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Le Portugal, un nouvel eldorado

L’Espagne est une destination de pêche sportive majeure en Europe. Son formidable potentiel halieutique attire de nombreux pêcheurs qui viennent traquer sandres, brochets, black-bass, perches et barbeaux, rien que ça ! Mais peu nombreux sont ceux qui passent la frontière du Portugal, enclavé dans la péninsule ibérique. Si l’Espagne voisine propose de nombreuses structures de pêche, c’était moins le cas au Portugal jusqu’à peu.

Depuis quelques années, plusieurs guides français se sont installés au Portugal et proposent leurs services sur différents secteurs, palliant ainsi ce déficit d‘offres et permettant aux pêcheurs français d’aller en découdre avec les nombreux poissons locaux. Toujours désireux de pêcher de nouveaux spots, je propose donc à mes deux acolytes, Bruno et Aurélien, de tenter l’aventure. Je n’étais pas vraiment inquiet quant à leur motivation, et c’est chez Joaquim Torres, un vieux copain, que nous mettons le cap.

Le barrage est immense mais se caractérise par ses nombreux petits bras agréables à exploiter.
Crédit photo : Arnaud Brière

Un sacré spot de pêche

Joaquim est guide de pêche en France et fait prospérer une très belle structure alliant boutique, guidage et services nautiques sur le magnifique lac du Bourget, en Savoie. Portugais d’origine, c’est tout naturellement qu’il organise des séjours clés en main dans son pays natal depuis 2015. Renseignements pris, nous pêcherons le lac d’Alqueva. Puisqu’il est peuplé principalement de sandres, de black-bass et de barbeaux comizo, j’enlève avec une certaine joie tous les leurres à brochet de mes boîtes et prépare le matériel adapté. Un voyage de pêche commence toujours dans son garage avec la préparation de la valise, et les inévitables déchirements qui s’imposent lorsqu’on réalise qu’on ne peut pas tout emmener… Il faut faire des choix, et je bourre mon sac de leurres souples ainsi que de quelques leurres durs genre spinners, lipless et crankbaits (et quelques swimbaits quand même, on ne sait jamais…). Rendez-vous est pris à Orly, où nous nous retrouvons tout excités pour le départ. Le vol pour Lisbonne dure deux heures et nous débarquons rapidement sur le tarmac de l’aéroport de Humberto Delgado milieu novembre. Joaquim nous attend dans le terminal d’arrivée, et j’ai juste le temps de commander un petit sandwich de Pata Negra, le jambon fumé local, avant de prendre la route en direction de Reguengos de Monsaraz, sympathique petit village situé à une dizaine de kilomètres à l’ouest du lac, au cœur de l’Alentejo.

L’intérêt de ce lac, outre sa grande richesse halieutique, est sa fréquentation très raisonnable
Crédit photo : Arnaud Brière

En moins de deux heures, nous rallions notre hébergement, une petite maison, située à la sortie du village et devant laquelle trône un citronnier lourd de fruits. La question du citron pressé le matin est réglée ! Un petit mot quand même sur notre lieu de pêche : le lac de barrage d’Alqueva. Situé sur le cours inférieur du Guadiana, il représente, avec ses 25000 hectares, un des plus grands lacs artificiels d’Europe occidentale… Rien que ça. Constitué de trois gigantesques bras, il aligne les anses et les îles à perte de vue. Bois morts à profusion, éboulis et falaises, nés de la mise en eau de sierras arides, le cadre est magique et sent la pêche du black à plein nez. On a envie de pêcher partout, et les immensités imposent un traceur afin de ne pas se perdre, mais aussi afin d’éviter les hauts-fonds qui apparaissent en fonction des marnages. Bref, le terrain de jeu est dingue, et l’excitation est à son comble lorsqu’il s’offre à notre vue pour la première fois le lendemain matin.

