Le nom de dent-chien nous vient tout droit de la Guyane française, puisque ces poissons vivent exclusivement en Amazonie. Il n’existe pas un seul mais plusieurs dents-chiens attendu que la famille des Acestrorhynchidae regroupe quatorze espèces dans le même genre Acestrorhynchus. Ces quatorze dents-chiens sont des poissons de taille petite à moyenne (20 à 50 cm) mais tous sont de redoutables prédateurs qui se nourrissent exclusivement d’autres poissons. Ils font partie de l’ordre des characiformes dont la majorité est carnivore et dont certains sont connus pour avoir développé une dentition impressionnante. C’est le cas par exemple du poisson tigre (cf. BSM n° 78), de la payara (cf. BSM n° 86) ou des célèbres piranhas (cf. BSM n° 120) que nous avons tous déjà dé couverts dans des parutions précédentes de Brochet Sandre magazine.
Une gueule de méchant
Toute proportion de taille gardée, le dent-chien ne déroge pas à cette règle avec une gueule que n’oubliera pas le pêcheur qui le capture pour la première fois malgré ses dimensions modestes. Je me souviens encore très bien de la surprise de mon tout premier, capturé en Amazonie péruvienne, avec un Rapala flottant dans le Gato, un large ruisseau transportant ses eaux cristallines au cœur de la forêt primaire avant de se jeter dans la rivière Tampobata. Comme son appellation pike characin le laisse entendre, il présente une allure générale de brochet : le corps allongé est fusiforme et la tête se termine avec un museau saillant et pointu. On notera aussi le décalage de la nageoire dorsale vers l’arrière du corps ; ce recul en position postérieure est moins flagrant que chez le brochet mais il n’en reste pas moins vrai que tous les dents-chiens ont une dorsale qui prend naissance plus près du pédoncule caudal que de l’extrémité du museau.
La nageoire anale est nettement falciforme (en forme de faucille) avec des premiers rayons antérieurs qui deviennent parfois très longs chez les mâles adultes. On observe également une tache sombre à la base de la caudale, parfois ourlée d’un halo rouge qui s’étire jusqu’à l’intérieur des lobes de cette nageoire chez certaines espèces. Une seconde tache, humérale celle-ci (derrière l’opercule), apparaît parfois, mais elle est plus petite et moins marquée que la tache caudale, toujours d’un diamètre au moins égal à celui de l’œil. Les écailles sont petites, cycloïdes et de coloris argenté à doré, la zone ventrale étant généralement très brillante. L’œil, plutôt gros, est blanc et voit parfois sa partie supérieure légèrement teintée de doré ou de rouge. La nageoire caudale est très fourchue. Mais la clé d’identification la plus spectaculaire reste ses grandes mâchoires garnies d’une rangée unique de dents caniniformes implantées de façon alternée et très espacée sur les maxillaires et les mandibules. On notera la présence de foramens (des trous) dans le prémaxillaire pour accueillir les plus grandes dents. On remarquera également la présence de nombreuses petites dents coniques sur l’ectopterygoïde, un os du palais, au fond de la bouche. L’ensemble lui confère une allure de bad boy, et on ne doute pas un instant que tous les petits poissons de son entourage aient intérêt à s’en méfier…
Présent un peu partout
Autre analogie avec notre brochet, le dent-chien occupe une large palette d’habitats dans toute sa zone de distribution; néanmoins, il apprécie particulièrement les eaux calmes des lacs, des lagunes, des petits étangs de forêt ou des bras morts. Il est également présent dans tous les cours d’eau, grands ou petits, animés par des courants de forces très variables. Très clairement, il se poste alors préférentiellement près des berges et des obstacles à la circulation des courants à haute intensité. Les rives sableuses ou limoneuses semblent spécialement attractives pour les dents-chiens. Mais dans tous les cas, les eaux claires et limpides seront toujours leur premier choix. Partout où ils existent, la reproduction des dents-chiens débute avec l’entrée dans la saison des pluies.
Pêcher les dents-chiens
Les dents-chiens sont communs, occupent tous les milieux et sont très agressifs ; ils sont donc régulièrement capturés en recherchant d’autres espèces amazoniennes de taille moyenne comme le benton (Hoplias malabaricus, voir BSM n° 84) ou les jacundas (Crenicichla spp) que nous verrons dans un prochain article. Le dent-chien mord très bien aux leurres, et il est susceptible de s’attaquer à toutes sortes d’entre eux si on ne dépasse pas des dimensions de 10 à 12 cm. Toutefois, si on veut le rechercher spécifiquement, il faut utiliser un ensemble de lancer léger et lui proposer des petits poissons nageurs peu plongeants ou des cuillers tournantes n° 2 à n° 3 qui papillonnent et remuent beaucoup d’eau. Les touches sont nombreuses, et sa pêche est très amusante. Il semble que la présence d’un léger courant, notamment aux confluences des lagunes, constitue des zones de chasse privilégiées et renforce son activité alimentaire. Si on souhaite relâcher ses prises dans de bonnes conditions, il faut manipuler le moins possible le dent-chien, car il est fragile, notamment ses petites écailles qui s’en vont très facilement... Le record IGFA est attribué à l’espèce Acestrorhynchus falcirostris qui semble être celle qui atteint les plus grandes tailles parmi les quatorze espèces de dents-chiens. Dans l’historique des records pour cette espèce, tous sont en provenance du Brésil où ce poisson est nommé peixe cachorro. Le dernier en date a été établi sur le rio Marié, dans le nord-ouest du Brésil, le 2 novembre 2014 avec un poisson exceptionnel de 53 cm pour 1,810 kg. Record à battre : à vos cannes…