En fonction des saisons, les regroupements de gros gardons – les beaux rouges-queues comme on les nomme dans le Nord –, sont plus ou moins importants. Il est parfois difficile de sélectionner la taille de ses prises tant les petits sujets peuvent être nombreux. Mais en élaborant un plan mûrement réfléchi, on peut y parvenir et celui de Florian Hautebout, que j’accompagne au bord de l’eau aujourd’hui, est de cet ordre. D’où mon intérêt…
Une amorce atypique
Recette d’amorce, mouillage, choix des lignes, tout semble en effet prévu pour s’harmoniser et ne pas être importuné par les moins de 20 g mais, au contraire, pouvoir se focaliser sur les plus beaux. La plupart des pêcheurs utilisent plutôt une amorce active pour attirer les poissons le plus vite possible, puis jouent sur le poids de leur montage pour éviter les petits. Florian procède différemment avec une amorce qui travaille très peu sur le fond et n’intéresse guère les petits gardons. Il voue une attention quasi maladive à sa confection notamment dans le choix de ses composants dont deux en particulier. « Ma base, c’est une chapelure que je récupère chaque semaine chez mon boulanger, précise-t-il. Je broie les croûtes moi-même pour en garantir la fraîcheur. Le coco belge, lui, permet de maîtriser la mécanique du mélange. Je le choisis avec beaucoup de précaution. »
Un travail à plat
Chapelure et biscuit apportent le côté nutritif. Les autres ingrédients, plus neutres gustativement, sont là pour la mécanique ! Alors que la plupart des mélanges travaillent de manière verticale, les particules se dégageant vers la surface, celui de Florian a plutôt tendance à s’étaler. Il ne contient ni chènevis ni coriandre mais du lin, graine très grasse et riche dont l’huile se répand sans que les particules broyées s’échappent dans la coulée. Florian tient à broyer lui-même presque tous ses ingrédients au dernier moment pour être certain de bien maîtriser aussi la mouture du mélange. C’est un dérivé du maïs, le baby corn, qui donne le la en matière de granulométrie. Les pellets de baby corn sont broyés plus ou moins finement en fonction de la taille supposée des poissons majoritairement présents sur le parcours.
La fiente de pigeon
Pour ralentir la dissolution de l’amorce et la rendre plus collante, Florian utilise la fiente de pigeon (qu'utilise aussi Jean-Pierre Sacaramuzzino en grand canal). Ébouillantée et préparée, elle sert à humidifier l’amorce. Enfin, pour alourdir le tout, une bonne proportion de terre grasse, tamisée très finement, est ensuite ajoutée. Parce qu’il recherche les gardons en priorité, Florian ajoute aussi du noir de vigne, pour assombrir et harmoniser le mélange final avec la couleur du fond. L’amorce de Florian ne reste pourtant pas totalement inerte sur le fond. Le coco belge et les esches introduites participent en effet au lent délitement des boules sur le fond. Pinkies morts et fouillis de vers de vase y forment comme des micro-galeries dans lesquelles l’eau va finir par s’introduire au fur et à mesure, aidant à cette lente diffusion.
Un sondage minutieux
Pour dresser ce festin, Florian s’attache à disposer d’un coup aussi plat que possible et consacre donc de longues minutes à sonder, explorant l’ensemble des coulées potentielles. Il varie donc les distances, utilisant une sonde assez lourde qui va lui donner toute la précision nécessaire. Il pousse le souci de précision jusqu’à sonder avec chacune des lignes qu’il va utiliser. Il souhaite que son esche évolue au ras du fond à tout moment puisque son amorce travaille de manière horizontale. S’il trouve qu’une ligne passe trop rapidement, il rajoute quelques centimètres de fond, petit à petit, jusqu’à obtenir la présentation désirée.
Des lignes lourdes
La portance du flotteur est fonction de la vitesse du courant. Florian n’hésite pas à procéder à des coulées à vide avant d’arrêter son choix. En aucun cas la plombée ne doit se soulever du fond lors des manœuvres de retenue et d’aguichage, au risque que l’esche soit happée par un petit poisson. Cette approche l’amène à pêcher plus lourd que de coutume, appliquant en rivière la règle d’un gramme par mètre d’eau. Ce jour-là, je remarque que ses trois kits sont équipés de flotteurs de portance identique ce qui n’est le cas des montages. Si leur forme boule est de circonstance, en raison du courant et pour pratiquer une pêche à passer, les antennes, elles, sont différentes.
Une affaire d'antenne
« L’antenne en plastique plein est réservée aux poissons tatillons, souvent en début de partie, précise Florian. L’antenne en plastique creux sert quand les poissons sont bien installés. Avec un n°4 en plomb de touche, la raideur du montage permet de sélectionner ! » Le troisième flotteur est un hybride entre plat et boule : c’est un Cralusso Bubble, utile pour bloquer la ligne fortement mais que l’on peut laisser passer le cas échéant. Néanmoins, tous ces montages restent parfaitement sensibles grâce à ce choix d’antenne adaptée et à la présence d’un hameçon fin de fer qui permet de présenter un appât toujours en parfait état.
Allonger les coulées
Pour réaliser des coulées confortables et explorer son coup suffisamment en aval, Florian conserve une bannière assez longue, 1,20 m environ. Un compromis qui lui permet de jongler avec la présentation de la ligne, en la laissant glisser ou en la bloquant plus fortement. Pour assurer un ferrage efficace, en dépit de cette longue bannière, Florian utilise un élastique qui permet de ferrer énergiquement, de ne pas décrocher ses prises dans les premiers instants du combat et de les ramener avec autorité. Au contraire de nombreux pêcheurs, dont je suis, qui ne jurent que par les élastiques logés dans deux brins, Florian installe les siens sur le seul scion de sa canne. Leurs bons diamètres (0,9 et 1 mm pleins) permettent de monter des gardons de taille très honorable au tablier sans le moindre problème.
Un diesel
On le voit, l’approche de Florian est atypique mais elle est parfaitement réfléchie… même si elle exige des nerfs solides. En concours, il n’est pas facile de voir ses voisins enchaîner les prises alors que son propre coup n’est même pas en ébullition. Florian lui, sait être patient, jusqu’à percevoir ces signes. Mais aux dires de son coach de toujours, Cyril Creuset, Florian est un diesel qui lui donne souvent des sueurs froides lorsqu’il l’accompagne sur un événement important. Mais il reconnaît que son approche, notamment sa recette d’amorce et la compacité des boules, a un vrai effet de bombe à retardement. Ça prend un peu de temps mais quand les gardons ont mis le nez dedans, ils ne décampent plus. C’est bien l’essentiel !
L’amorce de Florian
- 3 parts de chapelure rousse
- 1,5 part de PV1
- 1,5 part de baby corn
- 1 part de biscuit
- 1 part de coco belge
- 1/2 part de tourteau de lin broyé
- 500 g de fiente fraîche
- Terre 60%