Un joli bass pour Aurélien
Crédit photo : Arnaud Brière

Du vent mais des fishes

Joaquim nous guide sur un bass-boat motorisé avec 150 ch qui autorise des déplacements rapides. Mais un vent du nord assez violent (qui n’a a priori rien à faire là à cette saison et ne nous lâchera pas de la semaine) lève de belles vagues et tempère nos ardeurs. Cette maudite brise est froide et rendra les poissons timides… Qu’est-ce que ça doit être quand les conditions sont bonnes ! Nous filons vers le premier poste, et nous attaquons avec le pattern conseillé par le guide : bobine Nylon, montage texan assez light et armé d’une écrevisse. Les coloris bleu et violet feront vite la différence et resteront référents toute la semaine. Nous attaquons une pente douce entre deux îles où abondent les bois morts. Nous laissons descendre nos leurres en planant et animons à travers la couche d’eau par lentes saccades en attendant le toc (à la tirée) ou le décalage du fil à la descente.

Une forêt noyée, une structure parfaite pour loger des bass
Crédit photo : Arnaud Brière

Rapidement, j’ai un contact. Je ferre et sors mon premier bass portugais. Pas énorme (une trentaine de centimètres), mais il me fait bien plaisir. Bruno et Aurélien trouvent vite le rythme et se mettent à enchaîner les poissons. Quand les touches disparaissent, nous changeons de poste et nous dirigeons vers une falaise battue par le vent. Le contrôle de la ligne n’est pas simple, d’autant que nous sommes assez peu habitués à ces grands « ventres » dans le fil. La sensibilité de la tresse nous manque également, mais plus les heures passeront, plus nous prendrons nos marques. Nous prenons quelques poissons le long de cette falaise et en ratons pas mal. C’est le métier qui rentre… La journée défile à une vitesse folle, et nous touchons sur presque tous les postes. Quelques poissons plus gros viennent récompenser l’équipe, Aurélien se met facilement dans la peau d’un « basseur » américain et enchaîne les poissons. Nous finissons cette première journée dans une petite anse d’où émergent de nombreux arbres noyés. Sous notre coque, c’est une véritable forêt immergée qui s’étend, et tout le jeu consiste à ne ferrer que les poissons et pas les bois morts. Il faut être concentré et bien guider sa ligne, ce qui n’est pas toujours simple en Nylon. Mais l’exercice est passionnant, et tout le monde se prend au jeu. Sur la pointe qui termine cette petite crique, Joaquim prend une canne et se permet une petite démo. Aurélien saute sur la berge… et finit dans l’eau, comme d’habitude. La crise de rire qui s’ensuit clôture la journée et nous rentrons, absorbés par le paysage fabuleux qui défile sous nos yeux.

L’ami Bruno avec un joli sandre
Crédit photo : Arnaud Brière

Gros sandre dans la bourrasque

Retour à la casa, douche, apéro et direction le centre-ville pour le repas du soir : côtes de porc ibérique (deux cochons entiers pour quatre) et vin Douro nous rassasient. Vivement demain ! La nuit passe vite, et nous voilà de nouveau à pied d’œuvre. Nous sommes seuls à la mise à l’eau, et ce constat se fera toute la semaine. Le lac est à nous, et nous ne croiserons je crois que deux embarcations de pêche dans la semaine… Nous repartons « au bass » avec bonheur, mais le vent forcit et rend la pêche de plus en plus difficile. Nous changeons donc notre fusil d’épaule et nous nous réfugions dans une petite crique où rôdent pas mal de sandres selon le guide. J’en profite pour monter un Tokyo rig, ce montage qui vient tout juste d’arriver des États-Unis. Le plomb balle est enfilé sur une petite potence en métal qui traîne sur le fond alors que le leurre évolue quelques centimètres au-dessus, dans le nuage de substrat produit par le raclement du plomb au fond. Bruno et Aurélien passent en linéaire avec des petits shads. Je pêche à l’aplomb du bateau et je suis en train de les regarder lorsque je saisis une bonne touche. Sur la Seine ou à Alqueva, les cartouches de sandres sont les mêmes ! Je sors de l’eau ce poisson bien en forme qui avoisine les 70 cm. Je suis en train de faire une photo quand Bruno, qui grattait la bordure, sent lui aussi une touche. Et de deux.

