Avant toute chose, il faut savoir qu’on ne s’attaque pas aux carpes sauvages avec le même matériel qu’en carpodrome. Il faut disposer de cannes puissantes pour extraire rapidement les poissons des zones encombrées dans les premières secondes qui suivent le ferrage, sans lui laisser prendre un seul mètre. Des cannes assez courtes (3,70 m maxi) et d’une puissance de 80 g environ sont parfaites. Une canne courte favorise en outre la mise à l’épuisette en fin de combat. Face à de telles combattantes, il est inutile de finasser dans le choix du scion (2 oz minimum) l’important étant surtout de bien veiller à ce que canne et moulinet ne partent pas à l’eau.
Pas si simple...
Ce matin-là, la surface de l’étang où je sais trouver de belles carpes sauvages est balayée par un vent du nord soutenu. Ni activité en surface ni bouillonnements ne trahissent une zone où elles pourraient se tenir. Un rapide sondage électronique au Deeper montre un fond assez plat et une profondeur maximale de 4 m. Je choisis un poste ouvert sur le lac, face au vent, et me permettant de pêcher en pleine eau, si les poissons sont sur le fond (là où la température de l’eau varie le moins), mais aussi de tenter un coup le long de la berge, jonchée d’arbres morts tombés à l’eau. Le ciel dégagé et l’eau encore fraîche annoncent une pêche compliquée…
Au pellet feeder
Je m’installe de manière à pouvoir exploiter ces deux zones. Partout, le fond est dur et caillouteux, il est donc probable que les carpes soient regroupées vers les branchages. Je vais donc monter trois cannes. Une première pour pêcher au pellet feeder à proximité d’un tronc immergé, sans pré-amorçage. Souvent négligé, le pellet feeder est pourtant un hybride parfait entre method et feeder, autorisant de pêcher avec un bas de ligne très court dans de grandes profondeurs. Sa forme permet de conserver une petite quantité de pellets ou d’amorce biens protégés. Avec certains pellet feeders XXL il est possible de recharger copieusement à chaque lancer pour traquer les grosses carpes quand elles sont en appétit. J’ai opté aujourd’hui pour un modèle medium, lesté à 28 g dans lequel je peux presser des pellets de 2 mm préalablement mis à tremper. Mes deux coups ne sont espacés que de 10 m, ce qui change en fait bien des choses.
Au method feeder
Ma deuxième canne est équipée d’un method feeder. L’idée, c’est de comparer avec l’approche précédente, avec montage pêchant immédiatement, plus discrète. L’intérêt du method feeder ici, c’est que l’esche repose toujours sur le fond à proximité immédiate de l’amorçage. Mais au-delà de 3 m de profondeur, mieux vaut choisir un modèle hybride. Ce type de method est à fond plat mais ses côtés relevés retiennent bien l’amorce qui, ainsi, ne s’éparpille pas pendant la descente. Sur mon coup, il doit passer entre les branches, en les frôlant parfois, avant d’arriver sur le fond. Les grosses carpes sont méfiantes, et si elles sont bien présentes dans cette zone, il faudra que je m’en approche au maximum pour tenter de déjouer leur méfiance.
Amorçage de départ
Afin de créer une zone de passage et de tenue, j’envisage de préparer un petit tas sur le fond avec des pellets extrudés de 8 mm, pauvres en huile de poisson, et du maïs doux. Quatre ou cinq lancers avec une cage classique de grande contenance sont suffisants pour apporter une centaine de grammes de graines et de pellets, bloqués entre deux bouchons d’amorce. Cet amorçage étant réalisé, je n’hésite pas à déposer au même endroit mon method feeder chargé de farines pour enfin entrer en action de pêche. J’ai opté pour un method mix, de granulométrie assez fine, contenant de la farine de poisson et d’autres, plus neutres, qui se diffuseront plus largement dans la couche d’eau.
