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Pêche en réservoir : les leurres souples s'imposent

Les coloris flashy sont très efficaces sur les truites de réservoir. Il ne faut pas hésiter à faire tourner les couleurs pour conserver un rythme de touches soutenu.  

Crédit photo Thierry Bruand
Les leurres souples étaient peu utilisés au début de l’ouverture des réservoirs à la pêche aux leurres. Ils ont tendance aujourd’hui à supplanter ondulantes et poissons nageurs. Comment expliquer cet engouement ? Quels sont les modèles les plus efficaces sur les arcs-en-ciel ?

La pêche au lancer en réservoir, et plus généralement en plan d’eau (lac de montagne compris), connaît de façon un peu similaire l’évolution qu’a connue la pêche des carnassiers dans l’Hexagone : les leurres durs perdent progressivement du terrain par rapport aux souples, plus polyvalents. L’efficacité de ces derniers en réservoir est telle que les pêcheurs aux leurres, qui pratiquent en même temps que les moucheurs, prennent autant de poissons qu’eux, voire plus ! Ce n’était pas le cas au départ. Les moucheurs continuaient à garder un rythme élevé de prises quand la pêche se durcissait, contrairement à leurs confrères qui misaient essentiellement sur les leurres durs. Les résultats des compétitions organisées par équipe mixte mouche/leurre montrent cette évolution. Les leurristes ont progressé nettement et l’avènement des souples y est pour beaucoup.

L’hameçon plombé (ici confectionné avec du fusible) est le meilleur moyen pour armer les worms. La tige de l’hameçon doit être très longue.
Crédit photo : Thierry Bruand

Points forts

Même si elles n’ont pas grandi dans un milieu naturel, les arcsen-ciel restent des salmonidés et elles ne se conduisent pas comme de vrais carnassiers. Elles n’ont donc pas toujours des attitudes agressives et de territorialité. Quand leurs comportements sont simplement d’ordre alimentaire, les vibrations sont souvent contre-productives. Les leurres souples sans caudale sont alors nettement plus efficaces que tout le reste. De plus, en alternant les coloris, parfois excentriques et dont le choix est quasi infini, ces leurres sont capables de faire craquer des poissons surpêchés un peu comme le font les streamers ou les bobbies. Le changement de couleur permet souvent de déclencher à nouveau des touches. Enfin, les souples sont généralement saturés d’attractant et donc en quelque sorte plus « goûteux ». Sur les truites issues de pisciculture c’est un vrai plus, bien davantage que sur les carnassiers. Le succès des pâtes à truites le prouve depuis des décennies. Trois grandes catégories de souples sans flap caudale sont susceptibles d’intéresser les arcsen-ciel. En règle générale, plus la capturabilité baisse plus il faut descendre en taille de leurres, d’où l’ordre établi ci-après. Notez que les créatures flottantes de type Woodlouse (Illex) ou Insecter (Reins) permettent de piquer des poissons stationnant non loin de la bordure, mais l’impossibilité de les lancer à bonne distance les pénalise fortement. Et puis les arcs ne se nourrissent pas toujours en surface, surtout quand il y a peu de vent.

En réservoir, les leurres souples ont aujourd’hui supplanté les leurres métalliques et les poissons nageurs.
Crédit photo : Thierry Bruand

Quel montage ?

Les souples sans caudale ne sont pas montés sur des têtes plombées mais plutôt sur ce que l’on pourrait appeler des « hameçons plombés ». De taille variable (n° 6 à 1) en fonction du gabarit du leurre, de fer moyen, à œillet dans l’axe et souvent à longue hampe, ces hameçons sont en effet généralement alourdis (mais pas systématiquement selon la vitesse de descente que l’on veut obtenir) avec des billes tungstène (une ou plusieurs petites) ou du fil de plomb. Ces hameçons, qui pèsent généralement entre 0,5 et 3 g doivent souvent être « montés » maison, comme le font les moucheurs, car l’offre dans ce domaine est encore restreinte. Les montages type wacky, où le leurre est piqué par le milieu, sont parfois utilisés mais ce ne sont généralement pas les plus efficaces sur les arcs-en-ciel.

Les vers (ou worms)

Ils mesurent généralement entre 8 et 15 cm. Les meilleurs spécialistes ont tendance à les fabriquer eux-mêmes car ceux disponibles dans le commerce, prioritairement destinés aux black-bass, ne sont pas tout à fait adaptés aux truites. Le marché étant restreint, les marques n’ont pas élaboré de produits ad hoc, c’est logique. Un bon worm pour la pêche en réservoir doit être conçu dans une gomme tendre et sera si possible gorgé d’attractant. Il est aussi décliné dans des coloris très flashy (blanc, orange, jaune, vert ou rose fluo…) alors que ceux destinés aux vrais carnassiers (black-bass, sandres voire silures) sont généralement plutôt foncés. Les vers possèdent deux grandes qualités pour la pêche en réservoir: ils se lancent loin du fait de leur poids (4-5 g en moyenne pour un leurre de 10 cm) et ils sont très visibles et attractifs à la descente grâce à leur ondulation. Les worms sont toutefois, du fait de leur taille imposante, des leurres pour poissons encore relativement actifs : ceux qui se tiennent à grande distance par exemple, et qui n’ont pas encore été matraqués. Leur principal défaut est qu’ils engendrent pas mal de loupés. La parade est de rendre un peu la main avant le ferrage, avec parfois le risque d’un engamage profond. Les vers sont prenants à la descente ou en linéaire en les ramenant vraiment très lentement ou un peu plus rapidement en les faisant tourner comme une hélice lorsqu’ils sont piqués en L.