Le Tokyo rig fut une belle révélation
Crédit photo : Arnaud Brière

On prend vite nos marques, et les sandres entre 50 et 70 cm se succèdent. En fin de dérive, quelques bois morts sortent de l’eau. On change nos cannes et quelques petits bass viennent compléter le tableau. On en profite pour sortir un spinner et un chatter histoire de voir les résultats, et Aurélien prend un joli poisson au spinnerbait… Finalement, il y a pire comme solution de repli. Nous ressortons de cette zone – plein de petites criques à l’abri du vent se succèdent – mais le vent est toujours aussi fort, et nous décidons d’insister sur les sandres dans un secteur bien plus profond. Quelques beaux échos traînent sur le fond dans dix mètres, mais la dérive est violente, et nous avons du mal à pêcher correctement. Pourtant, ça sent bon, alors nous insistons un peu, quand tout à coup je prends une grosse « cartouche » sur mon Tokyo rig armé d’un finess. C’est plus gros, et je vois apparaître un joli sandre qui frôle les 80 cm. Joaquim a du mal à ajuster la dérive au moteur électrique, et comme le vent forcit encore, nous rendons les armes, non sans avoir fait une ou deux escales « au bass » dans des petites zones abritées.

Au Portugal, on appréciera également la qualité de vie une fois la session de pêche terminée.
Crédit photo : Arnaud Brière

Une qualité de vie à la portugaise

Le retour se fait dans la bonne humeur, forcément. Le soir, nous avons la bonne surprise de changer de restaurant. C’est toujours aussi bon et copieux. Huit jours à ce régime et nous sommes bons pour la diète au retour ! En fait, nous changerons d’auberge tous les soirs. Toutes ont leur spécialité, et je trouve ça très agréable, d’autant que la région où nous sommes est l’un des premiers vignobles du Portugal et que la diversité des vins est surprenante. Les amateurs y trouveront leur compte. Les journées qui suivent seront du même tonneau, si j’ose dire. Nous alternons les postes à sandre ou à bass selon le vent et les conditions. Que demander de plus ? Quelques faits marquants viendront pimenter le programme. Une après-midi où nous sommes dans ce qui semble être le bout du lac (mais ce n’est que la fin d’une dérivation au milieu de centaines d’autres), le vent souffle fort et les vagues troublent l’eau sur la bordure, quand elles ne viennent pas « taper » sur de gros rochers émergents. Ça sent le power fishing, et nous passons tous aux leurres à réaction. Spinner, lipless et lame. Ça fait du bien de mouliner vite et de prospecter large. Bien nous en prend, car nous touchons quelques poissons, mais surtout, la taille moyenne est plus grosse. Des bass entre 35 et 44 tombent. Tout le monde a le sourire. De vrais gosses. Le pied !

Le plus gros sandre du séjour affichait 81 cm
Crédit photo : Arnaud Brière

Trois fois dans la semaine, nous sommes passés à la petite boutique d’articles de pêche locale, tenue par Duarte Cebola, véritable passionné du black-bass, compétiteur expérimenté, et charmant bonhomme. Nous y avons fait nos emplettes et acheté quelques pochettes d’écrevisses de la bonne couleur (malgré les 50 pochettes que j’ai en ma possession mais qui, bien entendu, « ne vont pas »). À notre troisième venue, Duarte se propose de passer nous voir le lendemain et de pêcher une paire d’heures avec nous. Voir un véritable spécialiste en action est inestimable, et nous acceptons avec enthousiasme.

