Lorsque j’ai organisé un voyage vers le Kamtchatka, c’était certes pour y croiser le fer avec ses vigoureux saumons du Pacifique comme le « silver » (cf. BSM n° 92), le « chum » (cf. BSM n° 96) ou le « sockeye » (cf. BSM n° 102) mais c’était surtout dans l’espoir d’accrocher à ma ligne ce mystérieux kundja. En effet, pour espérer le trouver, la route est forcément longue puisqu’il est intimement lié à la mer d’Okhotsk. Cette dernière est une mer épicontinentale peu profonde de l’océan Pacifique Nord. Elle est encadrée par la côte de Sibérie orientale, l’île de Sakhaline et l’île japonaise d’Hokkaïdo à l’ouest et par la péninsule du Kamtchatka et les îles Kouriles à l’est. Salvelinus leucomaenis étant un poisson anadrome, qui, comme ses cousins les saumons, va effectuer son grossissement en mer, c’est nécessairement sur un de ces territoires éloignés qu’il faudra se rendre pour espérer capturer un kundja. De mes expériences, je dirais que c’est sur la côte de Sibérie orientale, notamment dans la région de Magadan , et au Kamtchatka qu’on a le plus de chance de rencontrer cette espèce.
Un omble prédateur de grande taille
Ce whitespotted char, comme on le désigne fort logiquement de façon globale en anglais, est encore mal connu, comme bon nombre d’ombles d’Asie. Son nom est un dérivé de l’appellation russe « kundza ». Le corps est élancé. Le ventre est blanc argenté et le dos plutôt gris clair, parfois teinté de coloris jaunâtres. L’ensemble est ponctué de taches blanches très typiques. Ces points blancs sont de dimensions très variables et sont organisés très différemment suivant les endroits où vivent les poissons. Ils sont généralement plus gros sur les flancs et le ventre que sur le dos, où ils se terminent parfois sous forme de réticulations comme chez l’omble de fontaine. Les juvéniles, nés en rivière ou en lac, y restent jusqu’à quatre années en consommant des larves et des insectes. Puis ils vont partir en mer pour une phase de grossissement où ils se nourrissent essentiellement de crevettes et d’éperlans en restant à proximité des côtes. Lorsqu’ils retournent vers les eaux douces pour s’y reproduire, entre juillet et septembre, ce sont de très beaux poissons de 50, 60 ou 70 cm. Certains spécimens peuvent atteindre 100, voire 120 cm et passer alors les 10 kg.
Pêcher le kundja
On remarque immédiatement sa grande gueule largement fendue qui confirme qu’il est un grand prédateur. De fait, il semble conserver une forte agressivité lorsqu’il fait son retour en eau douce, et le kundja ne fait pas le difficile lorsqu’il s’agit de s’attaquer à un leurre. Contrairement à ses cousins les saumons, il semble maintenir une activité alimentaire intense même lors de ses séjours en eau douce. Toutes les familles de leurres sont susceptibles de l’intéresser en commençant par les métalliques type cuillers tournantes ou ondulantes animées près du fond. Les poissons nageurs sous toutes leurs variations fonctionnent également très bien. Les pêcheurs à la mouche pourront également trouver leur bonheur avec ce poisson qui refusera rarement un streamer bien animé. La seule restriction vient des leurres de surface, sur lesquels il semble ne jamais monter.
Quel que soit le choix du pêcheur, il ne faudra pas hésiter à présenter des leurres de grandes dimensions : cuillers tournantes numéro 5 à 6, ondulantes et minnows de 120 à 150 mm ou grands streamers comme ceux utilisés pour le brochet. Comme souvent avec tous ces salmonidés anadromes du Pacifique, que ce soit pour les leurres ou les mouches, l’utilisation de couleurs éclatantes style fuchsia, rose, rouge ou orange fluo, est régulièrement payante. Dans le même ordre d’idée, la mise en évidence d’un signal œuf au coloris intense (généralement saumon) contrastant avec la couleur du corps (un streamer noir par exemple) est également un classique efficace, car il semble que le kundja apprécie également beaucoup les œufs des autres espèces ayant déjà pondu. On peut prendre un kundja par hasard en pêchant les saumons dans les courants, car il vient parfois y chasser les petits ombles comme les dolly varden. Mais on aura plus de chance de le trouver dans les eaux moins agitées, en limite de courant ou au détour des obstacles type amas de rochers ou de bois immergés. Une fois piqué à l’hameçon, le kundja cherche à rejoindre le courant où il livre un combat long et farouche.
L’iwana, un petit kundja japonais
Au cours d’un séjour de pêche sur l’île japonaise d’Honshu, j’ai eu l’occasion de prendre une espèce de petit kundja nippon dans les rivières torrentueuses qui roulent leurs eaux limpides en forêt, sur des pentes plutôt raides, à quelques kilomètres seulement du célèbre mont Fuji. Ce sont des iwanas (Salvelinus leucomaenis pluvius), version japonaise beaucoup plus petite que son célèbre cousin, le kundja, le grand omble à taches blanches de Sibérie.
Ces iwanas sont des anadromes venus de l’océan Pacifique qui colonisent également la mer du Japon. Pour autant, ils dépassent rarement 30 cm. Ils sont très populaires au Japon auprès des moucheurs et des lanceurs à l’ultraléger. Nous les étudierons dans un prochain article. Le record IGFA du kundja (Salvelinus leucomaenis) a été établi sur la rivière Urbyeyah, près de la petite ville d’Okhotsk, au beau milieu de la côte de Sibérie orientale, le 6 juin 2006 avec un poisson de 89 cm pour 7,960 kg qui a succombé à un poisson nageur. Pourtant, les récits de certains pêcheurs ou ichtyologues russes qui ont exploré les territoires immenses et totalement méconnus de cet Extrême-Orient russe évoquent des poissons records dépassant les 15 kg. Alors, record à battre : à vos cannes…