1. Des débuts laborieux
À partir des années 1980, l’accueil réservé au silure par les pêcheurs fut plus que mitigé. Les choses ont évolué depuis.
L’arrivée du silure dans nos milieux sauvages a peu à peu bousculé, c’est vrai, la répartition des espèces sur certains biotopes. Sa taille et sa puissance ont souvent mis à mal les lignes des amateurs de sandre et de brochet qui croisaient accidentellement sa route. En parallèle, un physique difficile et un attrait culinaire quasiment nul ne plaidaient pas en sa faveur. Dans les compétitions multi-carnassiers, il n’était même pas comptabilisé. Ces premiers éléments vont alimenter une certaine méfiance au sein d’une couverture médiatique néanmoins assez large, comme le révèlent les chercheurs Jean-Marie Bodt, Frédéric Santoul et Muriel Lefebvre dans leur très intéressant rapport de 2017 (Analyse du traitement médiatique du silure – https://doi.org/10.4000/vertigo.18425).
Un rebond favorable
Depuis, les connaissances scientifiques ont tempéré ces jugements. La controverse est toujours présente mais, sur l’eau, les pratiques de terrain vont vers une plus grande tolérance, une sorte de banalisation de la présence du silure parmi les cibles potentielles des pêcheurs de loisir, au même titre que le brochet, le sandre ou la perche. Ses techniques de pêche sont même enseignées à part entière dans les centres BPJEPS Pêche de loisir où sont formés les guides. En parallèle, l’évolution de la technicité du matériel et sa démocratisation rendent la recherche de cette espèce abordable au plus grand nombre. Sa pêche est accessible à tous, en famille, avec des enfants, ou simplement pour sortir de ses routines habituelles. Riche en émotions, l’éclectisme de la pêche du silure en fait un support idéal pour de nombreuses approches. En linéaire, en verticale, aux leurres durs ou souples, aux appâts naturels, du bord ou en bateau, occasionnellement, en vacances ou sur toute une saison, il y a en fait mille et une ouvertures possibles pour se lancer dans cette pêche quelques fois dans l’année à la recherche de ce poisson fascinant.
Mouche, coup, feeder
De nombreux pêcheurs fans du silure développent des pêches spécifiques faisant appel à des techniques très diverses : mouche, coup, feeder, etc. Dans notre n°895 de décembre 2019, nous vous avions présenté l’un d’eux, Jean-Charles Maurs qui avait à son tableau de chasse un spécimen de 2,54 m, pris à la mouche. Toutes ces approches deviendront vraisemblablement des techniques classiques dans quelques années.
2. Les pêches du bord
En choisissant bien ses postes, il est possible de réaliser de très belles pêches, dans l’action comme dans le résultat, à partir de la berge et sans avoir besoin d’un bateau pneumatique ou d’un float-tube.
Depuis la berge, le silure répond très bien à une pêche de fond avec une canne de 2,70 à 3m et de puissance 300 à 500 g, capable de lancer jusqu’à 200 g. Possible toute l’année, j’adore cette technique ancestrale qui consiste à présenter un joli bouquet de vers de terre dans une rivière en crue. À l’entrée d’une prairie inondée, elle est encore plus redoutable en soulageant l’appât par l’intermédiaire d’un petit flotteur sous-marin. Jadis, la faiblesse des corps de ligne en nylon était un frein face à de gros spécimen. Désormais, la banalisation des tresses de 40 à 55/100 (30 à 60kg) a complètement levé cette limite. En adaptant simplement l’armement (tandem) pour présenter un poisson blanc mort ou vif, l’approche s’apparente à celle du sandre en plombée. Le montage étant en place, la canne reste en attente sur un support, en position haute si le courant est fort et les eaux chargées, afin d’éviter de ramasser trop de débris dérivants. En eau calme, une position horizontale expose moins la bannière aux caprices du vent. Frein desserré ou débrayé, il faut surtout rester attentif aux mouvements du scion qui peuvent signaler un départ imminent.
Façon carpiste
Les pêcheurs de carpes en batterie ne seront pas dépaysés. Ils pourront reconvertir leurs cannes à spoder (conçues pour amorcer) ou utiliser des modèles de 4-5lbs. Une tresse de 28 à 38/100 convient ici ainsi qu’un montage autoferrant classique. Il suffit d’utiliser des composants des gammes carpe (émerillon rolling, bas de ligne, hameçon simple) de très bonne qualité et dans des tailles plus importantes. Pour les bouillettes, toutes les formules carnées marcheront, les silures répondant bien aussi aux recettes épicées. Sur des postes similaires à ceux fréquentés par les carpes (plateaux, trouées, zones de graviers, pieds de tombant, pointes d’îles), avec un amorçage bien compact et un peu lourd et une certaine dose de patience, on doit parvenir à ses fins. Avec une approche hybride, on peut même profiter de leur activité nocturne sur des parcours autorisés à la pêche de la carpe de nuit pour croiser quelques silures en pleine recherche alimentaire.
