Il aurait été un peu facile, en effet, de montrer des trophées de Nouvelle-Zélande, de Patagonie et autre péninsule de Kola qui sont les meilleures destinations mondiales pour prendre des farios trophées, mais qui ne sont accessibles qu’à très peu d’entre nous… La première chose est tout de même de bien choisir son coin de pêche car en Bretagne ou dans le Morvan, il va vous falloir travailler très dur pour prendre une fario de soixante centimètres… En parlant de taille, je dirais que tout poisson sauvage ou « ensauvagé », c’est-à-dire introduit dans la rivière à l’état d’alevin et ayant grandi naturellement ensuite, et dépassant cinquante centimètres, est déjà un trophée. À soixante centimètres, cela peut être la truite de votre vie et, au-delà, chaque centimètre pèse très lourd dans la balance ! Nous rêvons tous de poissons atteignant ou dépassant la barre mythique des soixante-dix et nous en entendons parler de temps en temps, pour avoir mesuré beaucoup de gros salmonidés de par le monde, je peux vous dire que cela est extrêmement rare, même si tout est possible bien sûr ! Donc, restons raisonnable et voyons comment leurrer ces magnifiques farios.
Bien choisir sa rivière
Géographiquement, il faut miser sur les grosses rivières pyrénéennes et alpines, comme celles du centre de la France ainsi que la fameuse rivière d’Ain ou les Sorgues. La plupart des cours d’eau de l’est de la France produisent de beaux spécimens. La Franche-Comté, qui souffre tant de la pollution depuis de trop nombreuses années maintenant, ayant été un haut lieu de cette pêche des grosses truites. Mais il ne faut pas oublier les « chalk streams » normands dont bon nombre abritent des poissons autochtones de plus de cinquante centimètres. Proche de chez nous, en Europe, les possibilités sont encore plus grandes en Slovénie, mais aussi en Espagne par exemple, voire en Belgique lorsque l’on habite au nord de l’Hexagone. Pourquoi me direz-vous ? Simplement par la réglementation prônant une plus grande pratique du « no kill » et des parcours « sans tuer ». Nos rivières sont souvent plus belles et les biotopes plus riches que chez nos voisins, mais les mentalités ont du mal à changer et les secteurs avec remise à l’eau obligatoire restent, malheureusement, bien trop rares ! Il y a des exceptions bien entendu et quelques Aappma courageuses vont dans ce sens en espérant que d’autres associations ainsi que les fédérations de pêche départementales suivent cet exemple, qui est le seul valable si nous voulons léguer autre chose qu’un désert halieutique à nos enfants ! Fin de la digression, mais qui demeure importante dans un article sur la chasse des gros poissons sans aller à l’autre bout de la planète…
La pêche à vue, la reine pour traquer les grosses truites
Parlons donc techniques. Bien entendu, la pêche à vue est la base lorsque l’on recherche ces spécimens exceptionnels. La nymphe à vue reste reine, mais elle nous contraint à un bon niveau d’eau et surtout à une grande clarté. Elle est possible sur la plupart des cours d’eau, mais exige parfois de trouver les zones propices, c’est-à-dire des bordures souvent un peu encombrées où nos belles peuvent se poster en toute sécurité. Dans cette pêche, l’observation et la patience sont primordiales ! On ne va pas lancer cent fois dans la journée et chaque occasion va devoir être optimisée par une approche et un placement irréprochables. Une fois notre poisson repéré, il faut analyser la situation pour se mettre dans les meilleures dispositions pour lancer. Les déplacements doivent être lents et notre tenue discrète. Le développement de nombreux vêtements de pêche camouflage va dans ce sens. Sans se transformer en chasseur de « galinette », le camouflage permet réellement d’augmenter nos chances de faire une bonne approche. La fameuse société de vêtements de pêche Simms a d’ailleurs sorti toute une gamme en collaboration avec la marque Veil Camo, qui travaille sur l’efficacité des formes et des couleurs en testant les modèles directement sur des poissons pour voir leurs réactions! Aujourd’hui, Veil Camo travaille aussi avec de nombreuses autres sociétés dans la chasse et la pêche. Il est possible de trouver des waders abordables et bien camouflés.
