J'ai débuté ma carrière de pêcheur aux leurres en traquant les truites dans une petite rivière normande. L’enfant que j’étais n’avait pas un choix conséquent dans ses armes à l’époque et, en gros, je ne disposais que de quelques petites cuillers tournantes, à la palette argentée ou cuivrée. C’est dire si les choix étaient restreints, si bien que du matin jusqu’au soir, c’est le même leurre qui restait au bout de la ligne. Bien sûr, ma collection s’est depuis fortement élargie, au point d’encombrer de très nombreux placards, et même souvent plus, au grand dam de mon épouse. Mais il est fort probable que cette absence de diversité ait forgé en moi une certaine habitude; ainsi, le changement permanent de leurre ne constitue pas mon credo.
Changer souvent : conséquence logique du volume extravagant de nos boîtes
Nos boîtes à leurres sont de plus en plus nombreuses et de mieux en mieux garnies. Les pêcheurs en bateau disposent pour la plupart d’un véritable arsenal qui leur permet de sortir les armes du moment. Il n’y a qu’à observer des pêcheurs qui s’apprêtent à partir d’un quai et qui préparent leur matériel pour se rendre compte qu’ils sortent de leur boîte une multitude de leurres souples ou durs qu’ils préparent et déposent sur la moquette du bateau, histoire de les avoir immédiatement à portée de main. Cette présélection est basée sur plusieurs critères, dont notamment la recherche du fameux pattern, mais se résume aussi parfois au choix de quelques leurres dans lesquels nous avons toute confiance du fait de leur succès passé. Le mot confiance me semble ici important à souligner, et nous y reviendrons. Le changement de leurre, sujet qui nous préoccupe, trouve sa logique lorsque le leurre utilisé n’obtient pas les résultats attendus. Chaque nouveau modèle essayé doit nous permettre de progresser dans la compréhension de ce que souhaite le carnassier. Si nous remplaçons un shad de la marque X de coloris perche en 15 cm par un shad identique de la marque Y, il y a de grandes chances que le résultat final soit le même. Le changement, sans être systématiquement radical, doit toutefois être significatif. Il s’impose parfois à nous lors d’un changement de poste qui correspond à une modification significative de configuration. Si l’on passe en effet d’une zone de shallow à une fosse de plus de dix mètres, il est fort probable qu’un ajustement technique pour pêcher juste soit nécessaire, et l’interversion de leurre devient alors évidente. Si à l’inverse, je change de poste pour pêcher une configuration similaire, conserver le même leurre au bout de la ligne n’est pas non plus illogique, surtout s’il a été efficace. Ce qui pousse à changer de leurre, c’est que nous estimons que le leurre que nous avons est probablement moins efficient que celui que nous envisageons de mettre. Lors des périodes de faible activité du brochet, le changement de leurre peut aussi devenir une sorte de jeu un peu cruel où tous les modèles de la boîte y passent. Le résultat est, dans ce cas, que le pêcheur perd peu à peu confiance, passe plus de temps à trifouiller dans ses boîtes plutôt qu’à pêcher. Finalement, on arrive parfois à des pêcheurs qui ne croient plus en rien, qui ont perdu toute confiance et qui peuvent passer au travers des fenêtres d’activité. À l’inverse, lorsque les poissons sont franchement actifs, le changement de leurres devient moins naturel. Nous arrivons sur un poste, les carnassiers sont réactifs et nous touchons quelques poissons, puis les touches s’estompent. Nous décidons alors souvent d’aller voir ailleurs et de changer de postes, alors que l’utilisation de leurres différents, souvent plus petits, permet très souvent de récolter quelques touches supplémentaires. Notre utilisation du downsizing se heurte également parfois à la pensée restrictive que seul un leurre de gabarit hors norme est susceptible de tromper un beau carnassier.
Des vertus du leurre de base
Vous l’avez compris, je suis plutôt du genre à insister assez longuement avec un leurre avant de lui trouver un remplaçant. Cela ne signifie pas non plus que je suis obtus, car si je constate que les pêcheurs qui utilisent du métal obtiennent plus de résultats que moi au souple, je change alors sans aucun problème. Je pêche de manière générale avec des leurres qui ont toute ma confiance et qui font de moi un pêcheur endurant et concentré. J’y crois du matin jusqu’au soir et, lorsque je suis un peu fatigué à force de lancer, je préfère m’arrêter quelques minutes plutôt que de prendre le prétexte de changer de leurre. La question du changement de leurres devient prégnante lorsque les conditions sont un peu difficiles et que l’activité des carnassiers est timide. Trop souvent, nous ne changeons pas réellement de leurres et nous remplaçons un swimbait par un autre swimbait ou un shad par un autre shad. Les changements plus radicaux, en alternant les familles de leurres, me semblent dans ce cas plus appropriés. Personnellement, je préfère malgré tout très souvent conserver mon leurre fétiche, en changeant radicalement l’animation. Pêcher lentement, pêcher vite, alterner les vitesses de récupération, varier l’intensité des tractions, faire en sorte que le leurre alterne les posés sur le fond et les remontées rapides vers la surface et inversement… Autant de pistes qui donnent de la vie et une nouvelle animation à votre leurre. Je dis toujours à de jeunes pêcheurs que je côtoie lors de mes sorties que, derrière les magnifiques packagings que nous proposent les fabricants, il n’y a pas qu’un leurre, mais plutôt dix façons de pêcher.