On parie sur la sèche comme Didier Magnan
Faire l’ouverture en sèche peut parfois se révéler être le bon pari. Pour peu que le niveau des eaux ne soit pas trop élevé et que les conditions météorologiques restent assez clémentes, on peut toujours espérer voir quelques gobages sur certains secteurs favorables.
Les jours précédant l’ouverture donnent de bonnes indications sur les possibilités de faire son ouverture en sèche. On privilégiera la prospection des secteurs favorables aux éclosions et à l’activité de surface, secteurs souvent bien différents de ceux à prospecter en nymphe au fil, surtout en grandes rivières. Pour ce qui concerne les mouches que l’on peut espérer voir voleter, nous pouvons nous limiter à quatre types, et équiper nos boîtes en conséquence : les March Brown, les « olives » (Baetis rhodani et espèces proches), les petits plécoptères ainsi que les chironomes.
March Brown en fin de matinée
Tous les pêcheurs rêvent bien sûr d’éclosions massives de March Brown à la période de l’ouverture. Sans entrer dans d’interminables débats d’identification, rappelons qu’au départ, ce nom de March Brown est réservé à Rhithrogena germanica. Par extension, certains éphémères de la famille des heptagéniidés sont également qualifiés de March Brown. C’est le cas de Rhithrogena gracianopolitana (plus petite et plus sombre) et de certains ecdyonuridés, comme Ecdyonurus macani. Quant au genre Rhithrogena (pour les spécialistes) il se caractérise par la présence d’une tache brune bien visible sur le fémur des pattes postérieures et intermédiaires. Les éclosions de March Brown ont lieu en fin de matinée et en tout début d’après-midi, particulièrement les jours un peu couverts et pas trop ventés. Elles ne durent que peu de temps, et il convient donc de savoir où se placer en les attendant.
Cherchez les "lisses" assez profonds
Les postes caractéristiques correspondent aux « lisses » assez profonds sur des fonds de galets et/ou de graviers, en aval des grands blocs ou près des zones rocheuses des rives. C’est le stade « subimago » qui intéresse le plus les truites, et ces mouches se caractérisent par une taille assez grande (hameçon 14), un abdomen brun caramel (femelle) à sépia (mâle) et des ailes brun roux à gris loutre. Plus le secteur est calme, plus on utilisera des modèles imitatifs. Les « olives », quant à elles, sont bien connues de tous. Leur éclosion peut parfois s’étaler sur plusieurs heures dans l’après-midi. Les stades « émergents » et subimagos sont là encore très prisés par les poissons. Il s’agit de mouches de taille moyenne (hameçon 16), et il existe de très nombreuses imitations efficaces (pensez aux modèles en oreille de lièvre pour le stade émergent). Les plécoptères de petite taille (genre Taeniopteryx) sont également très présents à l’ouverture dans les zones caillouteuses à courant assez vif, surtout dans les régions montagneuses. On les imite valablement avec un modèle dépouillé à aile rabattue (type sedge peu fourni sur hameçon 16) dans des coloris brun-gris foncé à reflets rouges (February red). Les chironomes enfin, présents toute l’année, sont consommés en quantité par les truites. En début de saison, on privilégiera les modèles assez clairs. La clé d’une ouverture réussie en sèche repose sur la capacité à trouver un endroit favorable aux éclosions et à se montrer très réactif et immédiatement opérationnel.
En noyée, avec Thierry Millot
Durant toute mon adolescence de pêcheur à la mouche, la période de l’ouverture et des deux ou trois semaines suivantes était ponctuée de pêche à la mouche noyée. C’est toujours le cas, mais en pêchant avec son temps, c’est-à-dire : aux oubliettes « la noyée à papa ».
Pour la plupart des pêcheurs de ma génération, ayant appris à « moucher » dans les années 1970, pêcher en mouche noyée fait partie de nos bagages, car à cette époque utiliser des nymphes n’était pas encore d’actualité, ou si peu. Par la suite, comme un certain nombre d’entre vous, je me suis laissé dévorer par le démon de la nymphe dès le début des années 1990, laissant lâchement tomber ces mouches noyées m’ayant apporté tant de plaisirs. Mais voilà que, le naturel revenant au galop, je repris les rênes en main et, depuis plusieurs saisons, je pratique autant en noyée qu’en nymphe.