Plus solide
Ces farines créent une trace et une marque olfactive dans les galets, obligeant les carpes à fouiller la zone à la recherche de nourriture. Mais ces farines sont volatiles et les passages des poissons, les coups de queue et les rushs après ferrage peuvent déplacer des nuages sur plusieurs mètres carrés. Il faut donc réamorcer largement après chaque poisson. Côté montage, après avoir enfilé deux stop-floats medium sur mon nylon en 24/100 qui sort du moulinet, j’enfile mon method en 28 g, bien suffisant pour atteindre une trentaine de mètres et rester précis malgré le vent. Je remplace les attaches en plastique d’origine par un émerillon agrafe, plus solide pour résister aux grosses carpes qu’il faudra extirper des branchages. L’émerillon doit pouvoir entrer dans le tube du method, ne laissant dépasser que l’agrafe pour éviter l’emmêlement.
Les trois dumbells
Les dumbells sont les appâts les plus simples à utiliser. Leur forme permet de les escher sur une simple bague ou une baïonnette montée au bout d’un cheveu. Ils ont remplacé les micro-bouillettes et sont efficaces partout. Il en existe en fait trois catégories.
- Les wafters : équilibrés (légers mais pas flottants), ils compensent le poids de l’hameçon et limitent ainsi la résistance à l’aspiration.
- Les pop-ups : flottants, ils sont utiles lorsque les poissons se déplacent au-dessus du fond, ou pour évoluer au-dessus des herbiers ou de petits branchages.
- Les classiques : coulants, utilisés en combinaison avec les wafters ou les pop-ups, hameçon tête en bas, juste décollé du fond, pour un minimum de résistance.
Les appâts
Attention, les carpes peuvent néanmoins déceler la moindre anomalie au niveau de l’eschage, un hameçon trop lourd, une esche mal choisie ou un équilibrage approximatif du montage. Ces poissons vont recracher instantanément au moindre doute. Côté appâts, il est donc important de disposer d’une petite diversité de bouillettes, dumbells et pellets de toutes tailles, couleurs, densités, etc. Pêcher de gros poissons au method feeder nécessite de bien patienter entre chaque lancer (entre dix et vingt minutes). Au-delà, sans touche, il faut changer d’esche. Il est quasiment impossible de savoir quel type d’appât va fonctionner le jour J. Si plusieurs sorties préalables sur ce même étang m’avaient permis de constater que les plus grosses carpes appréciaient les petits dumbells de couleur rose, par exemple, eh bien ce n’est pas le cas aujourd’hui ! Après un départ en fanfare, une grosse commune prise quasiment d’entrée, toute activité a cessé. Au method, je joue la différence en tentant une bouillette Nash Citruz, rose délavé, de 12 mm. Une belle bouchée comparée aux petits dumbells utilisés au pellet feeder. Et cette prise de risque paye au bout de trois lancers : à ma grande surprise, je me retrouve aux prises avec une magnifique miroir.
Un peu plus long
Si le principe du method feeder est de pêcher avec un bas de ligne très court, il peut être intéressant de l’allonger pour présenter une esche flottante largement au-dessus du fond. Et aujourd’hui, les poissons semblent réceptifs à cette approche, la difficulté étant de trouver la bonne longueur de bas de ligne, celle qui sera capable de maintenir l’appât à la profondeur désirée. Au final, après les quelques ajustements habituels – bas de ligne de 15 cm et une pop-up –, douze carpes rejoindront le tapis de réception. Pas si mal, non ?
Attention aux poissons
Les grosses carpes sont très fragiles et il faut les manipuler avec précaution pour ne pas qu’elles se blessent, toute plaie, même superficielle, étant susceptible de s’infecter, avec les conséquences qu’on imagine. C’est pourquoi je conseille vivement les hameçons sans ardillon. De nombreuses références existent sur le marché : QM1 (Guru), des hameçons de type circle pour carpes petites et moyennes et eschage au cheveu ou MXC-4 (Matrix) pour les gros spécimens. La tête d’épuisette doit être la moins agressive possible. Nylon et grosses mailles endommageant mucus et écailles, optez pour une maille fine type rubber ou fine mesh. Le poisson est déposé, encore dans le filet, sur un tapis de réception matelassé pour être décroché sans risque, avant d’être vite remis à l’eau, éventuellement après photo. Dans tous les cas, une grosse carpe ne doit pas séjourner dans une bourriche.