Les leurres souples annelés et sans caudale qui retiennent très bien les attractants sont des leurres de base pour la pêche en réservoir à côté des worms et des teignes artificielles. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Les leurres à corps annelé

À mi-chemin entre le vers, la teigne et le finess, les leurres à corps annelé sans paddle (dont le fameux Tanta de la firme ukrainienne Fishup est le modèle emblématique) se révèlent des pièges redoutables en réservoir. Les tailles les plus intéressantes se situent entre 5 et 8 cm. Leur efficacité s’explique à mon avis pour trois raisons. Du fait de leur structure fortement annelée justement, ce sont les souples qui retiennent le mieux les attractants sous forme de gel, élément déterminant dans la réussite, comme précisé plus haut. C’est également, pour la même raison, des leurres extrêmement flexibles et souples. Cela joue sur leur attractivité en action de pêche. Ils ondulent vraiment au moindre mouvement d’eau et surtout possèdent une forte capacité à se plier au moment du ferrage et donc à limiter les ratés. Enfin, ces souples ont été pensés bien davantage pour la pêche en réservoir que les worms, d’où les déclinaisons en coloris (parfois bi/tricolore) extrêmement variés et bien adaptés à la pêche de la truite arc-en-ciel. Ils sont cependant un peu moins lourds et se lancent donc moins loin que les worms puisqu’il y a beaucoup de vide dans leur volume. Ils s’animent globalement comme les vers.

Les arcs-en-ciel ne résistent pas aux ondulations d’un worm qui descend lentement dans la couche d’eau.
Crédit photo : T

Densité et goût

Selon Jimmy Maistrello, vainqueur du circuit Area Cup en 2019 et second en 2020, le gros avantage des leurres souples, quels qu’ils soient, c’est leur densité. « En réservoir, les truites sont étagées dans la colonne d’eau et il faut être capable d’aller les pêcher à toutes les profondeurs vraiment très lentement. Le leurre souple est incomparable pour faire cela. Le point de départ est un leurre quasiment flottant que tu vas faire couler très légèrement avec un hameçon plus ou moins lourd. L’effet est vraiment très planant et cela est quasiment impossible à obtenir avec un leurre dur (ondulante ou poisson nageur) pour lequel il faut forcément mettre un peu de vitesse pour qu’il pêche. Le deuxième intérêt est évidemment l’attractant car, sur les arcs-en-ciel, l’aspect olfactif est très important. »

Les larves

Imitations de teignes, de vers de farine, de chenilles, de plécoptères selon les modèles, les larves ont d’abord été popularisées dans les pêches en torrent par la technique dite du micro-souple dont nous avions rendu compte dans nos colonnes. Les larves font partie des leurres efficaces en réservoir dans des versions de 3 à 5 cm. Leur point fort est justement leur taille. Beaucoup moins volumineuses que les autres souples cités plus haut, elles font grandement la différence quand la pêche se durcit et, à vrai dire, dès le départ pour les petits malins qui l’ont compris. En faisant un parallèle avec la pêche à la mouche, on peut dire qu’elles jouent un peu le rôle des imitations de chironomes et permettent de prendre des poissons quand plus rien ne marche. Leur inconvénient est bien évidemment leur faible poids. Elles nécessitent donc un matériel ultralight pour être propulsées à bonne distance, c’est de toute manière la norme chez les leurristes expérimentés qui évoluent en réservoir. Ceux qui fabriquent les larves eux-mêmes ajoutent parfois du sel pour augmenter leur densité. Comme les larves ont un peu moins tendance à onduler dans la couche d’eau que les leurres déjà cités, elles peuvent être attaquées à la descente mais elles ne déméritent pas non plus en linéaire. C’est enfin l’arme la plus efficace pour les pêches à vue.

Une boîte d’hameçons bien fournie pour faire faire face à toutes les conditions de pêche au leurre souple : des longueurs de hampe et des poids variés mais globalement tous assez peu plombés.
Crédit photo : Thierry Bruand

Les autoriser ou pas ?

Les réglementations appliquées dans les réservoirs ouverts aux leurres sont assez variables mais elles ont globalement tendance à autoriser les souples. C’est le cas par exemple des cinq réservoirs que je connais dans la région Rhône-Alpes-Auvergne, qui reste aujourd’hui l’épicentre de la pratique. Et pourtant cela n’a rien d’une évidence puisqu’au sens strict, la pêche en Area, telle qu’on la conçoit au Japon, n’est pas associée aux souples qui y sont strictement interdits. Ces restrictions s’expliquent par leur efficacité et parce que les arcs-en-ciel peuvent les avaler profondément. Certains pêcheurs, pour des raisons « éthiques », s’interdisent eux-mêmes leur utilisation ! C’est cocasse pour des truites qui sont, il faut le rappeler tout de même, des poissons surdensitaires.

 

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