En pêche itinérante
Mais opter pour une pêche itinérante à pied, plus active donc, est également une excellente démarche. Ce genre de session se pratique avec une canne unique et quelques boîtes et accessoires glissés dans la musette ou le sac à dos. Pas question donc de se surcharger outre mesure. En général, le pêcheur de carnassier itinérant s’équipe d’une canne polyvalente de manière à pouvoir viser plusieurs espèces, perche, chevesne, sandre, brochet. Ça n’est pas possible avec le silure qui impose une canne spécifique : de 2,70 à 3m, pour une puissance comprise entre 50 et 180g. Dans deux boîtes, on pourra transporter des leurres souples (tous types, tous coloris) de 14 à 25cm et quelques leurres spécifiques : spinnerbait, tournante, chatterbait, crankbait, rubber jig avec écrevisse.
Adapter le matériel
Quelques têtes plombées, des hameçons texans et une petite trousse d’accessoires indispensables (pince, lime, ciseaux, gant, chiffon) compléteront cet équipement. Les pêcheurs de brochet aux bigbaits, qui possèdent déjà l’ensemble du matériel nécessaire, ne seront pas dépaysés. Même gestuelle, mêmes types de postes, les pêcheurs de sandre au manié eux aussi, qui ont certainement déjà croisé plus ou moins malencontreusement sa route, adapteront leur matériel pour traquer le silure de la même façon, surtout à partir de la saison froide.
Du costaud
Une canne de 2,70m à 3m d’une puissance de 100 g conviendra avec un moulinet en taille 4000 à 5000 et une tresse de 28 à 35/100. L’armement doit aussi être sérieusement renforcé avec des hameçons forts de fer, tailles n°1 ou 1/0. La bouchée n’aura pas forcément besoin d’être surdimensionnée.
Bien manipuler un silure
Dépourvue d’écailles, la peau d’un silure est très lisse. Pour préserver son mucus, avant la remise à l’eau, il est important de se mouiller les mains avant de le manipuler. Hors de l’eau, un silure subit son poids. Pour ne pas provoquer de lésions internes, il faut éviter de placer la main sous les parties molles du ventre, mais privilégier l’arrière de la nageoire anale et le dessous de la pectorale. Si un spécimen est trop gros pour être soulevé, réceptionnez-le sur une bâche mouillée. Au moment du décrochage, prenez soin de ne pas endommager ses barbillons. Organes sensoriels à tout faire, ils sont à la fois la vue, le toucher et le goût du silure. Les arcs branchiaux sont très vascularisés et leur rupture entraînerait immédiatement un saignement abondant. Dans ce cas, mieux vaut remettre le poisson immédiatement à l’eau. Enfin, si l’hameçon est piqué trop profondément, coupez proprement le bas de ligne au ras de l’œsophage. Acides digestifs et corrosion en débarrasseront le poisson.
3. Les pêches en bateau
Le bateau permet d’accéder à des postes inaccessibles du bord. En outre, la présence d’un sondeur va ajouter encore à de très belles opportunités.
Pêcher en bateau donne à mes yeux un sentiment de liberté absolue, alliant les plaisirs de la pêche et de la navigation. D’un point de vue pratique, cela permet aussi d’accéder à de nouveaux postes, parfois inaccessibles à pied, et de pratiquer certaines techniques spécifiques plus ou moins délicates, comme la verticale, la pêche au flotteur ou celle des poissons pélagiques à l’échosondeur, par exemple. Praticable toute l’année ou presque, la pêche au flotteur est une approche simple techniquement qui permet aux néophytes de se familiariser avec les manipulations élémentaires du matériel. Canne, moulinet et ligne doivent être robustes. Ces gros éléments (ligne, bas de ligne, accessoires, armement) facilitent l’apprentissage des nœuds de base communs à toutes les pêches : boucle, raccord boucle dans boucle, nœud sans nœud, nœud de Grinner, nécessaire à la réalisation du montage.
Un montage simple
Une canne silure de 2,40 à 2,90m avec une puissance moyenne de 400g et un moulinet en taille 6 à 8000 conviennent parfaitement. Pour une pratique encore plus exceptionnelle, un fort ensemble brochet pourra convenir également. Le montage met en jeu un stop-float, un flotteur coulissant, un plomb, un émerillon baril et un bas de ligne. L’armement est simplement constitué d’un hameçon triple n°1/0 à 3/0 pour pêcher aux vers de terre, un tronçon de calamar ou des tripes de volailles. Avec un poisson, deux hameçons (un simple et un triple) en tandem permettent de limiter les risques de ferrage dans le vide.
Les bons spots
L’idéal est d’axer sa pratique sur un emplacement typique de la pêche du silure : belle coulée profonde, pile de pont, arbre mort, large virage, etc. Avec l’expérience, on apprend à détecter soi-même les spots les plus propices. Le bateau étant positionné, par un ancrage physique ou au moteur électrique, on sonde pour connaître la profondeur de l’eau puis on règle la position du flotteur sur la ligne de manière à ce que l’appât évolue entre 50cm à 1,50m au-dessus du fond. Ligne à l’eau, l’action de pêche consiste à piloter son flotteur à l’aide de sa canne afin que, porté par le courant et poussé par le vent, il parvienne sur les zones ciblées. Sa disparition brutale, un déplacement latéral franc et rapide ou bien encore des tressautements et une mise à plat couché sur la surface indiquent à coup sûr la touche. Il s’agit donc d’une pêche très visuelle qui permet aux débutants d’affûter leurs sens de l’eau et de l’observation.
