Ce fut une révolution dans le milieu de la pêche en mer et, comme il n’y a pas de hasard, elle éclata, elle aussi, un 14 juillet ! Le jour de notre fête nationale, des fonctionnaires de la direction départementale des Territoires et de la Mer (DDTM), visiblement en train de passer en revue les textes normatifs, donnaient l’alerte. Par un courrier adressé à la Fédération française des pêches sportives, les agents de cette administration rappelaient que « l’arrêté du 30 novembre 2021 relatif à l’interdiction de la pêche à pied professionnelle du stock de bar est également applicable aux pêcheurs de loisirs en vertu de l’article R.921-84 du Code rural et de la pêche maritime ». La pêche du bar à la canne depuis la côte située au nord du 48e parallèle, pour les amateurs comme pour les professionnels était interdite. On sentait bien que cette affaire était mal emmanchée. La correspondance faisait état d’un arrêté vieux de près de deux ans et d’un texte réglementaire de plus de huit années alors même que l’interdiction paraissait toute récente. Était-il possible que cette réglementation soit en place depuis de nombreux mois ?
Effets secondaires
Eh bien oui ! Et, en réalité, personne n’avait voulu interdire la pêche du bar à pied ! Le déroulement des événements est beaucoup plus amusant. En France, nous affectionnons les textes généraux qui font de multiples renvois à d’autres textes, tout aussi généraux. Cela rend les dispositions légales peu lisibles et, surtout, accentue le risque d’erreur. Pas loupé : l’article R. 921-84 du Code rural et de la pêche maritime est un article « de renvoi » très vaste. Il précise que la pêche de loisir est soumise à la même réglementation (qu’elle soit nationale, européenne ou internationale) que celle applicable à la pêche professionnelle. Voilà une belle erreur de rédaction : la pêche de loisir n’a radicalement rien à voir avec la pêche professionnelle et il aurait été de bon ton de ne pas créer un « pont légal » entre les textes les régissant.
Arrêté de 2021
Là où ça se gâte franchement, c’est qu’en 2021, un second texte entre en vigueur. L’arrêté du 30 novembre 2021 précise ainsi que « la pêche à pied professionnelle depuis la côte du stock nord de bar européen est interdite ». Même si le texte visait expressément la pêche professionnelle, il ne faut pas perdre de vue l’article R. 921-84 précédemment cité. Par ricochet, la pêche de loisir se trouvait concernée et donc la traque du bar pour les pêcheurs de loisir a été prohibée. Du moins, jusqu’à début septembre ! Les services de l’État (la DDTM toujours), s’étant aperçu de l’invraisemblance de la situation, ont communiqué en expliquant qu’un travail de fond s’amorçait et qu’aucune verbalisation ne serait dressée contre les pêcheurs conservant leurs prises. À suivre !
Incompétence
Si le positionnement exprimé semble louable, il faut percevoir ce semblant de levée d’interdiction avec les plus grandes réserves. Car, en vérité, cela n’en est pas une. L’organe qu’est la DDTM ne dispose d’aucune compétence pour légiférer, elle ne peut pas modifier des textes légaux. Tant que l’arrêté du 30 novembre 2021 ne sera pas modifié (et/ou tant que l’article R. 921-84 ne sera pas amendé), l’interdiction sera toujours en vigueur et la verbalisation restera pleinement possible. Attention donc aux beaux bars !