Décider de faire l’ouverture du brochet sur un spot que l’on explore pour la première fois est courageux ! C’est un vrai challenge, de ceux qui ne s’improvisent pas. La première des choses à faire est de chercher des informations. Il est en principe assez simple de s’informer sur la population de brochets (densité, taille moyenne), l’encombrement, la profondeur, la configuration des lieux (voir encadré). Les sources sont connues : fédération de pêche, AAPPMA (documentation en ligne, coup de fil), détaillants du secteur et, éventuellement, réseaux sociaux ou forums sur Internet. Si l’endroit n’est pas trop éloigné de votre domicile, vous pouvez même y faire un tour quelques jours avant l’ouverture pour prendre la température, observer une éventuelle activité, la présence d’herbiers, etc.
La topographie
Même si vous pêchez un plan d’eau pour la première fois, vous ne partez pas forcément de zéro à propos de sa topographie. On peut trouver une cartographie bathymétrique en ligne, gratuitement. Autre option : consulter des vues aériennes ou satellites qui parfois donnent quelques informations utiles (accès, relief des berges, hauts-fonds apparents, exposition aux vents dominants, etc.). Voici quelques ressources en ligne :
- Bathymétrie : bases de données communautaires, créées et mises à jour par des utilisateurs de systèmes cartographiques, notamment Lowrance (www.genesismaps.com/socialmap/) et Navionics (https://webapp.navionics.com)
- Vues aériennes : Geoportail, Google Earth, Google Maps
Que faut-il chercher ?
Les tenues des brochets évoluent constamment et obéissent à des cycles saisonniers, d’autant plus importants que le biotope est vaste. Ils se sont tenus en eau profonde et calme en hiver, ont migré vers des bordures peu profondes pour leur reproduction puis ont reflué progressivement vers des zones plus creuses ou plus au large. À l’ouverture, selon les régions, les biotopes et les conditions climatiques du printemps, les poissons ont fini de frayer depuis longtemps ou viennent juste de terminer. Ils sont donc plus ou moins éloignés des zones de reproduction. C’est ce phénomène qu’il importe de bien comprendre pour élaborer une stratégie. Même dans des étangs où la profondeur semble uniforme, ces mouvements existent car il y a toujours des zones plus ou moins profondes, plus ou moins abritées du vent, etc. On a souvent tendance à ne penser la pêche du brochet qu’en termes de postes (arbre mort, belle touffe de nénuphars, etc.). Mais en réalité, un poste parfait en apparence ne donnera rien s’il est dans une mauvaise zone. Il faut donc chercher en priorité cette bonne zone pour ensuite y chercher les meilleurs postes. À noter que même si l’on est sur une zone porteuse, les postes évidents peuvent être décevants si la pression de pêche est importante et que les brochets y sont constamment dérangés. Ils peuvent alors avoir tendance à se tenir au large, à distance limite de lancer. Même chose si l’eau est claire, le temps calme et ensoleillé : le poisson a alors tendance à se décaler vers le large. Ne pêcher que la bordure, c’est passer alors à côté d’une belle pêche de pleine eau.
Où chercher
Mais comment trouver une bonne zone ? Par un mélange de raisonnement, d’observation et de tâtonnement. Fin avril, il est raisonnable de penser que les brochets ne seront pas très éloignés des zones peu profondes. Pour choisir, on peut considérer leur exposition. Sur la rive nord, elles sont plus abritées des vents froids et chauffent plus vite : un bon choix si la météo du printemps a été froide. Mais si elle a été chaude, une baie sur la rive sud, dont le réchauffement aura été plus tardif, offrira peut-être des poissons au cycle moins avancé, donc plus en bordure et plus faciles à trouver. Ce type de raisonnement peut vous amener à essayer plusieurs zones éloignées dans la journée, mais c’est au final la meilleure approche.
Essayer
Ceci dit, même si les brochets sont encore à proximité des zones peu profondes, ça ne veut pas forcément dire qu’on va les trouver collés à la berge dans 50 cm d’eau. Ils vont sans doute s’écarter pour trouver un peu de profondeur. Là encore, la seule façon de le savoir est d’essayer. L’idée est de commencer par tester l’hypothèse la plus favorable (poisson peu profond, proche de la berge), puis d’élargir la recherche en cas d’insuccès. Par exemple, si un peu à l’écart de cette zone peu profonde existe un secteur plus creux, plus abrupt ou plus encombré, les brochets peuvent s’y tenir en dehors des périodes d’activité. Faire quelques centaines de mètres pour se nourrir ou regagner une zone de repos n’est pas un problème, c’est même leur routine sur certains secteurs très plats où les structures sont rares. C’est d’autant plus vrai pour les grands brochets qui n’ont pas les mêmes exigences en matière de sécurité que les jeunes. Il est assez rare d’en trouver collés à la berge s’il n’y a pas une déclivité importante ou la sécurité d’un poste encombré (gros bloc, arbre noyé…).
Deux hypothèses
Sans résultat probant sur une zone peu profonde (fond de baie, par exemple) ainsi qu’en élargissant la prospection vers le large, il faut envisager deux hypothèses : pas la bonne heure ou pas la bonne zone. Les deux sont possibles. Fin avril, les nuits peuvent être encore fraîches et sur une zone peu profonde, à faible inertie thermique, ça se traduit par une baisse sensible de la température de l’eau. La pêche peut être médiocre en début de matinée mais très bonne en fin d’après-midi quand l’eau a gagné plusieurs degrés. Mais il se peut également que le poisson ait filé vers des zones plus profondes, surtout si le printemps a été précoce, et se tienne en sortie de baie. Dans des lacs dépourvus de végétation, il est fréquent que les plus gros brochets fassent des allers-retours au gré de leurs phases d’activité et de repos. Au repos, les pélagiques sont au large près de structures profondes en sortie de baies (pointes, cassures). En activité, ils rentrent dans la baie pour se nourrir soit en mode itinérant, soit en se calant sur les meilleurs postes. C’est ce qui explique également, outre la température, qu’une zone devienne productive alors qu’elle ne donnait rien jusque-là.
Quelle technique
Concernant la pêche elle-même, beaucoup accordent une grande importance au choix de la technique, alors que c’est très secondaire par rapport au choix des secteurs. On doit surtout coller à la configuration des lieux et à l’humeur des brochets à l’instant t. Ça peut sembler complexe mais c’est assez simple. La profondeur donne le grammage et la profondeur d’évolution du leurre, l’encombrement donne le type de leurre (voir encadré). Les résultats, bons ou mauvais, indiquent si les brochets réagissent à des leurres provocants/rapides ou s’il faut, au contraire, ralentir et être plus insistant. Avec ces quelques critères, on a déjà bien dégrossi les choix techniques possibles, sachant qu’on commence toujours par le plus rapide et le plus provocant avant de baisser en intensité.
Le choix des leurres
- Eau peu profonde, encombrée (herbier, bois mort) : spinnerbait, chatterbait, texan avec palette, leurre de surface (fin de journée). Si ça ne donne pas, texan lent peu ou pas plombé, jig.
- Eau peu profonde et peu encombrée : idem plus crankbait peu plongeant, wake bait, cuiller tournante, swimbait léger (souple ou dur), jerkbait (suspending avec pauses si poisson peu agressif).
- Eau plus profonde, pleine eau, peu ou pas d’obstacles : il faut augmenter le rayon d’action du leurre. Big baits (durs ou souples), leurres bruiteurs ou visibles de loin (gros rolling, grosses vibrations, couleurs flashy)