En fonction des saisons, les carpes peuvent être à peu près partout ou sembler présentes nulle part. C’est logique, animal à sang froid, son métabolisme est très actif aux beaux jours et plus ralenti en hiver. Concrètement, la digestion dure moins de 12 heures dans une eau « chaude » vers 20°C et peut prendre 48 heures ou plus dans une eau à 15°C. Cette précision n’est pas anecdotique, elle est importante pour gérer son amorçage car, si du printemps à l’automne, les carpes peuvent être boulimiques et très mobiles, elles ne se déplacent et ne mangent quasiment plus lorsque les eaux deviennent froides l’hiver mais restent prenables. Pour comprendre comment, avec quoi et en quelle quantité amorcer, il faut savoir que la carpe n’a pas d’estomac. Schématiquement, elle doit donc manger peu mais souvent, disons comme les vaches qui broutent à longueur de journée dans les prés. En réalité, les carpes « broutent » même la nuit, parfois même plus souvent que le jour, d’où l’intérêt soit dit en passant du coup du matin ou du coup du soir si vous n’êtes pas adepte de la pêche de nuit. Les carpes sont omnivores (en réalité carnivores à tendance omnivore) et très opportunistes. Elles mangent à peu près tout ce qui se présente, les écrevisses, les moules, les larves, les escargots d’eau, le menu fretin, les vers, etc. et comprennent vite l’intérêt des graines et autres bouillettes. Vous me voyez venir ?
Les graines et tubercules
Nos anciens amorçaient avec ce qu’ils avaient sous la main : fèves, petits pois, patate, maïs… En fait toutes les graines conviennent, pourvu qu’elles soient gonflées et cuites. On les rince et on fait tremper au moins 24 heures afin d’éviter qu’elles ne gonflent dans le ventre des poissons (lupin, noix tigrées…) et pour réduire le temps de cuisson. Faites-les cuire pour les attendrir et les faire un peu éclater (blé, mais) et/ou pour les faire germer et dégager leurs huiles (chènevis) ou encore pour engager des processus de transformation des sucres et rendre ces graines plus attractives (maïs, noix tigrées).
Chènevis, maïs, noix tigrée
Je n’utilise que trois types de graines, que je mélange. Le chènevis, parce que c’est un véritable aimant à poissons blancs, gardons et brèmes notamment. Il permet de « démarrer » un poste en créant une activité qui, immanquablement, attirera la curiosité des carpes. Comme toutes les autres petites particules telles que les graines à canaris ou le blé, elles maintiennent ensuite les poissons sur le coup, qui picorent sans se gaver. La seconde est l’incontournable maïs. Je parle du maïs à poule, le dur, qui résiste mieux aux poissons blancs que le maïs doux et dont les carpes raffolent tout autant. C’est une graine économique, très simple à préparer et très efficace. La troisième, c’est la noix tigrée (tiger nuts). Nos voisins espagnols les mangent à l’apéritif, elles ont un arrière-goût de noisette. Lorsqu’une fois cuites, on les laisse dans un seau fermé hermétiquement, le sucre contenu dans les graines (on peut en ajouter dans l’eau de trempage ou à la cuisson mais ce n’est pas indispensable) se transforme en même temps qu’apparaît une sorte de gélatine ressemblant à de la colle à tapisserie. Vos graines sont alors parfaites et peuvent se conserver ainsi très longtemps. Je ne sais pas pourquoi les carpes les adorent alors qu’en fait elles ne les digèrent pas très bien. Certains disent que c’est l’effet « crunch » lorsqu’elles les concassent avec leurs dents pharyngiennes… C’est une graine très attractive et qui tient très bien au cheveu du montage tout en résistant aux indésirables.
Les bouillettes
L’inconvénient des graines, c’est qu’elles sont peu sélectives et qu’il est difficile de lancer loin. Passe encore pour le maïs dur et les noix tigrées avec une fronde ou une pelle d’amorçage, mais au-delà d’une trentaine de mètres ou pour les graines plus légères, il faut recourir au bait-rocket ou au Spomb. Ce sont de petits récipients, que l’on lance avec une solide canne, qui s’ouvrent en touchant l’eau. Les bouillettes se lancent loin et facilement avec un tube lance bouillette ou un Spomb. Autre atout, elles limitent les touches de poissons blancs. Il y aurait de quoi écrire un livre entier sur ces bouillettes. Restons simples : elles ont presque toutes les qualités des graines et aucun de leurs « défauts » ! D’ailleurs, ce ne sont ni plus ni moins que des graines ou des patates plus rondes, plus grosses, plus denses, plus dures que des petits pois ou le maïs doux, plus sélectives… Ces appâts sont des assemblages de farines végétales (blé, maïs, soja…), animales (farine de poisson…), éventuellement de graines à oiseau (bird-food) pour aérer la texture, le tout lié avec des œufs et ébouillanté. Leur composition doit normalement être indiquée sur le paquet. Quand je disais qu’elles ont « presque » toutes les qualités des graines, elles sont tout de même plus chères, c’est leur principal défaut. Il est difficile de les trouver dans le commerce à moins d’une vingtaine d’euros les 5 kg. Certaines, élaborées avec des farines plus qualitatives, peuvent même coûter jusqu’à 15 € le kilogramme. Il faut alors savoir gérer l’amorçage ! Ce que nous verronsdans un prochain article bien sûr.
Préparer vos graines
Rincer vos graines et mettez-les à tremper une nuit pour qu’elles gonflent. Le lendemain, faites-les bouillir pendant 30 minutes environ. La durée varie selon les graines, arrêtez la cuisson lorsque les premiers germes blancs apparaissent pour le chènevis, ou lorsque quelques grains de maïs commencent à éclater. Ne préparez que le juste nécessaire (ou congelez l’excédent), car les graines fermentent au-delà d’une semaine ou deux et deviennent rebutantes, en réalité bien plus pour le nez du pêcheur que pour celui des poissons. Seule la noix tigrée a l’avantage de bien se conserver dans un seau fermé. Il est bien sûr possible d’acheter des graines toutes prêtes chez votre détaillant.