De son propre aveu, il ne s’attendait pas à en arriver là. Sébastien Delmas est né le 30 septembre 1991 dans une petite commune au pied du massif du Canigou, Vernet-les-Bains, située entre Font-Romeu et Perpignan. « Je suis d’origine montagnarde, énonce-t-il fièrement avec son accent du Sud-Ouest. Un Catalan des Pyrénées-Orientales ! » Il fait ses premiers pas à la pêche dès l’âge de 3-4 ans, initié par son père. Rien que du très classique : truite en lac et en rivière.
Au bord de l'eau
Mais adolescent, sa passion, c’est le VTT, qu’il pratique à un bon niveau amateur. Puis viennent les sports de montagne, qu’il affectionne toujours : escalade, randonnée, trek, ski, un peu de spéléologie… Dans un calendrier surchargé, il essaye aujourd’hui de terminer les 1100 km du GR10 à travers les Pyrénées. Bac en poche, Sébastien Delmas enchaîne avec un DUT Environnement, à Perpignan, et une licence pro au lycée agricole d’Ahun, dans la Creuse, pour se spécialiser dans la gestion des cours d’eau. Après un dernier stage au conseil départemental, il est embauché en tant que technicien rivières puis se spécialise dans l’eau potable. « Je me suis épanoui sur des thématiques comme la continuité écologique et la gestion de la ressource, détaille Sébastien, et sur l’entretien des ripisylves et la gestion des ouvrages hydrauliques. » Il est aussi garde-pêche de son AAPPMA d’Ille-sur-Têt, et ce depuis 2012 : « Je voulais aider la pêche et les milieux aquatiques, rappelle-t-il. J’étais déjà le plus jeune des gardes et de loin ! Je voulais m’impliquer. »
Le coup de fil décisif
En 2017, il suit une formation pour mener à bien les pêches électriques en tant que bénévole, une dizaine de fois par an avec le personnel de la fédération. Ce rapprochement le remet à la truite à la mouche et aux leurres, ainsi qu’au carnassier avec un ami. Sébastien, déjà très impliqué donc, décide, avec le président de son AAPPMA, d’aller plus loin à l’occasion des dernières élections. Il y avait pas mal de renouvellement dans les associations et une trentaine de candidats se présente pour les quinze places du conseil d’administration. La veille des élections, un seul candidat s’est déclaré pour la présidence mais un coup de téléphone change la donne : « Je visais le secrétariat général, je n’avais pas l’ambition d’être président, avance Sébastien. Mais René Pateau m’a appelé et on a parlé pendant une heure ! » L’ancien président de la fédération le connaît peu mais a entendu parler de lui et le convainc qu’il a réellement le profil d’un président. Il hésite mais sa femme et ses amis l’assurent de leur soutien. Aujourd’hui, Sébastien ne le regrette vraiment pas !
Dans le bain
Le samedi 19 mars, avec onze voix contre quatre pour Bernard Lopez, aujourd’hui trésorier, Sébastien Delmas devient le plus jeune président d’une fédération de pêche. « Notre directeur, Olivier Baudier, m’a tout de suite mis dans le bain, raconte Sébastien. Il m’a briefé sur les premières échéances, m’a accompagné sur les premières étapes. Nous travaillons en complémentarité, nous parlons le même langage ». Interrogé, Olivier Baudier confirme la motivation, le côté très humain et le sens du contact de Sébastien. « Le précédent président avait 50 ans de plus, rappelle Olivier. Sébastien a un discours audacieux sur la préservation des milieux, la protection des poissons, en lien avec ce qu’attendent les pêcheurs. » Sébastien Delmas, qui aime les défis et les aventures, va être servi ! Les premiers mois montrent en tout cas qu’il endosse son costume avec sérieux. Très sollicité par les AAPPMA, par les salariés, il ne cède pas de terrain si facilement et chaque décision est réfléchie. Il lui a fallu gérer la sécheresse et les quelques tensions avec la préfecture.
Son premier chantier a été de réorganiser la fédération. « Je veux bien être le capitaine, mais le bureau de la fédération, c’est un peu comme le pack d’une équipe de rugby, explique-t-il. Tout le monde doit pousser dans le même sens ! » L’image de l’Ovalie, ça parle dans la région… Sébastien décide de mieux répartir le temps de travail de chacun et d’embaucher les mois suivants quatre renforts pour passer de huit à douze salariés, avec des contrats opportunistes (apprentis, CDD, etc.). Des commissions sont créées, Sébastien en animant une. Grâce à Instagram, Tik-tok et Facebook, la volonté de mieux communiquer auprès des 10 000 pêcheurs du département s’affirme.
Mille projets
Sébastien a le relationnel facile et consacre une demi-journée par semaine avec son directeur à rencontrer les acteurs majeurs du département, histoire de débloquer des subventions pour les futurs chantiers ou de résoudre certains problèmes. « Tisser un réseau est hyper important, martèle-t-il. Il faut bosser avec tout le monde, solliciter les élus pour que la pêche soit actrice du système. » Parmi les grands chantiers de son mandat, Sébastien veut simplifier la réglementation, revoir les quotas truite à la baisse, développer l’école de pêche, créer un parcours no-kill dans chaque AAPPMA, supprimer l’option barque à 15€ sur la carte de pêche, travailler sur le bon état écologique des cours d’eau, préserver les rivières de montagne, restaurer certains secteurs en plaine, mieux gérer les empoissonnements, promouvoir la pêche dans le département avec des influenceurs.
Bien chargé
Et tout ça en préparant l’accueil des championnats du monde de pêche à la mouche, prévus en 2024 dans la région Occitanie… Un emploi du temps à conjuguer avec une vie privée marquée par l’arrivée d’un bébé il y a un an. En y réfléchissant bien, on se dit que peut-être, un second mandat ne sera pas de trop ?
Plus loin encore ?
Sébastien Delmas a intégré le bureau du Club halieutique interdépartemental (CHI, 37 départements) et est aussi responsable d’une commission à l’Association régionale d’Occitanie (Arpo, 13 départements). Avec l’ambition un jour d’être en haut de l’échelle, qui sait ? Claude Roustan, l’actuel président de la FNPF, avoue en tout cas considérer ce nouveau venu comme une véritable chance pour la pêche en France. Il se félicite de son ouverture d’esprit et ne cache pas miser beaucoup sur Sébastien et sa vision progressiste de la pêche.