On entre dans des conditions de pêche hivernales quand la température de l’eau passe sous la barre des 8-10°C sur la majeure partie de la journée, ce qui peut arriver plus ou moins vite selon la nature du milieu. Les eaux peu profondes se refroidissant plus vite, étangs et rivières y arrivent plus tôt que les grands lacs profonds qui bénéficient d’une forte inertie thermique. Si on a le choix, il peut être intéressant de se tourner vers ces derniers quand les températures baissent. On peut ainsi bénéficier de quelques semaines supplémentaires d’activité de type automne. Inversement, en cas de redoux prolongé ou de crue, les biotopes moins profonds peuvent connaître un regain d’activité alors que les grands lacs seront souvent peu affectés par ces réchauffements passagers.
Les couleurs pour l'hiver
Si l’eau est teintée, les couleurs sombres ou fluos seront préférables. Mais en hiver, il est fréquent qu’elle soit très claire, plus propice à l’utilisation d’un coloris naturel. Une couleur rarement employée mais qui fonctionne bien en eau froide pour des animations très lentes est le bleu, de préférence pailleté, en combinaison avec un coloris plus neutre (ventre clair-dos bleu, par exemple). En eau profonde, le blanc donne parfois d’excellents résultats.
La température de l'eau
Les poissons étant des animaux à sang froid dont le métabolisme est intimement dépendant de l’environnement, la température de l’eau est en effet un élément clef en cette période. Plus elle est basse, moins ils se nourrissent et moins ils se déplacent afin d’économiser leurs réserves. Certains, comme la carpe ou le black-bass, peuvent même entrer en léthargie. Bien que la plupart des carnassiers (brochet, perche et sandre notamment) soient moins gênés par le froid, leur métabolisme se trouve tout de même nettement ralenti. La durée de digestion du brochet (espèce à digestion lente) à 20°C est de l’ordre de 45 h contre 157 h à 10 °C et 257 h à 5 °C (c’est-à-dire plus de dix jours).
Piano, piano
Prises de nourriture nettement espacées, répugnance à l’effort et aux déplacements, on comprend que la pêche va être sérieusement impactée, notamment les techniques de prospection rapide qui sont à proscrire dans ces conditions. L’hiver est par excellence la période des animations lentes et insistantes, avec des pauses destinées à convaincre le poisson que la proie est inratable, qu’il ne gaspillera pas d’énergie dans une attaque manquée. À vrai dire, ce mode de pêche insistante joue plus sur l’agacement que sur l’appétit et, contrairement à une idée reçue, le vif est souvent moins productif en eau très froide que les leurres, précisément parce que l’opportunisme alimentaire est en berne tandis qu’un leurre peut exciter l’instinct de prédation, le dérangement, la curiosité.
Crues salvatrices
Avec le dérèglement climatique, on peut subir des crues en rivière même en plein hiver. Cet afflux d’eau massif force les poissons à se rapprocher de la rive, ou à entrer dans les bras morts et les darses, pour se protéger du courant. Effet d’aubaine pour le pêcheur à pied avec des concentrations de beaux poissons collés à la berge dans très peu d’eau trouble parfois.
Les bons secteurs
Mais il faut d’abord déterminer le meilleur endroit. Si, à la belle saison, le poisson peut être assez largement réparti, en hiver il a tendance à se concentrer sur quelques secteurs. Le risque de découvrir de grandes zones désertes et quelques concentrations ponctuelles est à son maximum. C’est là que réside la principale difficulté de la pêche hivernale : fuir les déserts et se concentrer sur les quelques zones riches. Phénomène largement observé, les poissons délaissent bordures, plages et autres hauts fonds pour des secteurs profonds. Oubliez l’explication selon laquelle l’eau profonde y serait moins froide : c’est faux ! À quelques exceptions près (résurgence, rejets d’eau chaude, source subaquatique), l’hiver est la seule période de l’année où la température est homogène de la surface jusqu’au fond. Que les poissons cherchent la profondeur reste assez mystérieux mais c’est un fait, du moins sous nos climats tempérés. En étang, ça se traduit souvent par un repli vers la bonde ou la digue. En lac, on trouve généralement les carnassiers dans la tranche des 10-20 m, parfois même 25. En rivière, c’est un peu différent. La recherche de profondeur est moins systématique mais la concentration l’est encore plus car le poisson cherche à s’abriter du courant pour tendre vers l’effort zéro. Ce peut être en se rassemblant dans les fosses ou au contraire contre la bordure, derrière des embâcles, dans des darses, des bras morts, etc. On retrouve parfois ce phénomène en grand lac, sur certaines zones protégées comme les ports notamment.
