Carpodromes et étangs privés offrent certes des possibilités de pêche au coup tout au long de l’année, avec la garantie de prendre du poisson quelle que soit la météo. Néanmoins, dès le début de l’automne, une baisse d’activité alimentaire coïncide souvent avec les premières baisses sensibles de température. Pour ne rien arranger, la clarté de l’eau augmente, les beaux sont moins mobiles. Il faut ruser car un coup unique ne suffit pas et Thomas Mille, notre invité ce mois-ci, l’a bien compris. « Il faut multiplier les coups pour prendre deux ou trois poissons ici, un ou deux là et ainsi de suite, indique-t-il d’entrée. Ce n’est pas facile certes, mais très valorisant et de toute façon, il n’y a pas d’autre solution !»
Pas plus de trois
Sur l’étang où il m’a donné rendez-vous, il envisage donc plusieurs coups après analyse et exploration du poste choisi. Depuis la bordure jusqu’à la distance maximale exploitable avec sa grande canne, ainsi que sur toute la largeur, chaque intervalle peut en théorie être exploité. Pour ne pas s’y perdre néanmoins, Thomas se limite à trois coups. Il compte démarrer près de la berge, mais pas trop car l’eau est claire, pour s’en éloigner au fur et à mesure que les poissons viendraient à se méfier d’un coup trop animé mais sans jamais s’empêcher de revenir sur les uns et les autres pour garder un rythme de touches acceptable. Avant tout, Thomas consacre de longues minutes au sondage. Pour choisir son premier coup, il tente de déceler une zone plate où déposer ses appâts, la première trouvée après la pente venant de la bordure.
Des repères fixes
Jongler entre ces différents coups demande une vraie gymnastique. Pour ne pas s’y perdre, Thomas choisit des repères fixes sur la berge opposée et détermine l’axe en fonction de sa position sur son siège ou de l’orientation de sa canne sur la barre d’amorçage. Il est ainsi certain de toujours bien amorcer et de déposer sa ligne strictement au même endroit.
Thomas prospecte à 5 ou 6m du bord pour trouver cette sorte de première marche que les poissons fréquentent naturellement puisque régulièrement fournie en nourriture. Il s’agit maintenant de déterminer un second coup, à distance de grande canne. À 10, 11 ou 13m ? Là aussi, c’est le sondage qui décide. Thomas tente de repérer le spot le plus creux possible car à cette saison, il sait que les beaux poissons vont s’y réfugier. Il explore toute la largeur accessible depuis son poste et n’hésite pas à se déporter pour dénicher une petite zone la plus plane mais aussi la plus profonde possible. Pour aujourd’hui, ça se précise à deux mètres à droite de son premier coup de bordure.
À la franglaise aussi
Mais Thomas veut aller plus loin encore, au-delà de la pointe de son scion, avec une très longue ligne (entre 4 et 7 m). S’il n’y a pas de vent, il utilise un montage avec un flotteur classique, plus lourd que celui utilisé pour pêcher sous la canne (0,60 à 1 g). Un lancer en balancier suffit pour déposer la ligne à distance. Mais si le vent est présent, il monte alors un petit waggler et gagne ainsi en précision et en discrétion car il évite d’utiliser un flotteur classique volumineux. Cette approche, bien connue sous le nom de franglaise donne à la ligne une excellente stabilité. Le long flotteur, lesté tout en bas, permet de limiter la dérive de la longue bannière, immergée elle aussi lorsque le scion est légèrement enfoncé sous l’eau. Ce dernier coup, le moins conventionnel, s’adresse aux poissons les plus méfiants et Thomas ne l’amorce pas au préalable ou de manière très parcimonieuse. « Je n’y recours qu’en fin de pêche pour ne pas y bloquer les poissons trop tôt, précise-t-il. Souvent, je le tente même sans amorçage préalable !» Dans tous les cas, Thomas se contente d’un agrainage délicat, avec moins de dix asticots à la fois. Bien qu’étant le moins amorcé de tous, ce coup lointain n’en est pas moins productif car les poissons s’y sentent nettement plus en sécurité.
Menu complet
Pellets durs et mous, asticots, amorce, vers de terre, maïs, pain… Thomas dispose de quoi trouver l’esche du jour. « J’attaque toujours aux micro-granulés de 2 mm, digestes et peu nourrissants, me fait-il remarquer. Les poissons y sont habitués tout au long de l’année, je ne prends pas de risque. » Sur l’hameçon, il pique un pellet mou. La coupelle de scion permet un amorçage millimétré. Ce qui est sur le fond ne peut être repris aussi, en déposant peu, si l’approche n’est pas bonne, il n’hésite pas à changer pour ne pas perdre son rythme de touches. Thomas démarre à mi-distance, avec un fond de coupelle et patiente jusqu’aux premiers signes de présence. Ensuite seulement, il redépose des appâts et observe si le rythme des touches varie dans un sens ou dans l’autre. Si c’est positif, il ne change rien et reste jusqu’à épuisement des touches. Puis il passe à un autre coup, sans s’interdire de revenir vers le précédent à tout moment. Le comportement des poissons dicte ces va-et-vient. Si les touches sont franches, c’est qu’ils mangent, si elles sont plus timides, c’est un signe de défiance.
Des vers bien coupés
L’amorçage aux vers coupés peut s’avérer très efficace dans ce type de plans d’eau. Il est intéressant de couper les vers finement et, comme beaucoup de pêcheurs au coup bien équipés, Thomas utilise les ciseaux Cresta. Leurs lames sont très tranchantes et ingénieusement dentelées pour éviter toute forme de bourrage par des micro-déchets présents dans la tourbe résiduelle. Inusables, vu leur tarif (14€), c’est incontestablement un excellent investissement.
Plus de finesse
Tout cela implique des montages variés. Les flotteurs sont surmontés d’antennes creuses plus fines qu’aux beaux jours (1,2 ou 1,5 mm) pour mieux détecter les touches délicates. Le nylon est plus fin lui aussi car les combats sont moins âpres qu’en plein été même si Thomas garde une bonne marge de sécurité. Pour finir, il choisit aussi des hameçons plus fins de fer. « Avec cet hameçon plus léger, le poisson hésite moins à aspirer l’esche, selon Thomas. Cela diminue nettement le risque de refus. »
Attention à l'élastique
L’approche précise à la mini-coupelle réduit la zone dans laquelle le flotteur doit évoluer. Thomas utilise alors une bannière très courte, pas plus d’une vingtaine de centimètres. Inutile donc de compter sur un quelconque effet amortisseur du nylon au ferrage. L’élastique intérieur, choisi avec grand soin en fonction de la taille et du fer de l’hameçon, remplit ce rôle. Avec un n°16 à 20, il opte pour un élastique creux de 1,8 mm (Middy Reactatore) qui contraste avec les 2,5 voire 3 mm estivaux ! Il est systématiquement installé dans les deux derniers éléments de la canne et, pour gagner en souplesse encore, une réserve est ménagée dans le kit de combat. Cela représente une longueur totale de près de 3 m d’élastique. Seules les lignes destinées à évoluer sur le coup le plus lointain (waggler et gros flotteur) sont protégées par un élastique plus épais (2 mm) et légèrement plus tendu.