Dans une anse à l’abri du vent, les captures de sandres s’enchaînent
Crédit photo : Arnaud Brière

La leçon de Duarte

Lorsqu’il fait son apparition au détour d’une colline le lendemain, nous rallions la berge pour l’embarquer et lui ménageons la meilleure place sur la plateforme avant pour jouir du spectacle. Les conditions de pêche ne sont pas au top. Le vent est toujours omniprésent et rend les poissons difficiles. Duarte ne fera pas de miracles, mais la leçon est bonne. Il anime de façon beaucoup plus nonchalante que nous et fait remonter son leurre souple beaucoup plus haut dans la couche d’eau, quitte à perdre pendant plusieurs secondes le contact avec le leurre lors de la récupération de la bannière. Une fois qu’il a engamé, le bass ne recrache pas tout de suite, et il ferre à la prise de contact suivante s’il sent quelque chose. Nous sommes conditionnés par le contrôle de la ligne et la résonance de la tresse, et c’est une erreur pour cette technique. Toujours est-il que nous tirons les leçons de ces deux derniers jours, et nous verrons la différence. Plus de touches, moins de ratés. Le déclic est là, et nous mettons à profit cet enseignement.

Aurélien a manifestement bien retenu la leçon de Duarte
Crédit photo : Arnaud Brière

Sacré comizo

Cette après-midi-là, après le départ de Duarte, nous filons vers une nouvelle zone où nous ne sommes pas encore passés. Il y a de « gros poissons ici » nous dit Joaquim, et tout le monde se regarde par en dessous… Bruno prend d’ailleurs vite deux jolis bass. Personnellement, j’opte pour une grosse écrevisse bleue, montée sur mon Tokyo rig, histoire de la faire musarder un peu sur le fond. Au passage d‘une pointe, à la sortie d’une petite baie prometteuse mais décevante, je sens une petite aspiration. Je ferre fort, mais ça ne bouge pas au fond… Je me fais même prendre quelques mètres de fil. Je m’imagine déjà avec le record bass du coin, mais le combat dure, tout en puissance, et plus les secondes passent, plus je me dis que ce n’en est pas un. Finalement, la masse du poisson passe sous la surface. C’est gros et tout doré : « Comizo ! » annonce le guide. Ce poisson-là fait bien 7 kg, et je suis aux anges. Sur une petite canne, c’était un régal, et le tableau est complet.

Le comizo constitue un adversaire de taille dont la puissance au bout d’une ligne est incroyable.
Crédit photo : Arnaud Brière

Le dernier soir, la veille du départ, Joaquim nous emmène dans un restaurant chic déguster de nouvelles spécialités. L’heure est au bilan, et tout le monde est ravi. Malgré les conditions peu favorables, nous avons pris beaucoup de poissons cette semaine (une cinquantaine par jour sur le bateau). La taille moyenne des bass n’est pas très élevée. Quelques spécimens de 40+ mais pas de 50. En revanche, la taille moyenne des sandres est sympathique. Nous reviendrons sans le vent tenter les plus gros. Vous l’avez compris, nous avons passé une belle semaine, immergés dans un cadre magnifique et insolite. Ces grands espaces, qui « sentent » la pêche à chaque endroit où se pose le regard, sont déjà une récompense de chaque instant. Le pêcheur qui est en vous le ressentira si vous y allez. Comme bien souvent, la convivialité est une condition sine qua none de la réussite d’un séjour, et nous n’en avons pas manqué. Nous devons ça à notre hôte, dont la gentillesse n’a d’égal que l’envie de faire plaisir. Une super expérience à deux heures de vol !

Joachim, le guide
Crédit photo : Arnaud Brière

Infos pratiques

■ Joaquim organise deux types de séjour tout compris avec hébergement, guide, bateau, pension complète, transfert aéroport et site de pêche (hors aérien).
■ Week-end du jeudi au lundi : 890 €.
■ Semaine du mercredi au mercredi : 1490 €.
■ Capacité de 3 à 6 pêcheurs.

Plus d’infos : Joaquim Torres - 0614324204 - joaquim.torres@centre-de-peche.fr


 

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