Trouver les spots
Trouver ces zones de concentration est évidemment plus ou moins facile selon la taille et la nature du biotope, son accessibilité. Je déconseille au pêcheur du bord de pêcher les grands milieux l’hiver sauf à savoir exactement ce que l’on fait, ce qui suppose une parfaite connaissance du coin… ou de posséder les bonnes informations ! En étang, gravière ou rivière moyenne, la localisation est plus facile. Même si les poissons désertent la bordure, ils restent souvent à portée de lancer de la rive. À noter qu’une sonde à lancer (type Deeper) peut être utile pour trouver les bons secteurs ou éliminer les mauvais. En grand milieu (ou sur des spots difficilement accessibles), le pêcheur en bateau est avantagé, et ce d’autant plus s’il maîtrise l’électronique et la cartographie.
L'observation
Un peu partout cependant quelques règles simples sont exploitables. L’observation des sauts de poissons au lever du jour : le plancton remonte en surface la nuit, et à l’aube, même par temps très froid, on observe souvent une multitude de poissonnets qui s’ébrouent en surface. Le phénomène cesse dès que le jour se lève. C’est un bon moyen de repérer des concentrations, ces poissonnets ne faisant pas de grands déplacements dans la journée. Par temps très calme, on remarque parfois au-dessus des bancs de fourrage, une sorte de pétillement en surface. J’ignore à quoi c’est dû mais c’est un bon indice. Les concentrations d’oiseaux piscivores (cormorans, grèbes) sont également un indicateur, surtout s’ils insistent sur une même zone. Si rien n’est visible, se rappeler que l’hiver les poissons affectionnent les berges très pentues et les structures marquées. Des arbres noyés, une ruine engloutie, un chaos rocheux, une falaise donnant sur la profondeur sont autant de postes susceptibles de concentrer fourrage et carnassiers.
Pistez les ablettes
Sur un lac riche en ablettes, il est fréquent qu’elles se concentrent en bancs, en profondeur mais largement décollées du fond, attirant les carnassiers pélagiques. Il y a des pêches fantastiques à faire autour de ces bancs, en linéaire ou en verticale, mais entre deux eaux. Ça peut valoir le coup de passer du temps à repérer ces bancs qui se déplacent assez peu, pouvant passer plusieurs semaines sur une même zone.
Plus gros, plus lourd
Se pose enfin la question des techniques les plus efficaces. Plus qu’une technique ou un montage en particulier, il faut se fier à quelques règles de circonstance. La principale, on l’a vu, est qu’il faut pêcher d’autant plus lentement que l’eau est froide. Il est très peu probable qu’un carnassier se lance dans une course-poursuite ou fonce pour intercepter un leurre passant en trombe à plusieurs mètres. Autre règle : augmenter la taille de ses leurres d’environ 50 %. Par exemple, 20 cm au lieu de 14 pour le brochet, 15 au lieu de 10 pour le sandre, etc. Si un carnassier est hésitant, la perspective d’un repas copieux assurant de longues journées de digestion tranquilles peut faire pencher la balance (effet d’aubaine). Sur une belle concentration de poisson fourrage repérée, contentez-vous d’utiliser un leurre juste un peu plus gros que la moyenne, il se remarquera mieux sans trop jurer.
Les bons choix
Les techniques les plus appropriées en hiver sont le leurre souple, certains poissons-nageurs pour les zones moins profondes, et certains leurres métalliques. Mention spéciale pour la verticale puisqu’elle permet de contrôler finement à la fois la profondeur et la vitesse d’évolution. On peut ainsi insister longuement sans avoir à poser le leurre sur le fond. Privilégier les gros finesses (shad sans caudale) qui pêchent mieux à l’arrêt ou sur animation minimaliste. Du bord, le drop-shot permet de faire à peu près la même chose que la verticale, mais seulement à proximité du fond. Pour ce qui est du poisson-nageur (dans l’hypothèse de carnassiers pas trop bas, en étang ou en rivière par exemple), les modèles suspending autorisent des pauses assez longues et donc une prospection lente à souhait. Certains gros wobblers et swimbaits, à la nage nonchalante à basse vitesse, conviennent également. Éviter tout ce qui impose une nage trop rapide ou désordonnée, la proie doit sembler immanquable et très facile.
Les leurres métalliques
Pensez aussi aux leurres à dandiner (jigging minnow, jigging spoon, poisson d’étain, plomb palette), animés avec modération et insistance. J’ai pris de grosses perches en plein hiver avec un Jigging Rap (Rapala) animé par de minuscules tirées, quelques centimètres au-dessus du fond. Essayez vos cuillers tournantes ou vos spinnerbaits, toujours le plus lentement possible, à la limite du décrochage de la palette. Ma préférence va sans conteste au spinnerbait qui permet plus facilement de pêcher creux et limite les accrochages. Sélectionner un grammage adapté à la profondeur, avec une palette assez grosse qui acceptera cette vitesse lente. Enfin, dernier petit conseil : couvrez-vous bien !