Une technique plus subtile qu'il n'y parait
Plaisirs retrouvés de ces dérives particulières et sensations de ces touches des plus brutales aux plus délicates. Toutefois, pour qu’il y ait ces plaisirs de l’action de pêche réussie et de la capture d’une belle truite, il doit y avoir de bons préliminaires… J’arrêterai là mes allusions charnelles. Venons-en aux faits. Il ne suffit pas de plaquer un train de mouches noyées en travers d’un courant pour enchaîner les prises, c’est plus subtil que cela. Cette technique demande d’abord de bien analyser les zones de pêche, profondeur, vitesse et typologie des courants, faciès de surface et du substrat, tenues potentielles des poissons et de leurs caches. Cette analyse essentielle déterminera la façon de faire dériver son train de mouches plus ou moins rapidement, de jouer avec les courants pour pêcher plus ou moins profond. Animer ou non les mouches, repérer ou sentir les touches en jouant avec le bas de ligne et la soie. La pêche en noyée demande précision et concentration lors de la conduite de son train de mouches, pour optimiser ses chances de captures. Encore plus en tout début de saison, lorsque les salmonidés sont peu actifs, où il faut aller les chercher au plus près de leurs postes et de leurs caches.
En tout début et fin d'éclosions
C’est donc en mariant mes expériences de « nympheur » et de pêcheur en noyée « d’antan », que j’ai développé et que j’affine encore la technique que j’utilise actuellement. Elle est basée sur l’usage de mouches lestées que ce soit en pointe comme en potence, montées sur un bas de ligne court de 2,5 m à 3 m. Les mouches sont espacées de 40 cm pour des pêches profondes (+/-1 m) ou zones rapides, jusqu’à 60 cm sur zone semi-rapide et/ou de profondeur moyenne (+/-50 cm). Actuellement, j’aime beaucoup utiliser un kit passe-partout, constitué d’une canne d’action semi-parabolique de 10 soie 2/3 avec une soie WF3 flottante. Concernant les mouches, vous avez peut-être vu celles présentées dans mon article « La noyée 2.0 » paru dans le n° 137 (page 38), ce sont des hybrides de noyée et de nymphe, simples et attractives. Je vous présente ici deux noyées d’ouverture, pouvant être redoutables lors des émergences de mouches emblématiques du début de saison, la March Brown (brune de mars) et la baétis (petite olive). Je les utilise particulièrement en tout début ou fin de l’éclosion, et lorsque les farios ne gobent pas malgré la présence de ces éphémères en surface. Avec ces imitations, en fonction de la durée de dérive, j’effectue une ou plusieurs phases d’animation, pour faire remonter les mouches vers la surface, ce qui a souvent un effet provocateur d’attaque de Salmo trutta (truite fario). « Le Colonel », personnage des plus classiques, m’ayant appris les rudiments de la noyée il y a 45 ans, doit être « vert » de me voir, d’où il est, pratiquer ma version moderne de cette technique. Mais je suis sûr qu’il doit être fier des belles captures que je fais, grâce à la voie qu’il m’a tracée, avec sa canne parabolique et son train de trois mouches. Je vous souhaite une excellente nouvelle saison, et qu’on espère sans gestes barrières, avec nos salmonidés…
March Brown
Hameçons : Courbe hampe longue, taille 10, 12
Fil de montage : marron 6/0 JMC
Corps : dubbing antron march brown
Cerclage : fil de cuivre fin
Cerque : point fibres faisan
Aile : fibres plume paonne twistées
Lestage : bille tungstène cuivre
Baétis
Hameçons : droit JMC DR30 BL, taille 10, 12
Fil de montage : noir 6/0 JMC
Corps : vinyl rib gris+olive
Aile : perdrix brune
Lestage : bille tungstène noir
Nymphe au fil pour Herlé Hamon
Après deux années particulièrement compliquées pour assouvir notre passion, entre confinement et stress de nouvelles mesures. Être à nouveau au bord de nos rivières préférées va être un soulagement pour nombre d’entre nous.