La verticale
Pour de nombreux pêcheurs de silure, la verticale est indissociablement liée à la pratique depuis une embarcation. Là encore, le pas entre la recherche de la perche et du sandre et celle du silure est vite franchi : ce n’est qu’une question de résistance de l’ensemble canne-moulinet-ligne. La mise en œuvre consiste à présenter un appât ou un leurre à l’aplomb du bateau, quelques centimètres au-dessus du fond ou d’un poisson repéré à l’échosondeur. Les montages sont plus lourds ce qui permet de « sentir » le fond, avec ses différents types de substrat, plus facilement, plus nettement. Cela facilite également le maintien de la ligne à l’aplomb de l’embarcation et le repérage du montage à l’échosondeur. Enfin, les silures sont plus facilement identifiables à l’écran, moins susceptibles d’aspirer l’appât sur le fond sans être détectés comme savent très bien le faire parfois ces diables de sandres.
Façon brochet
On peut tester la verticale sans équipement spécifique puisqu’il suffit de disposer d’un ensemble type jerkbait pour le brochet et de quelques fireballs lourds. Cela peut servir sans (trop de) problème pour vos premiers tests de pêche du silure en verticale, bien que le combat ne soit pas des plus agréables sur un matériel.
En linéaire
Pour les pêcheurs qui préfèrent bouger un peu plus que les amateurs de verticale, le silure répond également très bien aux récupérations simples en lancer-ramener. Chatterbait, cuillers ondulantes, leurres souples, toute la palette des leurres récupérés en linéaire peut conduire à croiser la route d’un silure. À la belle saison, les stratégies des pêcheurs de brochets telles que le pélagique ou le powerfishing sont duplicables pour rechercher les silures dans le même esprit. En fin d’automne et en hiver, les pêches linéaires à gratter, typées sandre, apporteront d’excellents résultats sur les silures également.
Les pélagiques
Comme pour les gros brochets, il est possible d’attaquer les silures en cherchant à repérer les poissons pélagiques. Ce sont généralement des sujets de belle taille, plutôt isolés ou ne se déplaçant qu’en tout petits groupes de deux ou trois individus, suspendus au milieu ou vers le haut de la couche d’eau, même au-dessus d’une belle profondeur. Généralement, ces individus sont actifs et répondent instantanément au passage d’un leurre bien présenté. Un ensemble brochet au bigbait (H, XH ou XXH) convient à ce type d’approche. Pour le silure, mieux vaut même parier sur des leurres plutôt moins gros que pour le brochet en restant par exemple dans la tranche des 15-25cm pour les shads.
Power fishing
Se déplacer vite et prospecter rapidement les berges sauvages permet de débusquer de nombreux silures : leurre de surface, leurre souple, crankbait, tournante sont autant d’options déjà bien connues des amateurs de brochet. On peut même ajouter toute la palette deep jig et craw pour traquer les silures comme des black-bass. À skipper sous les frondaisons, pitcher dans les trouées d’herbiers denses et à faire traverser les couverts végétaux. Les silures ne sont jamais bien loin de ce type de poste. On peut très bien utiliser directement un combo type jig heavy cover ou swimming jig (blank H ou XH). On prévoit alors un moulinet rustique, car les disques de frein s’usent vite à ce jeu, un polynylon légèrement fort (35 à 40/100) et un bas de ligne en fluorocarbone 90/100. Pas de tresse ici car ces silures embusqués mettent la misère sur les premiers rushes et les frictions du corps de ligne dans la végétation sont systématiques, ce que supportent assez mal les tresses. Les contacts se faisant en outre à faible distance, frein serré, sur des blanks d’action plutôt raide, l’élasticité du nylon redevient un réel avantage.
À vous de jouer !
Alors, que vous soyez pêcheur débutant ou confirmé ou plus habitué à vous mesurer à d’autres espèces, à pied ou en bateau, avec ou sans matériel spécifique, et ce quelle que soit la saison, il y aura toujours une ou plusieurs techniques qui vous permettront de goûter aux émotions incomparables qui accompagnent toujours la capture d’un grand silure.
Pêche en linéaire à gratter
En hiver, la pêche en linéaire aux leurres souples à gratter le fond sur des postes précis est une approche redoutable. La gestuelle est la même que pour la pêche du sandre. En eaux froides, il n’est pas absolument nécessaire de pêcher avec de très gros diamètres. Une canne pour pêcher aux leurres polyvalente (20-80 à 50-120g) de 2,40 à 2,70m, couplée à un moulinet en taille 4000 permet, en étant patient, de mettre au sec de jolis silures un peu engourdis par les eaux froides.