Rester discret
Cela peut faire sourire, mais pour les avoir utilisés depuis quelque temps maintenant, ces tenues vous font parfois gagner le petit mètre qui vous permet le lancer arbalète qui aurait été impossible lorsque l’on arborait sa casquette fétiche d’un blanc immaculé ou sa chemise à carreaux rouges ramenée des dernières vacances au Québec ! Une fois à distance donc, il faut observer un peu la truite et choisir la bonne fenêtre de tir. Votre bas de ligne sera idéalement autour de deux fois la longueur de la canne avec une longue pointe facilitant les posés parachute, voire en paquet ralentissant le dragage de votre mouche. Si la fario est installée entre deux eaux ou mieux, attablée en surface, pas d’hésitation, il faut présenter une sèche ! Le début de saison peut être très intéressant pour cela grâce, notamment, aux éclosions de la fameuse « march brown ». Ce grand éphémère intéresse même les gros sujets et il faut donc ouvrir l’œil ! Le reste de la saison, il faut s’adapter aux insectes présents et quand rien n’est réellement défini, je reste fidèle à une bonne veille oreille de lièvre sur hameçon de 14 ou 16. Mai et juin permettent parfois de beaux coups du soir au sedge, faisant sortir de leurs caches les beaux spécimens.
En nymphe, le choix du lestage est primordial
En nymphe, comme souvent le choix du poids est primordial ! Plus important, je dirai, que le modèle en lui-même. Les variantes de la sempiternelle « Pheasant Tail » en taille 14 à 18 prennent toujours autant de poissons et, lorsque la rivière abrite des gammares, il ne faut pas hésiter à utiliser leurs imitations. Attention donc au lestage et surtout à ne pas être trop lourd ! Mieux vaut passer trop haut que couler trop vite. J’ai vu de beaux poissons suivre des nymphes qui plongeaient rapidement vers le fond et disparaître trop vite de la fenêtre permettant le ferrage. Sans parler du risque plus important de s’accrocher et de caler ensuite la truite. Lorsque l’on ne peut pas pratiquer à vue, la nymphe au fil peut permettre de très beaux coups de ligne. Ici, il va être très important de bien choisir ses postes et de chercher parfois où les autres ne vont pas… Je m’explique. La plupart du temps, certains secteurs vont être délaissés par les moucheurs car trop profonds ou trop rapides. C’est pourtant là que nos « collègues » lanceurs ou « tocqueurs » prennent souvent leurs plus gros poissons ! Un gouffre apparemment insondable, un courant soutenu avec deux mètres de fond tout du long, une retourne le long d’une berge creuse, une tête de courant paraissant trop rapide… Eh bien, il ne faut pas hésiter à essayer avec de grosses nymphes parfois très lourdes et pas très agréables à lancer mais qui, pourtant, passent bien dans ce genre d’endroits réservés normalement à d’autres techniques. Je parle ici de casque de 5 mm et plus, de doubles voire triple billes, de corps tungstène d’1,7 gramme et de billes gouttes de plus de 2 grammes que vous pouvez trouver chez Bidoz. Je ne compte plus les grosses farios que je dois à ce genre d’enclumes…
Ne pas hésiter à pêcher les zones profondes
Soit, on s’éloigne de la quintessence de notre art qui reste la pêche en sèche mais, parfois, il faut savoir se retrousser les manches pour admirer un poisson trophée. La pratique reste la même qu’en nymphe au fil classique et le plus souvent les cannes modernes de 10,6 à 11 pieds même en soie de 3 permettent d’expédier ces mini-missiles sans trop de difficultés. Il faut ensuite adapter la longueur de sa pointe à la profondeur du coup que l’on prospecte. Trois mètres de pointe peuvent être nécessaires parfois avant d’arriver au fil fluo nous servant d’indicateur de touche. Vous pouvez, bien entendu, rajouter une potence avec une nymphe classique beaucoup plus légère et petite qui, entraînée et freinée par votre lourde imitation de pointe, peut rapporter gros ! Il m’arrive aussi de remplacer ma nymphe dans ces cas-là par un petit streamer bien lesté que je laisse dériver en inerte, porté par le courant sans aucune animation. Dans ce cas les petits chabots et autres vairons sont intéressants.
