Avant de m’orienter résolument vers les carnassiers, j’ai longtemps pêché la truite, Savoie oblige, et notamment au vairon manié. Cette approche suppose des animations qui n’ont strictement rien de naturel mais détiennent le pouvoir de faire réagir la truite et, accessoirement, de sélectionner les prises. Pour m’affranchir du transport des vairons, j’ai tenté de reproduire tout ça avec des leurres souples. J’ai un peu cherché mais j’ai fini par trouver les leurres et les montages qui le permettent. Une tête plombée disposant d’un œillet centré, avec la même influence sur la nage du leurre que le casque d’une monture à vairon, en est la pièce principale.
Deux versions
Évidemment, l’idée d’adapter ce type de montage pour la perche ou le brochet, m’a vite taraudé. Je suis parti sur deux options avec une version discrète, réservée aux secteurs à perche et à sandre, et une seconde, un peu plus grossière, capable de résister aux mâchoires du brochet. J’ai commencé par sélectionner un panel de leurres en forme de poisson ou de gros ver, mais sans paddle ni faucille, contre-productifs à mes yeux. Tout appendice visant à ralentir ou simplement perturber la descente du leurre est en effet à exclure puisque le principe, c’est de permettre au montage, une fois relevé, de redescendre le plus violemment et le plus verticalement possible.
Trop lourd !
Second impératif : le diamètre de la partie avant du leurre doit être suffisant pour assurer une tenue correcte avec le plomb et le système de fixation. Il m’a fallu alors trouver des plombs adaptés à ce type de montage. Mon idée de départ était de m’orienter vers les casques à vairon qui sont justement faits pour ça. Mais ce type de tête plombée a ses limites : d’une part, elles ne descendent que très rarement au-dessous de 4 ou 5 g, ce qui est handicapant pour les pêches fines ou sur les secteurs les moins profonds. Et d’autre part, leur partie concave ne correspond pas forcément à la forme du leurre retenu : soit il ne rentre pas, soit il flotte beaucoup trop !
Le montage light
J’ai donc préféré utiliser plutôt des billes percées, disponibles dans un panel de poids plus large et dont la surface de contact est plus facilement adaptable à différents leurres souples. Ces billes sont généralement destinées à lester les lignes lourdes des pêcheurs au coup, dans des grammages allant de 0,50 à plus de 20 g. Pour le montage dit light, je n’utilise que ces billes percées, voire parfois une petite olivette qui permet d’affiner la tête et de diminuer les blocages sur les parcours aux fonds parsemés de blocs de rochers. Pour cette option, il est indispensable de disposer d’un petit stock d’hameçons à hampe la plus longue possible, destinés habituellement aux pêches aux vers.
Axe et oeillet
Ces hameçons bon marché sont généralement vendus par boîtes de 50. Sectionnés avant la courbure, ils sont uniquement destinés à fournir l’axe et l’œillet centré. J’installe un hameçon triple sur un bout de tresse, plus solide et plus durable que le nylon, et fais passer ce brin de tresse ainsi que l’axe, dans le trou de la bille, qu’il peut être utile d’agrandir légèrement avec une micro-mèche. L’idée est que l’ensemble axe-tresse coulisse dur. Pour les puristes, on peut aussi faire passer la tresse à l’intérieur même du leurre à l’aide d’une aiguille à locher pour obtenir un montage plus propre et mieux la protéger. Il suffit ensuite de planter l’axe dans la tête du leurre, en prenant soin de bien plaquer la bille contre la gomme et de relier la tresse à l’œillet par deux ou trous clés. Quelques gouttes de cyanolite sur le nœud et entre la bille et le leurre et le montage est prêt.
Version brochet
Pour la version brochet, le principe est le même, mais dans ce cas je choisis majoritairement, par facilité, des casques à vairon. Les leurres utilisés étant plus volumineux, je n’utilise pas d’axe pour la fixation, mais un ressort sur lequel j’installe un émerillon rolling qui fournira l’œillet. Il suffit de s’assurer que le trou du casque est adapté au diamètre de l’émerillon (c’est très souvent le cas) et de passer celui-ci à travers, le leurre étant vissé. Comme évoqué déjà, l’idéal est que la tête du leurre rentre bien dans la partie concave du casque. Forcer un peu ne peut qu’améliorer la solidité du montage. On remplace ici la tresse par un acier gainé, relié d’un côté à l’hameçon triple et de l’autre à l’œillet de l’émerillon. Des deux côtés la fixation se fait à l’aide de sleeves. Le montage est sans doute un peu moins présentable mais permet à l’hameçon de se désolidariser du leurre sur une attaque.
L'action de pêche
L’animation de base est la même qu’au vairon manié : on lève violemment le scion et on le redescend tout aussi rapidement vers la surface afin de créer le mou nécessaire dans la ligne, qui permet au leurre de replonger rapidement et verticalement. Ensuite, tout est question d’amplitude des mouvements, à déterminer en fonction du poste ou de l’humeur des poissons. La touche survient presque toujours à la descente et le fait que le montage ne soit pas sous tension permet au poisson d’engamer plus efficacement, même sur un montage lourd. Ce type d’animation, très peu utilisé en seconde catégorie, a l’avantage de créer la surprise auprès de poissons par ailleurs souvent sollicités. Soyons clairs, ce leurre manié ne fera pas de miracle sur des poisons apathiques qui ne bougeront pas plus que face à n’importe quelle autre technique active. En revanche, sur des poissons actifs, ce type d’animation à toutes les chances de les convaincre. D’une part parce qu’ils ne s’en méfient pas et d’autre part parce qu’ils n’ont pas le temps de se poser de question. J’ai vu très souvent de grosses perches rendues à moitié folles face à ces plongées rapides et violentes du leurre. J’avais déjà constaté ce phénomène il y a quelques années en utilisant des têtes plombées type balle. L’animation était sensiblement la même mais l’œillet, positionné sur le dessus, faisait invariablement partir le leurre sur le côté à la descente. En soi, ce n’est pas si dérangeant, ce qui change vraiment, c’est que la descente strictement verticale fait, à mon sens, la différence, ne serait-ce que parce qu’elle est très rarement utilisée. Quand on a la chance de pratiquer en eau claire, on peut assister à des curées frénétiques auxquelles se livrent les perches, et à ce jeu, immanquablement, c’est la plus rapide qui gagne ! Dans ces cas-là, toute notion de méfiance semble avoir été oubliée au sein du banc. On aurait tort de ne pas en profiter…
Le black-bass aussi
Je n’ai jamais pris de sandre avec cette technique mais il est vrai qu’il y en a peu sur mes spots habituels. Le brochet y est très réceptif ainsi que, dans une moindre mesure, le black-bass. Avec ces deux espèces, tout se joue souvent dès la première descente après l’impact en surface, d’autant plus si l’on frôle une structure immergée. Dans ces cas le verdict est sans appel, l’attaque est immédiate !
Pour la truite aussi
Pour la truite, sur de beaux poissons, le choix du leurre souple permet d’augmenter la taille de la bouchée. À l’inverse, à l’ultra-léger, en été dans les ruisseaux, elle est aussi très efficace avec de micro-leurres de 2 à 3 cm avec des billes de 0,50 à 1,50 g. Ces minuscules faux vairons maniés font la différence, sur les secteurs très fréquentés.