Street-fishing : réussir sa première compétition

Il est 7h15 et je piaffe déjà d’impatience au point de rendez-vous. Je n’ai pas beaucoup dormi, je me suis fait plein de scénarios dans ma tête et j’ai rajouté au réveil une poignée de leurres (que je ne sortirai pas de la journée) dans une boîte. Je suis arrivé tôt, pour prendre un peu la température car je ne connais pas du tout le secteur. J’ai commis l’erreur de ne pas faire de pre-fishing ou simplement une reconnaissance des lieux autre qu’un repérage rapide sur Google Maps. « Ça se jouera sur les perches. Les chevesnes ici ont bac + 12 et ils ont bien mangé hier », me glisse un organisateur. « À partir de midi, il fera trop chaud et la partie sera finie », prévoit un concurrent.

Top départ

J’ai choisi l’option ultra-léger et léger, deux cannes, deux boîtes, l’ensemble silure-brochet reste dans la voiture. A priori le bon choix quand j’observe le matériel des dix-sept autres inscrits ! Il est 7h50, dix minutes avant le briefing, panique, je fonce chercher l’épuisette oubliée dans la voiture ! À 8h30, c’est le coup d’envoi. Je vais chercher les poissons actifs avec un mini crankbait (WXM CRK 30 F de Caperlan). Je ne fais pas 200 mètres que je repère un beau chevesne qui rôde en bordure. Il disparaît, je lance, c’est son petit frère qui m’offre mes premiers points : 33 cm je suis en tête ! Je savoure mon bonheur pendant onze minutes. Le classement « Live » bouge vite sur mon application FFPS ! Il est très simple d’entrer les résultats: on prend une photo avec le poisson sur la mesure et un badge remis lors du briefing, on saisit l’espèce et la taille de la prise, et les commissaires n’ont plus qu’à valider. Un jeu d’enfants. Avant de s’éparpiller sur le parcours, on échange les premières infos. L’ambiance est détendue entre participants, il n’y a pas de secrets. Sur d’autres compétitions, j’imagine qu’il faut parfois démêler le vrai du faux !

Stratégies

La météo annonce 33°C, je change de berge pour me mettre à l’ombre. J’imagine que les poissons aussi ? Il faut faire des choix stratégiques et je me retrouve sur un poste que personne ne pêche pour le moment. Le crank ne donne plus rien, je passe au drop-shot. Ça paye à moitié, les perches attaquent… le plomb  ! Elles aiment que ça brille  ? Je m’adapte. Je change le plomb pour un Power Tail (Fiiish), que j’ai acheté la veille chez mon détaillant. Hop, deux perches atterrissent sur la toise. Une troisième attaque cette fois le leurre souple (Swing Impact 2" de Keitch), il y en a des plus grosses derrière, je vise le doublé et je laisse le montage dans l’eau… raté, et en plus c’est décroché. Des points qui s’envolent ! Je repasse sur un crank (Diving Cherry 48 d’Illex). Trois lancers le long de la berge, deux perches de 27 et une de 23 sortent d’un trou comme des bombes ! Quelle chance ! Je talonne le leader, mais le soleil a tourné, l’ombre a disparu et l’activité faiblit… 

Pas de solution

Commence une longue traversée du désert, j’enregistre une perche de 13 cm en deux heures. Je ne sais plus quoi faire. Je change de leurres, de techniques, je perds mon seul Power Tail, je marche des kilomètres mais comme je ne connais pas le secteur, je navigue à vue… je reviens sur le trou magique, cette fois je passe devant en drop-shot, et une perche de 30 cm m’offre un grand réconfort. C’est la plus grosse de la compétition ! Malgré tout, je suis redescendu à la 7e place. On me conseille soit de passer sur des lames, soit de pêcher en deux pouces au milieu de la rivière. Mais je n’ai pas de lame et j’ai du mal à contrôler les dérives de mes leurres avec le vent qui s’est levé. J’ai perdu un peu de motivation. C’est long, une compétition, difficile de rester concentré du début à la fin.

Le plus jeune compétiteur, Timéo, 7 ans, sort sous mes yeux sa deuxième perche de la journée. Bravo champion! Quel plaisir de voir toutes les générations de pêcheurs se côtoyer. Deux petites perches et un bébé chevesne suicidaire me permettent de gagner un rang, je n’ai jamais été aussi content de prendre de petits poissons, et à 15h30, c’est le coup de sifflet final. Mort de soif, rouge comme une tomate, sur les rotules, mais heureux et fier, j’ai encore la force d’applaudir lors de la remise des prix et de débriefer. Lunettes tombées dans l’eau, silure cassé sur du 0,14 mm, bas de ligne coupé par un brochet, chacun y va de son anecdote. En tout cas, je pense que je viens de gagner en une journée, quelques années de pêche. Et je reviendrai sans commettre autant d’erreurs la prochaine fois !

Interview : Bastien Beltrami, vainqueur 2023

Déjà premier en 2022, Bastien Beltrami, 41 ans, membre du Club carnassiers des Boucles de la Marne, a récidivé en 2023.

Comment as-tu préparé la compétition ?

Bastien Beltrami : Ça fait longtemps que je fais des compétitions, donc je prépare beaucoup moins qu’avant. J’ai fait des bas de ligne la veille, la sélection de leurres était rapide parce qu’il n’y avait ni maille ni quota donc le but était d’en faire le plus possible. J’ai une boîte de plombs et d’hameçons, et un sac avec quelques pochettes de leurres en 2 et 3 pouces. Avec l’expérience, on apprend à en emmener moins, parce que 9 fois sur 10, on va pêcher avec les mêmes deux ou trois leurres, dans lesquels on a le plus confiance. On se rassure comme on peut.

Raconte-nous ton parcours en compétition ?

B. B. : Ma première compétition, c’était au collège, une compétition de pêche au coup. J’ai repris bien plus tard, après les études, en street fishing. Et maintenant je dispute les championnats de France FFPS. J’ai gagné je pense 10 ou 15 ans de pêche en faisant des compétitions. On a forcément l’esprit compétiteur, donc on se dit que si les autres y arrivent, pourquoi pas nous ? Donc on regarde comment ils pêchent, on développe nos trucs à nous, notre style. Ensuite, quand on fait des compétitions un peu partout, on retombe parfois sur les mêmes conditions et on essaye de les reproduire. C’est un bon entraînement.

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui veut se lancer ?

B. B. : Déjà de venir, de ne pas avoir peur de poser des questions aux compétiteurs un peu chevronnés. Il ne faut pas croire, neuf fois sur dix on n’a pas souvent de secret. Quand on passe à côté de nous, on ne va pas cacher ce qu’on fait… On se parle, en street spécifiquement, moins dans d’autres disciplines. Commencer par une petite compétition, ça encourage aussi les clubs, les AAPPMA qui font des choses pour développer la pêche, rien que pour encourager ça, il faut y aller !