Ces derniers mois ne m’ont pas permis beaucoup d’évasions à l’étranger mais m’ont offert l’opportunité de passer plus de temps au bord de l’eau en France, de pêcher avec des amis et de faire de belles rencontres halieutiques avec notamment certains membres de l’équipe de France de pêche à la mouche que je vous ai présentés dans les numéros précédents. J’ai ainsi pu peaufiner certaines pratiques et notamment la nymphe au fil qui est certainement la technique la plus populaire aujourd’hui sur nos cours d’eau et la plus efficace quand elle est maîtrisée.
Pêchez lourd s'il le faut
C’est donc « au fil » que je ferai mon ouverture cette année, comme les dernières saisons d’ailleurs, depuis que j’ai la chance d’être aux portes des magnifiques Pyrénées et de ces superbes rivières. Si les conditions météorologiques et hydrauliques le permettent, je choisirai sans doute un assez grand cours d’eau pour tenter de faire quelques jolis poissons. Dans les zones montagneuses soumises à la fonte des neiges, l’ouverture est généralement un bon moment pour pêcher au fouet. Avant que les gelées matinales ne cèdent leur place aux températures clémentes du printemps et provoquent une débâcle qui nous oblige pour un temps à ranger nos fouets au placard ! Si les eaux sont hautes, j’opterai pour une 10,6 soie de 4 et si elles sont basses je passerai en soie de 3 pour utiliser des nymphes plus légères et avoir un peu plus de sensibilité. Je n’hésite pas à pêcher « lourd » quand j’ai face à moi une veine d’eau puissante et profonde. J’ai dans mes boîtes de nombreuses nymphes avec des casques de 4 à 6 mm classiques et en forme de goutte et aussi quelques gros corps « Javi » en tungstène, le 4 mm faisant tout de même un gramme… Bien entendu, ce genre de « parpaings » n’est pas ce qu’il y a de plus agréable à utiliser mais parfois c’est le seul moyen de déloger une grosse fario calée au fond de sa fosse dans les eaux glacées du début de saison. Assez peu de pêcheurs ont ce type de nymphe dans leurs boîtes mais parfois un casque en 4 mm tungstène « classique » dérive bien trop vite et ne permet pas d’être efficace ou de faire pêcher notre mouche de potence même s’il s’agit d’une autre bille de 4 mm… Les artificielles très plombées font plus peur à certains pêcheurs qu’aux truites, je peux vous l’assurer !
Deux soies valent mieux qu'une
Pour le reste du matériel je pêcherai sans doute à l’aide d’une soie type « compétition nymphe » c’est-à-dire très fine, en général de 0,55 à 0,60 mm pour lancer facilement son train de nymphes et favorisant le contrôle de la dérive à distance. Ces soies ne permettent pas en revanche de pêcher correctement en sèche et j’aurai donc un autre moulinet équipé d’une soie WF 3 flottante en cas d’éclosion en début d’après-midi, histoire de pouvoir changer rapidement mon fusil d’épaule tout en gardant la même canne. Prendre un poisson en surface dès l’ouverture est quand même un grand moment et il ne faut pas passer à côté si l’occasion se présente. Le bas de ligne « nymphe » fera un peu plus de deux fois la canne et sera dégressif. Je finirai par un brin d’une quarantaine de centimètres en nylon fluo en 18/20 centièmes sur lequel j’attacherai un micro-anneau. Il ne restera ensuite qu’à mettre la pointe en 12 ou 14 centièmes suivant la taille des nymphes que j’utiliserai. Sa longueur devra s’adapter à la profondeur des secteurs que l’on pêche, le micro-anneau permet de gérer cela assez facilement sans passer son temps à raccourcir son bas de ligne ! Vous pouvez bien entendu opter pour une pointe passe-partout dans ce cas mieux vaut la faire un peu plus longue que trop courte. Le nylon fluo qui vous sert d’indicateur doit se trouver normalement juste au-dessus de la surface pour détecter les touches au plus vite. À vous donc d’adapter cette pointe au profil de rivière que vous avez choisie. En attendant, je vous souhaite à tous une excellente ouverture et j’espère que nous pourrons profiter pleinement de notre Mère Nature cette saison.
