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Le bar rayé (Morone saxatilis)

Deux nageoires dorsales dont la première est épineuse.

Crédit photo Fabrice Chassaing
Il est des poissons marins qui ont une relation particulière à l’eau douce ; ils ont avec elle des accointances intimes au point qu’ils ne s’en éloignent jamais beaucoup et qu’on finit par ne plus savoir quel est le type d’eau qu’ils affectionnent le plus. C’est le cas de ce superbe bar rayé, « Morone saxatilis », qui croise souvent la route des pêcheurs américains dans les estuaires, les fleuves, les rivières et les lacs.

Ce bar rayé (connu sous le nom de striped bass à l’international) est également désigné sous le nom de bar américain, car il est une espèce emblématique de la côte est de l’Amérique du Nord. Natif de l’océan Atlantique nord-ouest, on le trouve en effet quasiment tout le long de cette côte, depuis le fleuve Saint-Laurent au Canada, côté Nord, jusqu’aux États de Floride et de Louisiane aux États-Unis, en allant vers le sud. Il fait partie de la famille des Moronidés qui regroupe six espèces (quatre du genre Morone et deux du genre Dicentrarchus, que nous connaissons bien puisqu’il s’agit du bar commun et du bar moucheté, tous deux présents en France). Le bar rayé est de loin la plus grosse d’entre elles, puisqu’elle peut flirter avec les deux mètres de longueur et dépasser alors les 50 kg !

L’allure générale est celle de notre bar commun.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

Sa silhouette générale évoque celle de notre bar commun. Il présente une belle caudale fourchue et deux nageoires dorsales séparées dont la première est épineuse. On retrouve également trois rayons épineux sur la nageoire anale. Le dos est sombre, allant du vert olive jusqu’au noir. Mais ce sont surtout ses sept à huit rayures horizontales foncées qui, en ornant ses flancs argentés tout en suivant les contours des lignes d’écailles, depuis l’arrière de la tête jusqu’à la base de sa queue, le rendent identifiable au premier coup d’œil et en font un poisson magnifique. Ce sont les fameuses « stripes » qui lui valent le surnom de striper attribué de façon fort bienveillante par nos amis pêcheurs américains, qui le considèrent comme une très prestigieuse espèce de pêche sportive.

Les fameuses stripes (rayures) qui le rendent identifiable au premier coup d’œil.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

Écologie et comportement du bar rayé

Le bar rayé aime vivre et se déplacer en banc. On estime sa longévité à une trentaine d’années, ce qui participe à expliquer ses grandes dimensions. Il est naturellement anadrome c’est-à-dire que, comme le saumon, il quitte les eaux salées au moment de la reproduction pour aller frayer dans les eaux douces des fleuves et des rivières. Toutefois, même s’il passe la plus grande partie de sa vie en eau salée, il ne s’éloigne jamais des côtes. Il n’apprécie pas les eaux froides et, lorsque la température baisse trop, il migre vers des eaux plus chaudes.

Le striper est très populaire aux États-Unis
Crédit photo : Fabrice Chassaing

De nombreuses introductions

Son caractère euryhalin, c’est-à-dire sa capacité à supporter de grandes variations de salinité, a vite été remarqué et mis à profit pour l’introduire dans de nombreux milieux. Aux États-Unis, où il est particulièrement apprécié des pêcheurs sportifs, il a tout d’abord été importé sur la façade ouest, notamment en Californie du côté de la baie de San Francisco, qui constitue un milieu très particulier d’eau saumâtre. Il s’y est particulièrement plu, et sa population est solidement établie de nos jours. Poisson de toutes les eaux, ses fortes aptitudes d’adaptation à des milieux très différents ont également permis de l’introduire dans les eaux strictement douces (des lacs par exemple) de nombreux États américains (plus de trente États ont tenté l’expérience). Il vit et grandit très bien en eau douce, même s’il éprouve parfois des difficultés à s’y reproduire et donc à établir des populations autosuffisantes.

