillé de traverser à chaque poste ou presque. Pour cela il suffit de prendre un peu de temps hors saison pour s’exercer dans son jardin, un parc ou terrain de foot. Revers, revers en biais, revers horizontal. Chacun de ces lancers vous ouvrira de nouvelles perspectives, très intéressantes pour vos futures sorties de pêche. Je suis souvent très surpris de voir de nombreux clients, même expérimentés, qui ne savent pas du tout se servir de ce lancer pourtant basique et qui devrait être enseigné en même temps que le lancer droit, comme le faisait le regretté Jean-Louis Poirot. Le lancer roulé est encore une autre corde à rajouter à son arc, encore moins pratiqué par la majorité des pêcheurs. Il faut savoir lancer en roulé, que ce soit à 5 m comme à 10-15 m ou plus, en roulé revers ou en coup droit, en shootant de la soie. Avec différents types de posés, en étant précis et délicat. Cela se travaille, comme tout autre lancer. Le roulé ne permet pas de changer de direction, mais a l’avantage de permettre de lancer avec peu de dégagement. Ce qui est très utile en petite rivière. Avec quatre lancers principaux, il est possible de poser ses mouches partout et avec beaucoup moins de dégagement. Pour finir, un lancer qui paraît assez simple, mais qui est souvent peu ou mal effectué: le lancer arbalète! Que ce soit en sèche ou en nymphe, voire en tandem. En petites rivières notamment très encombrées, où se trouvent fréquemment de jolies truites, tranquilles, car peu sollicitées, ce lancer permet de déposer une mouche dans des trous de souris et avec une grande précision.
S'adapter, la clé du succès
Les maîtres-mots dans cette pêche en petite rivière, mais qui sont valables pour toutes les pêches finalement sont : observer, analyser, s’adapter. Lorsque l’on a compris que la pêche demande de mettre en place une stratégie évolutive, je pense que l’on a tout compris. En aucun cas il ne faut reproduire ce que l’on a déjà fait. Il est bon d’avoir un plan d’attaque, certes, mais il est indispensable de l’adapter en permanence à ce qui se passe sur l’eau et à votre environnement, que ce soit sur une rivière que vous connaissez par cœur, comme dans un nouveau coin. Vouloir reproduire ce que l’on a fait la veille est souvent synonyme d’échec, ou en tout cas de passer à côté d’une partie de la pêche du jour, voire du moment. Les conditions changent tous les jours et plusieurs fois par jour, ne serait-ce que par la température de l’air et donc de l’eau, la lumière, la présence ou l’absence de soleil, la pression atmosphérique, etc. Chacun de ces facteurs influence les éclosions, l’activité des poissons, les postes à privilégier, et donc la pêche. Sur ces petits cours d’eau, vous n’aurez pas le droit à l’erreur. Les poissons peuvent être craintifs car nous les attaquons généralement de près. L’approche représente à mon avis 50 % de la réussite. Évitez de marcher dans l’eau si cela n’est pas nécessaire. Marchez très doucement sans faire de vague et de bruit. Sachez vous servir de votre environnement pour vous camoufler. Il est souvent possible de prendre des truites à une longueur de canne! N’hésitez pas à aller chercher les truites dans les postes compliqués, là où personne ne va. Si vous vous accrochez, vous pourrez de toute façon aller chercher votre mouche. Les grosses truites aiment les coins encombrés, profonds, à l’ombre. Allez les débusquer! Choisir pour chaque « bon » poste le lancer adéquat, le type de posé et la longueur de dérive peut faire une grosse différence. La première dérive est souvent capitale. Généralement bien plus que le modèle de mouche. Alors concentrez-vous et appliquez-vous !
Parlons matos !
Les cannes courtes de 6 à 8 pieds d’action semi-rapide sont souvent la norme, pour soie de 2 à 4. Parfois une canne de 9 pieds permettra de mieux pêcher les secteurs très rapides (éviter le dragage), ou encore en arbalète (pour lancer plus loin). Les soies WF courtes « spéciales » pour les petites rivières sont un must. J’utilise la Rio Dart ou Creek qui ont été conçues pour ces pêches. Un moulinet léger et mat pour éviter d’effrayer les poissons. Tout comme une tenue sombre ou camouflage pour être invisible ou presque. Un bas de ligne ni trop long, ni trop court. Trop long, vous ne pourrez le développer correctement. Trop court, les dérives seront moins bonnes. Il faut pour chaque technique et largeur de rivière se faire un bas de ligne adapté. Le modifier en cours de partie de pêche. On consomme souvent plus de nylon dans ces petites rivières car il faut sans cesse s’adapter. Pour la sèche, nymphe plaquée, tandem, j’utilise personnellement un bas de ligne dégressif, rapide, d’une longueur et demie de canne, avec une cassure au niveau de la prépointe pour ralentir le posé. Pour cela, je descends de 5/100 sur le maxima chameleon, et je réduis chaque brin de 10 cm entre le 45 et jusqu’au 20/100 où je réalise une micro-boucle. Puis faire une prépointe en 18/100 (si pointe en 15) pour un posé plus délicat, ou pas de prépointe pour un posé plus rapide, ou 15 (avec une pointe en 12) plus longue avant la pointe de 1 à 1,5 m en nylon.