Le silure est équipé d’un système sensoriel très développé. Ses capacités pour déceler les sons et localiser toute source de vibrations, ne sont plus à démontrer. Les pêcheurs de silures les mettent à profit dans les pêches au clonk ou aux leurres. Mais ce poisson dispose également de sens de l’odorat et du goût hors du commun en eau douce. La sensibilité hyper développée de ses capteurs de goûts et d’odeurs est encore assez peu exploitée alors qu’elle peut s’avérer très rentable, notamment en hiver.
Les capteurs
Le silure est pourvu de deux paires de narines et de trois paires de barbillons, toutes et tous permettant de percevoir les effluves dissous dans l’eau. Contrairement à l’homme, capable d’inspirer ou d’expirer, le silure analyse un flux d’eau continu et à sens unique, entrant par les narines antérieures et sortant par les narines postérieures, pour identifier toute molécule dissoute potentiellement indicatrice d’une source de nourriture. Mobile et longue, la paire de barbillons située sur la mandibule supérieure est bien connue des siluristes pour ses rôles tactiles et d’antennes radars à vibrations.
Analyse fine
Néanmoins, ils sont aussi bardés de chimiorécepteurs gustatifs. Pour bien comprendre cette fabuleuse aptitude, imaginez si vous pouviez ressentir le goût d’un aliment en le touchant du doigt ! En complément, le silure possède deux autres paires de barbillons, plus petits, situés sous la mandibule inférieure. Ces organes sensoriels lui permettent d’affiner les informations gustatives ébauchées à distance, et d’analyser avec précision les effluves repérés à plus courte distance, venant d’un tapis de bouillettes ou de pellets disposés sur le fond, par exemple. En définitive, cet équipement sensoriel, exceptionnel dans nos eaux douces, permet aux silures de détecter de nombreuses substances dissoutes, sur de grandes distances, peu importe la luminosité ou la turbidité de l’eau, et avec une acuité cent mille fois supérieure à la nôtre !
Les croquettes
Les sacro-saintes croquettes pour chien, des esches et amorces bon marché, sont des références. Gros avantage : on connaît un peu plus précisément la composition de ces appâts, normalement indiquée sur l’emballage. On y trouve en général des protéines de bœuf (riches en glutamine, leucine et valine) et de poisson (riches en alanine) mais aussi des acides aminés qui pourraient être l’un des secrets de leur succès auprès des silures.
Les sauveurs
Parmi les molécules que le silure va détecter figure la grande famille des acides aminés. Bien connus des nutritionnistes et des culturistes, ils jouent un grand rôle dans le métabolisme, la structure et la physiologie des cellules de tout être vivant. Liées les unes aux autres, ces chaînes d’acides aminés prennent alors les appellations de peptides et de protéines. Les pêcheurs de carpe ont une longueur d’avance quant à leur utilisation dans la composition des appâts. Mais d’un strict point de vue biologique, les acides aminés déterminants diffèrent significativement d’une espèce à l’autre. La taurine, par exemple, bien connue des sportifs (et des fêtards…) est un acide aminé impliqué dans plusieurs voies métaboliques chez l’homme, systèmes cardiaque ou nerveux central notamment. Des rôles importants que l’on retrouve chez d’autres mammifères, comme le chat par exemple, mais pas chez le chien. Les besoins spécifiques de chaque espèce entrent donc en ligne de compte.
Les bons acides
Chez la carpe, des études menées par l’Inra ont démontré que certains acides aminés (arginine, lysine, glutamine) pouvaient augmenter significativement l’activité des carpes. D’autres (alanine, leucine, valine) sont capables, eux, d’augmenter l’appétence d’une nourriture proposée. En revanche, certaines combinaisons d’acides aminés engendrent des phénomènes de répulsion franchement marqués. Pire encore, dans certains cas, l’association de certains acides aminés, pourtant favorables utilisés de manière indépendante, devenait néfaste pour l’attractivité d’un appât !
Un peu de biologie
Pour aller plus loin, j’ai donc vérifié la composition générale des farines utilisées comme matières premières chez les fabricants d’appâts. J’ai surtout cherché celles qui, sur le papier, semblent stimuler l’appétit des silures. Sachant que les carpistes croisent régulièrement des silures sur leurs amorçages, et prenant en compte leur expérience dans la composition des bouillettes, on peut émettre l’hypothèse que carpes et silures ont bien des points communs en la matière. Les résultats d’analyses chromatographiques des laboratoires de biologie alimentaire montrent que les farines de flétan ou de poulpe contiennent deux fois plus d’alanine que les farines de soja ou d’arachide. Le lait et les œufs en poudre sont les champions de la valine. De bons points de départ pour stimuler des silures engourdis par le froid. Pour éviter les interactions malencontreuses, je m’efforce de rester simple et de ne pas mixer n’importe quoi. Si je pars sur un élément majeur, par exemple une farine de poisson, j’essaye de rester cohérent dans les huiles ou enrobages utilisés en complément si besoin. Une fois la matière première choisie, j’essaye de déterminer la texture qui offrira une bonne diffusion en eau froide. De petits tests simples consistent à immerger ces propositions d’eschage dans un même volume d’eau dont je fais varier la température, et d’en suivre heure par heure la lente dégradation.
Accélérer !
Si en eau chaude, il faut être vigilant sur la durée de tenue d’un appât sur le cheveu, en hiver, c’est l’inverse ! En eau froide, la dissolution très ralentie diminue considérablement l’efficacité de l’appât. Ajouter à cela des journées courtes : la contrainte temps est un élément crucial à prendre en compte.
De bons apéritifs
Les acides aminés ne sont pas les seules molécules à être potentiellement à même de booster l’appétit de nos chers silures. L’adénosine triphosphate (ATP) en est une autre, capable de délivrer de l’énergie aux cellules vivantes, notamment lorsqu’elle se dégrade en adénosine diphosphate (ADP). La présence d’ADP ou d’AMP (adénosine monophosphate) dans l’eau indique en effet aux silures la proximité de poissons blessés ou morts… De bons repas potentiels !