L'option sculpin, le choix de Jean-Baptiste Nurenberg
Si dans de nombreux autres pays, la pêche de la truite au streamer fait l’objet d’une utilisation spécialisée arrivant même devant la pêche en nymphe, en France cette stratégie de prospection peine à s’installer dans les mœurs… À tort ! À l’ouverture, période charnière durant laquelle le pêcheur doit souvent se référer à sa polyvalence, le streamer présente des qualités d’approche indéniables, avec à mon sens un modèle qui se dégage particulièrement du lot : le sculpin !
C’est une réalité, l’essentiel de la réussite dans la pêche à la mouche repose sur la capacité à stimuler la prise alimentaire, en imitant, animant… Le streamer fait alors office d’exception, puisqu’il demeure aujourd’hui la seule et rare option dans notre technique où l’on joue sur plusieurs traits de caractère. En effet, il nous permet d’attaquer un poisson sous un angle différent en exacerbant cette fois-ci son instinct territorial. L’irrégularité des phases d’activité durant les parties de pêche du début de saison favorise grandement l’utilisation de moyens déclencheurs d’attaques réflexes ou stimulant l’agressivité. La réticence naturelle des gens face à la découverte de la pêche au streamer est avant tout culturelle, résultant le plus souvent d’idées reçues… Les sculpins, par leurs actions de nage et leurs caractéristiques, sont dotés d’une incroyable polyvalence. La simplicité d’utilisation procure souvent des résultats rapides favorisant ainsi la découverte passionnante de la pêche au streamer.
Un poids conséquent
À la différence des modèles plus traditionnels, ils se démarquent par leur poids conséquent et réparti sur la partie avant. Cette capacité de pénétration et de descente rapide dans l’eau leur permet d’atteindre rapidement la strike zone. La forme représentative de la tête large et plate imite parfaitement celle d’un chabot. Au-delà de l’aspect imitatif du petit et discret poisson de fond, ces streamers offrent une action de pêche rapide, quels que soient les profils de parcours, et ne nécessitent pas forcément l’utilisation d’un matériel particulier (soie plongeante, polyleader…). Une fois immergé, le sculpin est immédiatement équilibré avec sa pointe en position haute. Cela devient un réel avantage pour les prospections en milieu encombré et celles sur le fond. Son corps, essentiellement composé en lapin, confère une nage très réaliste quelles que soient la vitesse de récupération ou les conditions. Si les actions de pêche et les animations sont nombreuses, je retiens personnellement quatre techniques de prospection universelles et complémentaires.
Trois quarts aval : cette technique s’adapte au quadrillage sur les secteurs plutôt uniformes des moyennes et grandes rivières. Le streamer suit une trajectoire courbe vers l’aval en restant le plus souvent décollé du fond. Il suffira petit à petit d’avancer pour, lancer après lancer, décaler l’axe de prospection. Un ou plusieurs mendings successifs permettent de donner du mou au sculpin afin de retrouver de la profondeur.
Aval amont : cette pratique s’accorde aux petites et moyennes rivières, dans les zones cassées par le courant. Que ce soit derrière le caillou, dans les retournes, sur les bordures, dans les trous… C’est une approche similaire à la pêche aux leurres, dans laquelle la subtilité résulte dans la qualité de la prise de contact et de la récupération.
À tricoter : sur les secteurs les plus calmes, le sculpin permettra d’aller chercher des poissons totalement sur le fond. On joue là sur une attitude imitative du streamer par de lentes et courtes animations. La moindre perturbation de courant accentuera le comportement naturel du leurre. La qualité du bas de ligne est un point sensible dans la pêche au sculpin. La pêche sur le fond a un impact sur l’usure prématurée… Prudence !
Sous la canne : c’est une pratique particulière, très simple, qui cible les poissons postés dans les veines d’eau assez puissantes. On opère alors de la même manière que sur la pêche en nymphe lourde, en gérant la dérive du sculpin sous la canne.