La pêche à l'indicateur de touche à ne pas délaisser
En nymphe il est aussi possible de pêcher les vastes lisses assez profonds à l’indicateur de touche. Et oui, cela n’est pas un gros mot et de nombreux guides l’utilisent à l’étranger pour faire prendre de beaux poissons à leurs clients. Je ne parle pas de la technique du « bulle d’eau » avec des plombs sur le bas de ligne à l’américaine. Cela n’est faisable qu’en bateau, en lançant à cinq mètres dans la veine d’eau principale de la rivière et sur de « gentils poissons » ! En revanche, un petit indicateur en fibres hydrophobes placé sur le bas de ligne peut être très efficace. Nous pouvons l’appeler à « la néo-zélandaise » à l’aide d’un petit tube transparent où l’on rentre une boucle du fil puis on place une touffe de laine ou mieux de nos jours de « Strike Out » Loon ou de « Mc Fly Foam » quasi insubmersible que vous pouvez trouver chez Angelfly. Vous pouvez ainsi adapter la taille de votre indicateur à celle de la ou des nymphes utilisées. Cela est très discret et permet de pêcher loin parfois à une vingtaine de mètres et donc d’aller présenter votre nymphe dans des zones où la pêche au fil est inopérante. Cela est particulièrement intéressant sur les larges cours d’eau au courant uniforme et assez profond. Quelques mendings amont vous permettront de faire de longues dérives et, voir notre petit indicateur plonger, reste une madeleine de Proust pour beaucoup d’entre nous qui avons commencé à taquiner le goujon ou le gardon au bouchon…
Le streamer, un classique pour les gros poissons
La dernière technique que j’évoquerai ici est celle du streamer. En effet, elle est réputée pour son efficacité sur les gros salmonidés et particulièrement sur les farios qui ont une fâcheuse tendance à devenir franchement piscivores passé une certaine taille. Je vous ai déjà parlé de mon approche des rivières à grosses truites au streamer. En résumé, je leur donne à manger ! J’utilise des imitations articulées faisant parfois une quinzaine de centimètres de longueur, ce qui ne m’empêche pas de temps à autre de prendre une truite faisant à peine le double de ma mouche. Mais, les farios trophées aiment ce qui est volumineux et se déplacer pour quelque chose qui en vaut la peine. Honnêtement, je ne pense pas qu’il puisse y avoir de trop gros streamers pour un bécard de plus de soixante-dix centimètres. Nous avons affaire ici à un super prédateur qui règne en maître sur son bout de rivière. Dans la recherche de ces gros spécimens au streamer une canne puissante doit être utilisée. Une dix pieds soie de 8 est par exemple une bonne canne pour cela. Une ligne à tête plongeante et un running line flottant sont souvent la solution permettant de lancer sans trop de problèmes et de faire des mendings efficaces. Cette pêche va se pratiquer la majorité du temps en grande rivière où il faut parfois peigner de vastes pools. Les cannes « Switch » à deux mains, alliées à une tête de lancer courte type « Scandi » peuvent aussi vous aider à propulser, des heures durant, ce genre d’imitations. Le bas de ligne devra être court et solide, pas question de descendre sous les 20 centièmes quand on utilise un gros streamer ! C’est une technique qui s’apparente un peu à la traque du saumon dans la répétition des lancers et le fait que l’on recherche un poisson rare, mythique. La traque des grosses farios est une passion qu’il est tout à fait possible d’assouvir dans l’hexagone en choisissant les rivières et en adaptant un peu ses techniques. Bien entendu, ce n’est pas la pêche la plus productive mais admirer un de ces lingots d’or n’a pas de prix et mérite quelques sacrifices.