Des introductions particulièrement réussies, comme ici dans la baie de San Francisco en Californie.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

En plus de son caractère côtier qui le rend facilement accessible aux pêcheurs de loisirs (même du bord), il a aussi l’avantage d’avoir une chair ferme et savoureuse. De ce fait, de nombreux pays ont introduit ce bar d’Amérique dans leurs eaux douces ou salées. Ainsi, on peut désormais le trouver en Russie, en Lettonie ou en Turquie mais aussi en Afrique du Sud ou au Mexique où il sera, suivant les taux de réussite de son implantation, exploité essentiellement en pêche sportive mais aussi parfois par la pêche commerciale. En France, au milieu des années 1980, des réflexions ont été menées au sujet de son introduction dans les milieux naturels, mais nous en sommes restés au stade des expérimentations en aquaculture, notamment du côté de l’étang de Leucate, une lagune du littoral languedocien.

Mon pote Gégé est fier de nous présenter un gros striper pris au cap Cod dans le Massachusetts..
Crédit photo : Fabrice Chassaing

Pêcher le bar rayé

Pour le choix de la nourriture qui assure sa subsistance, le bar rayé est très éclectique. Les jeunes, qui vivent et chassent souvent en bancs importants de plusieurs dizaines d’individus (tous de la même classe d’âge) mangent des crustacés, des invertébrés aquatiques ainsi que des petits poissons. Les sujets adultes, de plus en plus solitaires au fil de leur développement, font ventre, sans faire les difficiles, de ce qui est le plus disponible : anguilles (ils adorent), calmars, harengs (comme le menhaden de l’Atlantique), aloses ou maquereaux. En eau douce, le gizzard shad (Dorosoma cepedianum), une alose de la famille des harengs qui a souvent été introduite comme bait fish dans les grands lacs nord-américains, est souvent la cible du bar rayé. Le printemps et l’automne sont les saisons les plus favorables pour capturer ce striper, car ce sont des périodes où il se rapproche de la côte ou des berges et fréquente plus facilement les eaux peu profondes ainsi que la surface. La grande hétérogénéité de ses proies fait que les stratégies de pêche sont tout aussi nombreuses.

Traces d’attaque sur un anchois utilisé comme appât pour la pêche au vi
Crédit photo : Fabrice Chassaing

On peut aborder sa pêche en surfcasting sur les plages, au lancer de leurres du bord ou en bateau, en dérive avec des vifs, en traîne de sub-surface ou en traîne profonde, ou encore à la mouche. Tout est envisageable avec ce poisson. Toutefois, c’est une espèce connue pour avoir ses humeurs. En effet, si le bar rayé est effectivement un prédateur vorace, ses périodes d’activité alimentaire peuvent être intenses, voire violentes, mais elles sont aussi souvent assez courtes. Car, une fois repus, les stripers semblent totalement disparaître (souvent, ils regagnent des eaux profondes), au point qu’il est inutile de continuer à gaspiller son énergie et sa concentration en continuant la pêche. Mieux vaut alors patienter jusqu’aux prochaines chasses. Ces dernières ont souvent lieu lorsque la luminosité est faible ; l’aube et le crépuscule sont donc des moments éminemment favorables à la recherche du bar rayé. Les pêches de nuit sont également très efficientes et peuvent valoir la prise de très gros sujets. En zones côtières, lorsque ces périodes coïncident avec un changement de marée, toutes les conditions sont réunies pour vivre une pêche particulièrement excitante, puisque les chasses de stripers qui peuvent alors se déclencher en surface sont extrêmement spectaculaires et permettront au pêcheur qui a flairé le bon coup de mettre à l’eau toute sa panoplie de leurres top water.

Un poisson accessible car il ne s’éloigne jamais des côtes.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

Le record du monde reconnu par l’IGFA date du 4 août 2011, avec un bar rayé de 137 cm pour 37,140 kg. Il nous vient du détroit de Long Island, une vaste baie entre New York et l’État du Connecticut. L’heureux pêcheur pratiquait en dérive, de nuit, avec une anguille vivante en guise d’appât. Les 31,550 kg du record IGFA pour le bar rayé d’eau douce prouvent son excellente adaptation à ce milieu. Ce record a été établi dans le centre de l’État de l’Alabama aux États-Unis le 28 février 2013 dans la rivière Black Warrior. Long de 112 cm, ce poisson a, lui aussi, succombé à un appât naturel, en l’occurrence, une de ces fameuses aloses gizzard shad évoquées ci-dessus. Que ce soit en eau douce ou en mer, ces records n’ont cessé de monter en évoluant à plusieurs reprises durant ces trente dernières années ; alors, records à battre, à vos cannes !
 

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