Même si je connais Mathieu Le Bouter depuis plusieurs années, lorsqu’il m’a proposé une sortie sur la chaussée d’Ar-Men, en mer d’Iroise, je n’ai pas caché une petite appréhension tant ce coin mythique est inquiétant. Mais comment refuser ? Une partie de pêche ici, en effet, ça ne s’improvise pas. La météo doit être favorable, la mer la plus calme possible, les coefficients de marée pas trop élevés (entre 40 et 60)… Bref, il faut compter sur un bel alignement des planètes, ce qui semble être le cas le jour dit.
Petite marée
Avec Mathieu et son ami Fabien, nous larguons les amarres depuis Audierne. Le paysage est à couper le souffle. Sur notre droite, j’aperçois la pointe du Raz, site emblématique, avec ses deux sentinelles, la tourelle de la Plate et le phare de la Vieille balisant le raz de Sein. Le coefficient est faible et nous sommes à la dernière heure du jusant, tout est calme. Mais gare au réveil de la marée ! Par forts coefficients, ce secteur devient une véritable bouilloire. Nous laissons sur notre droite l’île de Sein pour approcher la chaussée d’Ar-Men, véritable éperon sous-marin, prolongement des formations granitiques de la pointe du Raz, continuité immergée de l’île de Sein. Relativement étroite, cette barre rocheuse constitue une barrière naturelle entre sud et nord bretons mais aussi un habitat exceptionnel pour les poissons. On considère que dix à quinze espèces fréquentent les lieux !
«Les fonds vont de 10 à 35m, précise Mathieu. Puis ça tombe à 60m sur chaque versant!» Un peu plus loin, le phare d’Ar-Men, perché sur son rocher, en pleine mer, attise nos regards. Ses abords sont riches en beaux lieus notamment. Pour la pêche, je m’en remets à Mathieu, excellent guide et fin connaisseur de la zone. Aujourd’hui, avec un coefficient de 55, nous pouvons pêcher sur la chaussée et prospecter les tombants. Mathieu annonce la couleur: ce sera jig métallique effilé, slow jigging et inchiku. Avec le jig métallique, il est en effet possible de toucher une grande variété d’espèces: lieu et bar apprécient et vieille, grondin, dorade rose et pagre n’y sont pas insensibles. Néanmoins, pour le beau lieu, Mathieu préfère opter pour un bon gros leurre souple. Il a également une nette préférence pour le casting, surtout pour les pêches verticales et notamment quand il s’agit de bien animer un jig métallique.
Incassables !
Par plaisir, il aime fabriquer son propre matériel. Pour les cannes, il utilise des blanks RodHouse en fibre de verre (voir encadré). «Leur action parabolique est idéale pour la pêche du lieu en slow jigging qui demande des animations douces, rappelle-t-il. Et ces blanks sont quasiment incassables, ce qui est intéressant avec les pêcheurs débutants que je guide souvent!» Effectivement, les risques d’accrochage, en pêchant sur la chaussée et les acores, sont importants même si les jigs métalliques sont armés d’hameçons chance. Un ou deux hameçons simples pendent en tête du leurre, ce qui permet de limiter les risques d’accrochage dès qu’il touche le fond. Mathieu contrôle la descente de son leurre avec le pouce, freinant légèrement la bobine de son moulinet. La tresse étant en tension légère en permanence, il lui est possible de bien détecter la touche et de ferrer rapidement et énergiquement. «Ce contrôle manuel avec le pouce est très important car la touche a souvent lieu à la descente, confie Mathieu. Les lieus ne se tiennent pas toujours au fond, ils peuvent être une dizaine de mètres plus haut, au-dessus des laminaires.»
Son matériel
- Bateau : Prophil 600 (Soud Alu 17)
- Moteur : 115CV (Suzuki)
- Moteur électrique : Ulterra 112 lbs (Minn Kota)
- Sondeur : Helix 10 (Humminbird)
- Cannes : Spg 842 et Spg 783 (Rainshadow Batson)
- Moulinets casting : Lexa 300
- (Daiwa) ou Tranx 300 (Shimano)
- Moulinets spinning : Biomaster (Shimano), Caldia (Daiwa) 4000 et 5000
- Tresse : J-Braid (Daiwa) 15-30 lbs
- Leurres (maison) : jigs, flutter jigs 100 à 200g, inchikus 80 à 140g
Une allure naturelle
Contrairement à l’animation d’un jig effilé dont l’objectif est de traverser au plus vite la colonne d’eau, la technique du slow jigging demande une animation plus lente et plus douce. Les cannes en fibre de verre sont parfaitement adaptées à cette approche. L’animation consiste à réaliser des tirées assez amples puis à laisser redescendre le leurre mais sans le brider, de telle manière que son comportement semble «naturel». Relativement large, le leurre se met alors à planer en faisant de belles embardées susceptibles de provo quer l’attaque d’un lieu ou d’un bar. Mathieu n’a pas de coloris préféré, il aime les contrastes: flanc clair et dos de couleur plus chaude, par exemple.
Super précis
Au chapitre des paramètres importants, un bon positionnement du bateau, une dérive précise et une animation soignée valent bien plus que la meilleure des couleurs. Car il faut aussi en effet pêcher avec beaucoup de précision. Le lieu est généralement scotché sur ou à proximité immédiate d’un rocher. Le temps de passage en dérive est donc relativement court. Le moteur électrique permet de freiner cette dérive et de gagner ainsi un peu de temps pour l’action de pêche proprement dite. Cela étant, les lieus sont des poissons très méfiants: après trois passages, ils ont souvent la gueule fermée ! Sur nos spots du jour, on s’attend à toucher un poisson trophée. Mathieu me rappelle que les lieus de 7 à 8kg sont assez fréquents même si, depuis quelques années, ils sont devenus un peu plus rares qu’autrefois. Cette présence de beaux sujets est la raison pour laquelle Mathieu n’utilise pas de teaser, par exemple un classique Raglou, au-dessus de son jig. «Pour les petits sujets, un teaser est en effet très efficace, me fait-il remarquer. Mais pour viser de gros poissons, cela ne ferait qu’affaiblir le montage ! »
Gérer le courant
Pendant ce temps, notre ami Fabien n’est pas en reste. Les lieus semblent apprécier son inchiku dont la nage est également planante. Comme pour le slow jigging, il pratique une animation douce, en dents-de-scie mais avec un angle relativement important. Il laisse parfois son leurre, dont les assists hooks sont coiffés d’un octopus, être animé uniquement par la pression du courant. En fait, dans ce type de pêche, il ne faut pas hésiter à changer très régulièrement de leurre. Si le courant accélère, un jig effilé et lisse fendra la colonne d’eau pour être rapidement opérationnel. Si au contraire il semble ralentir nettement, un jig plat ou un inchiku sera probablement une meilleure solution. Au final, ce jour-là, les lieus se seront montrés très coopératifs mais, à part deux jolis poissons, ils étaient relativement petits. C’étaient quand même en très grande majorité ce que Mathieu appelle des « petits gros », c’est-à-dire des poissons de 60 à 70cm, très agréables à pêcher.
Avec les dauphins
Dans un environnement à couper le souffle, le retour nous a valu d’être accompagnés de bancs de tursiops, grands dauphins dont la taille est bien plus imposante que celle des dauphins communs, et très présents autour de l’île de Sein. Avouons-le : j’en ai vraiment pris plein les yeux !
Contact
Mathieu Le Bouter
29500 Ergué-Gabéric
Tél. 06 14 34 36 56
E-mail : m.lebouter@gmail.com
Site : mathieu-le-bouter.jimdofree.com