Le largemouth yellowfish ne vit que sur le bassin du fleuve Orange et de la rivière Vaal, ce qui explique qu’on le nomme parfois Vaal-Orange largemouth yellowfish pour le distinguer des six autres espèces de yellowfish (Labeobarbus spp) de cette partie du monde. On ne peut le trouver que dans trois pays : Lesotho, Namibie et surtout Afrique du Sud. C’est clairement là qu’il faut se rendre pour se donner le maximum de chance d’accrocher cette espèce à sa ligne. En Afrique du Sud, on peut le croiser dans pratiquement tout le pays, excepté la province du Limpopo dans l’extrême Nord-Est.
Le plus grand poisson à écailles d’Afrique australe
Si l’on ne considère que les espèces natives, il est le plus grand poisson à écailles présent en Afrique australe, puisqu’il peut dépasser les 20 kg. Avec une allure à mi-chemin entre celle d’une carpe commune et d’un barbeau, il rappelle immédiatement le look des masheers indiens au pêcheur qui les a déjà rencontrés. Notamment au niveau de sa tête et surtout de sa grande bouche largement fendue, qui le distingue des autres yellowfishes. Cette large gueule aux lèvres charnues caractérise ses mœurs essentiellement prédatrices et le distingue de ses cousins (de taille inférieure), les yellowfishes à petite bouche, qui affichent des régimes nettement plus orientés sur les insectes et les larves. Son nom de yellowfish s’explique par le fait que ses grandes écailles se teintent d’un joli coloris jaune d’or lorsqu’il nage en eaux limpides ; s’il fréquente des eaux plus turbides, cette couleur jaune s’estompe jusqu’à devenir blanchâtre.
Un peu partout en Afrique du Sud, dans les clubs, chez les détaillants d’articles de pêche ou dans les publications, on voit cette photo en noir et blanc datant des années 1980 où on peut admirer un énorme sujet de 22,2 kg mis au sec par Ms Ina du Plessis lors d’un concours sur le Grootdraai Dam, un lac de barrage établi sur la rivière Vaal. On peut d’ailleurs remarquer à ce sujet qu’il est communément admis que les largemouth yellowfish de la rivière Vaal sont plus gros que ceux du fleuve Orange, où le niveau de nutriment est moins favorable en quantité comme en qualité.
Écologie et comportement
Si le largemouth yellowfish reste omnivore et opportuniste tout au long de son existence, il est connu pour adopter un régime largement piscivore dès qu’il dépasse les trente centimètres de long. Il devient alors un vrai prédateur qui chasse souvent à l’affût et avale ses proies violemment par une soudaine et impressionnante aspiration de sa grande gueule. Il adore également les crabes d’eau douce que l’on trouve dans cette partie du monde. Le largemouth yellowfish est un poisson à la croissance très lente, et tous les guides sud-africains avec lesquels j’ai pu parler m’ont affirmé qu’il fallait 15 à 20 ans pour obtenir un poisson d’une dizaine de livres. Ces affirmations sont cohérentes avec le fait qu’il n’arrive à maturité sexuelle qu’entre 6 et 8 ans, lorsque sa nageoire anale prend un coloris légèrement orangé. La reproduction se fait en été sur des lits de graviers bien oxygénés par le courant. Les femelles sont plus grandes que les mâles. Il est, à l’origine, un poisson de rivière à courant, mais il s’est parfaitement adapté aux nombreux lacs de barrage érigés sur le système VaalOrange pour la production d’électricité et dans lesquels sont régulièrement pris de très gros sujets.
Pêcher le largemouth yellowfish
Le largemouth yellowfish est extrêmement populaire auprès des pêcheurs sud-africains, qui le surnomment affectueusement « largies » et qui ont développé pour lui d’innombrables techniques de pêche. En effet, on peut le pêcher tout au long de l’année, notamment si on utilise des appâts naturels qui peuvent être très variés : petits poissons vivants comme le chubbyhead barb (Enteromius anoplus), morceaux de poissons comme des filets de carpe commune (Cyprinus carpio) ou de moggel (Labeo umbratus), crabes d’eau douce (Potamonautes spp), foies de volaille ou vers de terre. Les appâts non carnés de type maïs ou à base de farine de maïs ont également leur part de succès.
Bien entendu, pour rechercher ce prédateur placé tout en haut de l’échelle alimentaire, les stratégies de pêche au leurre ou à la mouche sont également très prisées. La période allant de mai à septembre est alors souvent plus efficiente, car c’est à ce moment que les rivières sont les plus claires. On pratique alors une pêche de prospection, en particulier aux abords des tombants rocheux, des pointes de roche, des amas de gros cailloux sur des substrats sablonneux ou à proximité des herbiers, qu’ils soient immergés au large ou qu’ils se développent sur les berges comme les roselières. De très nombreuses familles de leurres peuvent être utilisées (cuillers tournantes et surtout ondulantes, lames vibrantes, jigs, leurres souples, grands streamers, imitations de crabes…) mais ce sont sans contestation possible les crankbaits de 6 à 12 cm qui ont la faveur des spécialistes sud-africains. Ils permettent de battre du terrain avec une prospection rapide, car les largies sont connus pour se déplacer énormément et régulièrement, le « territoire » d’un poisson allant de 5 à 20 km de rivière. La touche est extrêmement violente et ce poisson, habitué à vivre dans le courant, livre un combat acharné une fois accroché à la ligne. Sorti de l’eau, il est assez fragile, et les pêcheurs sud-africains, conscients de sa grande valeur écologique, le remettent de plus en plus souvent à l’eau avec moult précautions. Le record officiel, reconnu par l’IGFA, du largemouth yellowfish (Labeobarbus kimberleyensis) a été établi sur la rivière Vaal le 8 mars 2005, à la mouche avec un gros streamer MSP fly. Il n’est « que » de 9,520 kg pour un poisson de 92 cm mais, en Afrique du Sud, pays où a été capturé ce poisson, tout le monde a en tête le fabuleux poisson de plus de 22 kg évoqué ci-dessus. Alors, record à battre : à vos cannes…